Pourquoi il est important d’aller visiter un Township lorsque l’on vit en Afrique du Sud

11Aller passer quatre heures dans l’un des Townships de Cape Town, à la rencontre des gens qui y vivent… Et à la découverte de leur habitat… Comme on va au zoo regarder des animaux en cage… Pourquoi ne pas leur balancer des cacahuètes, pendant qu’on y est… ?

 

Vraiment, j’étais réticente face à ce que je considérais comme une intrusion malsaine, aussi inutile que violente. Ce petit frisson voyeuriste et indécent que s’offre l’expat ou le touriste étranger pour aller observer ces millions de personnes en souffrance dans leurs ghettos.  

Seulement voilà, comme rarement dans ma vie, en quelques heures, j’ai changé d’avis et ai même fait volte face. Voici donc, pour information, le cheminement intellectuel qui m’a conduit à ce revirement :

 

Actuellement, 2,5 des 3,5 millions d’habitants de Cape Town vivent dans des Townships, soit 70% de la population de la ville. L’attitude qui consiste à visiter ces quartiers en coup de vent depuis un mini bus est effectivement ressentie comme insultante par les populations qui habitent là.

 

A l’inverse, se positionner contre ce tourisme social, comme je l’ai toujours fait jusque là, revient à exclure toutes ces personnes de l’accès aux retombées touristiques, alors même qu’elles sont celles qui en ont le plus besoin. 

Cela revient également d’une certaine manière à nier leur existence, ou à la marginaliser, alors qu’ils sont pourtant une majorité. 

C’est aussi entretenir une défiance réciproque née de l’ignorance de l’autre, une division définitive entre les différentes catégories sociales de personnes vivant pourtant dans la même cité.

C’est enfin les priver de micro-financements et d’opportunités : African Eagle, l’un des  grands Tour Operators Sud africains qui organisent ce type de tour, reverse par exemple 30% du prix de la visite aux artisans et personnes qui reçoivent les voyageurs de passage, ainsi qu’à un fond de développement actif dans la construction de logements et la formation de nouveaux guides, issus du Township. 

Faire venir les touristes à l’intérieur des habitations permet aussi à certaines personnes ayant les moyens financiers de découvrir des besoins spécifiques. Et parfois, l’histoire est belle :

  • Cette dame suisse qui offre une machine à laver à la guide qui nous a accompagnée dans le Township durant toute la matinée. 
  • Cette Suédoise, émue par le sort des femmes battues, qui lance une entreprise de réinsertion professionnelle pour elles, dans le quartier.
  • Ce monsieur Espagnol qui a offert plusieurs stages rémunérés à des étudiants du Township dans son entreprise. 

Souvent, c’est le petit montant d’argent, l’opportunité professionnelle ou l’objet qui va donner à une famille entière l’occasion de commencer un nouveau business et qui va permettre de briser le cercle de la pauvreté. 

 

Mais l’essentiel est presque ailleurs : 

Le tropisme qui consiste à voir dans cette expérience une intrusion malvenue est basé sur une méconnaissante et une incompréhension de la culture des communautés qui vivent là :

Tous ces habitants sont ici imprégnés du concept typiquement africain d' »UBUNTU« , sans traduction exacte en français, et qui réunit plusieurs notions différentes : « solidarité », « Humanité », « fraternité », « ouverture », « disponibilité et dévouement aux autres », « pardon », « estime de soi-même », « confiance », mais aussi « conscience d’appartenir à quelque chose de plus grand, de faire partie d’un tout ». 

Pensée sans laquelle la politique de réconciliation nationale menée à la chute de l’apartheid par Nelson Mandela et Desmond Tutu, notamment avec la « commission vérité et réconciliation » n’aurait peut-être pas pu réussir. 

C’est semble-t-il ce qui a permis à l’Afrique du Sud de faire figure d’exception mondiale et d’éviter le bain de sang auquel toute la communauté internationale s’attendait. 

 

Se déplacer pour venir visiter leur quartier est donc une forme de respect. Refuser de s’y rendre est une marque d’indifférence.  Qui l’eut cru. 

 

Le Township de Langa est le plus ancien de Cape Town. Il signifie « soleil » en langue Xhosa l’idiome le plus parlé dans la zone.

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Il date de 1927, est situé à l’est de la ville et a été créé suite au Urban Aeras Act passé en 1923 qui désignait cette région comme zone pour les Noirs, préfigurant la future politique d’apartheid mise en place en 1948.  Aujourd’hui près de 60 000 personnes vivent dans ce quartier, selon les estimations officielles. 45% ont moins de 20 ans, 40% des personnes en âge de travailler sont au chômage et 70% gagnent moins de 3 200 rands par mois (210€). 

 

Globalement, il existe plusieurs niveaux de logements, chacun accessible selon le niveau économique et l’ancienneté de la famille dans le quartier.  

Tout commence par les shacks, sortes de cahutes de taule, ouvertes à tous vents et posées à même le sol de terre, illégalement.

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Puis viennent les « Hostels » (100 rand par famille et par mois, soit 7,5€), dortoirs communs insalubres mais bétonnés avec accès à l’électricité.

3 familles par chambre de 7 m2. Soit environ 12 personnes. 

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Old Flat
– Lorsqu’une famille est en mesure de payer 275 rand par mois et justifier d’une personne travaillant dans le foyer, elle peut espérer, lorsque son tour arrive sur la liste d’attente, emménager dans un « Old Flat », sorte de grand studio avec accès à l’électricité et l’eau froide. 

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Viennent ensuite les Newflats, en général plus modernisés au niveau des infrastructures et avec l’eau chaude, le cable. 

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Beverly Hills – L’objectif final étant de pouvoir s’acheter sa propre maisonnette entièrement équipée, qu’ils appellent  les « Beverly Hills. » (300 000 rands, soit 23 000€)

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Une ville dans la ville

Les gens n’ayant pas les moyens de se déplacer en ville ni même d’avoir accès  financièrement aux supermarchés et autres magasins, tout est adapté et organisé localement.

C’est une ville dans la ville, avec : l’épicerie, les télécoms, le coiffeur, la boucherie, le médecin traditionnel (chez qui 70% de la population du quartier se rend encore lorsqu’elle est malade), la brasserie de bière locale – la fameuse Nmgombothi et son rituel de boisson si spécifique – et même les Bed&Breakfast touristiques pour faire découvrir le quartier aux touristes.

 

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Education. 

Emploi. 

Lutte contre la violence domestique et la drogue. 

Voilà les défis majeurs des Townships d’Afrique du Sud.

 

Et votre présence pourrait apporter l’une de ces petites gouttes qui font les grandes rivières.

Pom-portraitPar Pom.

Expatriée toute mon enfance, j’ai passé dix ans à me morfondre dans la publicité à Paris, 
avant de reprendre le chemin de l’étranger en 2012, accompagnée cette fois d’un mari et d’une paire d’insupportables jumeaux de trois ans. 
Maintenant installée à Cape Town, je profite de cette nouvelle expatriation pour faire ce qui me tient le plus à coeur : écrire. Pour retrouver les aventures humoristiques d’une mère de famille expatriée et débordée, c’est là : https://lesjumeauxacapetown.blogspot.com 

 

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