Comment, contre toute attente, j’ai trouvé du travail au Japon

travail japonJe suis arrivée à Tokyo il a presque 3 ans. Je venais de quitter mon travail en France pour suivre mon mari qui avait trouvé un contrat local dans une petite boîte dynamique. Sans enfants et un peu hyperactive, j’avais la ferme intention de retrouver un emploi très vite pour continuer ma carrière. Les choses ne se sont pas vraiment passées comme prévu… Au final, trouver un travail m’a presque pris 2 ans. Je dis souvent que la patience et l’humilité sont les principaux enseignements que m’a apportés le Japon, ce fut surtout le cas pour la recherche d’emploi.

Première désillusion : sauf de rares cas, la maîtrise du japonais est une obligation. C’est bien simple, si vous n’êtes pas au niveau 2 du JLPT (le TOEFL du japonais), on ne vous reçoit que rarement en entretien, sauf peut-être pour un job étudiant (baito). Moi qui débarquais sans jamais avoir ouvert un bouquin, pensant naïvement pouvoir me débrouiller avec 6 mois de cours, j’ai vite compris que ça allait être un peu plus compliqué que prévu. En effet, ce n’est pas seulement la maîtrise du japonais qui est demandée, mais celle du japonais des affaires qui est complètement différent du langage courant. Si on se débrouille assez vite pour les conversations du quotidien, prendre un appel ou se représenter sa boîte de manière professionnelle est une autre paire de manches. Cela demande de connaître déjà bien la grammaire, d’avoir une bonne base de vocabulaire pour pouvoir y superposer le keigo (niveau de politesse de la langue). Beaucoup de Japonais ne l’utilisent d’ailleurs pas au quotidien et ne le maîtrisent pas très bien tant il est spécifique. Lu, écrit, parlé, il met une barrière très haute à l’entrée dans le marché du travail japonais.

Deuxième désillusion : le marché de l’emploi japonais pratique la préférence nationale. A choisir, un employeur préfèrera toujours un compatriote. Cela peut sembler normal à compétences égales, mais le poste n’est pas pourvu depuis des mois, ça frise l’absurde. La plupart des employeurs cherchent un peu un mouton à 5 pattes : un Japonais, bilingue anglais mais qui n’est jamais parti du Japon ou alors pas trop longtemps (sinon il n’est plus vraiment Japonais), diplômé, et motivé. Des employés de ce type, il y en a très peu et beaucoup d’offres ne sont actuellement pas pourvues. Pourtant, les boîtes ne veulent toujours pas d’étrangers. C’est en partie une question de culture. C’est vrai que travailler dans une entreprise japonaise demande un dévouement et une abnégation à laquelle beaucoup d’Occidentaux ne sont pas habitués. C’est aussi et surtout en raison d’un malaise envers les étrangers qui n’inspirent pas confiance. Surtout si le job requiert de rencontrer de la clientèle, un étranger, même bilingue et qualifié, sera probablement écarté.

Troisième déconvenue : le Japon est un pays de long terme. C’est un consultant / chasseur de têtes qui me l’avait dit à mon arrivée. Selon lui, s’habituer à la culture japonaise et être prêt à y travailler prenait bien 1 à 2 ans. Etablir un réseau, se faire connaître, convaincre un employeur japonais, prend en effet du temps, beaucoup de temps. Les aspirants venus avec des visas de court terme, type vacances travail, verront que les mois défilent à toute allure. Il faut arriver préparé pour ne pas perdre de temps. Idéalement, il faudrait avoir des contacts déjà établis, des noms de sociétés à contacter, et surtout un petit pactole pour tenir au chômage.

Quand j’ai compris que mes recherches actives ne mèneraient à rien (ça m’a quand même pris une bonne année), j’ai commencé à envisager une reconversion. Mon secteur d’origine (la responsabilité sociale des entreprises, notamment en matière environnementale) n’est pas du tout une priorité au Japon. J’avais déjà commencé à donner des cours de français et de soutien scolaire pour m’occuper et gagner un peu d’argent. Je travaillais bien, presque un plein temps. Les parents et les élèves étaient contents, je trouvais ça assez gratifiant de les aider à mieux comprendre et à avoir de bonnes notes. A Tokyo, il y a une forte demande de la part de parents binationaux, dont les enfants étudient au Lycée Français. Souvent, la maman est japonaise et comprend mal la façon d’enseigner à la française. Avoir une personne qui vient tous les jours s’assurer que les devoirs sont faits et que les leçons sont sues est très apprécié.

Afin de professionnaliser cette expérience, j’avais donc décidé de passer ma licence de FLE (Français Langue Etrangère). Enseigner le français, ça se fait partout, cela me semblait une bonne option pour suivre mon conjoint. L’Institut Français de Tokyo propose une formation accélérée (le DUFLE, Diplôme Universitaire de Français Langue Etrangère) qui débouche sur un niveau licence. Les cours sont passionnants et très orientés sur la pratique de classe. Le prix de la formation demande un effort, mais je ne la regrette pas : j’ai beaucoup appris sur ma façon d’enseigner et d’être avec les apprenants. Diplômée en mai, j’ai commencé à chercher un poste dans une école de langue tout en continuant mes cours habituels. Et c’est là que le coup de pouce que j’attendais depuis 2 ans est enfin survenu.

Depuis mon arrivée, je m’étais inscrite dans une association formidable : Femmes Actives Japon (FAJ). Elle a pour but d’accueillir toutes les femmes en expatriation venues sans emploi, mais souhaitant garder un pied dans le monde du travail. Tous les mois, des réunions thématiques expliquent un aspect du monde du travail japonais (un secteur, le droit des contrats, la gestion multiculturelle). Des ateliers sont également organisés pour aider à refaire son CV, mieux passer les entretiens d’embauche ou perfectionner ses talents d’oratrice. On y rencontre des femmes dans la même situation que soi avec qui se serrer les coudes et vider son sac devant un café. Et parfois aussi, un potentiel employeur.

Cette année-là, j’avais participé au programme de Mentorat organisé par FAJ. Le principe est le suivant : une mentorée est coachée par une mentore, souvent une femme plus expérimentée, pour un projet de son choix. L’échange est basé sur la confiance, la bienveillance et la motivation. Ma mentore venait d’un secteur complètement différent du mien, le marketing, ce qui m’a permis de donner un tout autre éclairage à mon parcours. C’est elle qui m’a parlé de cette annonce de boulot où « elle me voyait bien ». J’ai passé l’entretien, et une semaine plus tard, je commençais. Je le dois donc à un sacré concours de circonstances, mais aussi à ma détermination.

Trouver un travail au Japon est donc possible, même quand on parle mal le japonais et qu’on n’est pas ingénieur informaticien. Cela demande du temps, de l’argent, un bon réseau, une certaine flexibilité et une bonne dose d’humilité. Il ne faut pas hésiter à ressusciter de vieilles compétences,  à se lancer dans un domaine inconnu, à essayer de nouveaux domaines. Qui sait, vous y découvrirez peut-être votre prochain « dreamed job » ?

Par Pauline

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