Blandine, une ancienne magistrate devenue conseil juridique pour les expats

Blandine, une ancienne magistrate devenue conseil juridique pour les expatsBlandine habite à Montréal à Québec depuis août 2016. Cette magistrate de 37 ans a dû réorienter sa carrière une fois arrivée au Canada avec son mari et ses quatre enfants. Aujourd’hui elle propose un service juridique auprès des Français expatriés à travers le monde. Un parcours brillant avec certainement un bel avenir ! Portrait réalisé en mars 2017. 

Mon parcours professionnel en quelques mots

Depuis 2004 j’ai exercé dans plusieurs juridictions de l’ouest parisien, d’abord en tant que juge pénaliste, puis en tant que juge civiliste. J’ai également présidé un bureau d’aide juridictionnelle.

J’ai eu la chance de me voir confier le traitement de contentieux très variés : droit de la famille et des personnes (mariage, filiation, adoption, protection des majeurs, changement de sexe…), droit patrimonial de la famille (successions, régimes matrimoniaux) , droit des contrats (crédits, baux d’habitation, baux commerciaux, droit de la vente), droit de la responsabilité (avocats, notaires, experts comptables, médecins, réparation du préjudice corporel),  droit international privé (exequatur), droit fiscal.

Par ailleurs, j’ai travaillé pendant 5 ans sur la création d’outils d’aide à la rédaction pour les magistrats en lien notamment avec la Cour de cassation.

Et à mes heures perdues (j’en avais quelques unes ;-)), j’ai assuré des TD à Paris X en droit de la famille, publié divers articles doctrinaux et participé à différents jurys de concours et examens (avocats et magistrats).

Notre expat, un projet de couple   

Nous sommes partis cet été pour Montréal. Mon mari, qui travaille dans le conseil, avait demandé sa mutation en interne. Partir à l’étranger était un projet que nous avions depuis le début de notre mariage. Nous rêvions de découvrir une nouvelle culture et ouvrir nos enfants à de nouveaux horizons.

Nous avons lancé le processus en janvier 2016. Et nous avons eu le feu vert en juin 2016 pour un déménagement un mois plus tard…

Un inévitable processus de maturation

Je n’étais jamais venue au Canada auparavant. Mais j’avais confiance dans l’intuition de mon mari qui pensait que le Québec serait une bonne destination pour notre famille. Bien que ce fut un projet de couple de longue date et que j’étais active pour préparer cette expatriation, les six mois qui ont précédé le feu vert de notre départ n’ont pas été faciles pour moi.

Il me fallait accepter de quitter un travail où je me donnais beaucoup, des collègues, et, disons-le, un statut social confortable. Je m’inquiétais également pour notre niveau de vie sur place, sur la capacité des enfants à s’adapter à un climat et à un entourage différents du milieu très (trop?) protégé dans lequel nous vivions.

En lisant différents témoignages sur les sites destinés aux expatriés, je réalise que ce processus de maturation est inévitable. Ce qui me rassure plutôt !

Un enrichissement immédiat

Depuis que je suis à Montréal, je ne me suis plus jamais posée la question « faisons-nous une énorme bêtise ? ». J’ai au contraire réalisé que cet éloignement de mon univers professionnel naturel était une chance pour réaliser ce que peu de magistrats ont l’opportunité de faire dans leur vie : changer de métier ! Découvrir l’autre côté du miroir, côtoyer un autre monde judiciaire et m’enrichir du savoir-faire juridique nord-américain.

En quelques mois au Québec, j’ai maintes fois pu expérimenter l’esprit d’entraide qui anime les expatriés mais également la qualité de l’accueil des Québécois, qui prennent volontiers le temps d’un café avec vous, vous encouragent et vous réfèrent (cela veut dire « vous recommandent »). Ce qui vous permet de tisser petit à petit votre toile et de « réseauter » pour bâtir un projet professionnel cohérent.

Devenir avocate au Canada

Au Canada, il n’est pas possible d’exercer une activité professionnelle en lien avec le droit si vous n’êtes pas avocat.  Ici, tous les juges sont d’anciens avocats contrairement à la France où les deux professions sont totalement distinctes. J’ai donc regardé les textes applicables et les accords liant la France et le Québec.

Et j’ai découvert qu’il existait depuis 2010 un accord de reconnaissance mutuelle entre le Conseil National des Barreaux (France) et le Barreau du Québec. Il permet à tout avocat inscrit dans un barreau français d’accéder à son cousin québécois, à la condition de réussir un examen de déontologie.

J’ai donc demandé mon inscription dans un barreau français (qui est de droit pour les magistrats)) et prêté serment en tant qu’avocate à la faveur d’un passage éclair en France à Noël. Je me suis ensuite inscrite à l’examen de déontologie du barreau du Québec.

Tout cela n’a été rendu possible que grâce à l’aide de quelques personnes bienveillantes. Elles m’ont donné les contacts nécessaires et ont facilité mes démarches. J’ai réalisé combien l’avancement d’un projet professionnel tenait parfois à peu de choses. Une rencontre dans une activité de Montréal Accueil, un appel Facetime, une greffière disposée à donner un coup de main…

Il faut donc savoir aussi compter sur la chance !

Une nouvelle activité de conseil juridique

Mon objectif est de rejoindre à terme le barreau de Montréal pour bénéficier d’un double rattachement. Mais mon nouveau statut d’avocate française m’a permis de lancer dès janvier une activité de conseil juridique en droit français.

Il existe bien sûr une grosse communauté française à Montréal. Mais mon projet va au-delà. Proposer mes services à tous les français expatriés à travers le monde. L’idée s’est imposée lorsqu’à peine arrivée à Montréal, j’ai été questionnée par plusieurs Français qui rencontraient des problématiques juridiques, parfois complexes, dans leur pays d’origine. Les avocats québécois n’étaient pas en capacité de répondre à leurs interrogations. Et l’offre des cabinets français auprès de la clientèle expatriée se révélait encore limitée dans ce domaine.

Ce projet répond également à un souhait de ma part de continuer à servir mes compatriotes malgré mon éloignement géographique. C’est aussi un moyen d’utiliser mes compétences (d’éviter de rouiller !), et d’en acquérir de nouvelles.

Enfin, c’est un peu la revanche du juge qui, étant tenu à un devoir de réserve, ne pouvait jusqu’à présent pas donner de conseils au justiciable.

Finalement, le lancement de mon activité a été assez rapide puisqu’il ne m’a fallu que quatre mois pour devenir avocate. Et je commence déjà à travailler en télétravail pour des clients expatriés ou pour des cabinets d’avocats en demande d’opinions juridiques.

Conseiller les Français à travers le monde…

Je propose un service de conseil juridique à destination des Français expatriés dans le monde qui rencontrent des problématiques d’ordre patrimonial ou familial, mettant en jeu des règles de droit français, européen ou international.

Les situations sont très variées. Un couple qui se sépare. Un ex-conjoint qui ne paye plus la pension alimentaire ou conteste sa paternité sur l’enfant. La protection d’un parent âgé devenu vulnérable. La vente ou la location d’un bien immobilier situé en France. La transformation d’une SARL en SAS. Le règlement d’une succession internationale. L’exequatur d’un jugement étranger devant les juridictions françaises. La rédaction d’un contrat de création de site internet…

… grâce à Internet

Mes clients me contactent par le biais de ma page Facebook. Nous échangeons ensuite par courriel. Habituellement, nous organisons une entrevue (par Facetime, Whatsapp ou Messenger) pour définir ensemble la problématique. Puis je rédige une note de synthèse répondant à l’ensemble des questions posées. Il m’arrive également de fixer un second rendez-vous pour répondre aux éventuelles questions du client.

Je facture à un tarif horaire raisonnable et n’engage aucun frais sans acceptation du devis et des conditions de mon intervention. Nos échanges sont confidentiels. Si la question posée n’est pas dans ma sphère de compétence, j’adresse alors la personne à un confrère spécialisé dans la matière.

Les principaux défis à relever

Le premier défi est l’administration française, et plus particulièrement le RSI (après l’URSSAF…), pour qui la situation d’une avocate française travaillant à distance depuis un pays hors Union européenne n’est pas facile à cerner… Pour l’instant le challenge est toujours en cours. Patience et pédagogie sont mes meilleures alliées.

Vient ensuite la communication. Faire connaître mon offre de service auprès des différentes communautés expatriées n’est pas chose facile. Je réfléchis actuellement à compléter ma page Facebook par un site internet. Il me semble également important de créer des liens avec les autres avocats qui proposent leurs services aux expatriés. En effet nos sphères de compétences se complètent souvent. Et les retours d’expériences sont particulièrement enrichissants.

Un avenir en projets

J’ai un double projet à court terme. Développer ma clientèle à l’international tout en rejoignant d’ici l’été 2017 le barreau du Québec.

J’ai également plusieurs projets de publication en cours (en France et au Québec) dans des revues spécialisées. Je collabore aussi occasionnellement avec l’Université de Montréal.

J’aimerais enfin faire connaître mon expertise auprès des cabinets d’avocats québécois qui traitent régulièrement de dossiers en lien avec le droit français et européen.

Femmes expatriées, ne vous autocensurez pas !

J’encourage vraiment les femmes qui ont fait le choix de suivre leur conjoint dans l’aventure de l’expatriation et qui souhaitent exercer une activité professionnelle à se faire plaisir. Et à ne pas s’autocensurer ! Nous quittons une carrière, des projets professionnels, des collègues, un métier utile pour la société.

Se poser les bonnes questions

Ce départ est l’occasion de nous poser les bonnes questions, de faire une pause. Etais-je heureuse dans mon précédent emploi ? Ai-je vraiment envie/besoin de travailler ? Vais-je complètement changer de voie ou exercer différemment mon métier ? Comment valoriser mes acquis professionnels ? Quels sont mes objectifs prioritaires ? Quelles sont les compétences/savoirs faire qui me manquent pour atteindre mon objectif ? Quelles sont les personnes ressources que je dois contacter ? Quel est mon calendrier (ne pas brûler les étapes) ?

Si vous vous installez au Québec

Pensez à vous renseigner sur les accords qui existent entre la France et le Québec et les reconnaissances de diplômes. Mais également à prendre des contacts depuis la France avant de partir dans votre futur milieu professionnel. A vous faire recommander une fois sur place, à avoir plusieurs projets « sur le feu » en même temps, à ne jamais refuser les cafés ou lunch d’affaires, à contacter toutes les personnes que l’on vous recommande, à assister à des soirées de réseautage (« 5 à 7 » ici !). Mettez à jour votre profil LinkedIn. Et pensez à toujours avoir des cartes d’affaires (cartes de visite) dans votre sac à main.

Surtout, gardez un esprit résolument positif. Les Québécois aiment cela !

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