VIVRE A ZAGREB

Zagreb est une petite capitale de 800 000 habitants, située au nord de la Croatie, à 15 kilomètres de la frontière Slovène. Avant la guerre d’indépendance de 1991 à 1995, Zagreb était une ville de province parmi d’autres.
Dimanche 14 août, 19 heures : j’atterris à Zagreb, avec ma fille, âgée de 7 ans, et mon fils de 4 ans ; nous accompagnent 11 bagages. Mon époux est en Croatie depuis quelques semaines déjà.

Deux jours auparavant, à Strasbourg, je mettais en stand-by 11 ans d’une vie et passionnante carrière professionnelle pour « saisir l’occasion de vivre autre chose et autrement durant trois ans ».

Mes premières impressions
Pas de réel choc ou de « surprise » particulière en arrivant à Zagreb ; à vrai dire, mon époux et moi y avions passé une semaine en juin, afin de trouver un logement et de prospecter pour les écoles. En outre, depuis la réception de l’ordre de mission de mon époux, en début d’année, nous avions pris plaisir à nous documenter et nous informer sur ce pays et sa capitale.

Le secteur du BTP en effervescence
Je définirais Zagreb comme une ville en construction : on y construit sans cesse des immeubles et maisons. Existe-t-il une réglementation d’occupation des sols ? Les habitations sont construites de manière irrégulière sans harmonie ou identité de quartier, ce qui donne une impression d’urbanisation désordonnée.
En fonction des endroits, on trouvera différents standings d’habitation. Le haut de la ville est plutôt résidentiel ; certains quartiers, tels que Pantovcak ou Tuskanac, ressemblent d’ailleurs davantage à Hollywood qu’à un quartier d’une petite capitale aux portes de l’Europe. Le bas de la ville, appelé Novi Zagreb, se caractérise par des immeubles grisâtres des années 60, au confort a priori assez rudimentaire.

Conduire « comme un croate »
Un réseau de bus et de tramways permet de se déplacer pratiquement et rapidement au sein de la ville et de son agglomération. Néanmoins, les croates utilisent plutôt leur voiture. Des bouchons sont fréquents au centre ville, car il n’existe pas de voie de contournement de la ville du nord vers le sud.
Les croates ont une conduite plutôt « nerveuse » : pas une seconde de répit pour démarrer à un feu vert, sous peine de se faire klaxonner ! Dépassements par la droite, stationnements en milieu de voie sont monnaie courante !

Une ville plutôt sûre
Zagreb est une ville agréable : elle est réputée pour son faible taux de criminalité. Pas d’émeutes dans les quartiers populaires, peu d’agressions en ville ; on sort tranquilles !
En réalité, la criminalité est plus sournoise ; la Croatie est en effet aux mains d’une mafia, qui tient les principales rênes du pays : grande distribution, police, administration… On ne s’étonnera donc pas que l’Etat mette du temps à engager des grands travaux ou tout simplement à faire adopter de nouvelles lois ou règles fiscales.

Survivre et « sur-vivre »
A Zagreb, la richesse côtoie la pauvreté ; en effet, les croates sont soit très riches (mais alors très riches !) soit plutôt pauvres. Pas de prépondérance de la classe moyenne, très peu présente – ou du moins peu visible.
Le nombre de 4X4 flambants neufs, de voitures & boutiques de luxe peut étonner. Ici, on croisera une Lamborghini étincelante, suivie d’une Yugo ou Lada cahotante ! Ces constats doivent cependant être modulés par le fait que la grande majorité des croates vit à crédit. Les riches empruntent peut-être pour acheter sur un coup de tête la dernière voiture haut de gamme, mais les « pauvres » empruntent pour manger et se chauffer. Le salaire moyen mensuel avoisine les 400 Euros ; les retraites et pensions ne sont pas versées régulièrement ; l’endettement moyen d’un ménage croate dépasse 5 000 Euros. Alors que le coût de la vie est proche de celui de l’Europe de l’Ouest, de nombreux croates ont véritablement du mal à vivre en ville.
L’état lui-même est sérieusement endetté et cela se ressent au quotidien : immeubles anciens non rénovés, routes mal entretenues et nids de poules fréquents sur les chaussées de la capitale, réseau d’eau potable peu étendu dans certains coins de campagne reculés…

Un nationalisme plutôt présent
Une part importante des croates -heureusement pas tous !- tend au nationalisme, pour ne pas dire au racisme. Je n’ai néanmoins pas le recul nécessaire pour préciser si la proportion de « nationalistes » est plus importante en Croatie qu’ailleurs ; je me contente de vous relater ci-dessous certaines expériences récemment vécues, qui pourraient se dérouler dans d’autres pays que la Croatie.
Le souvenir de la récente guerre est toujours présent. La haine des croates envers les bosniaques et serbes est patente. Ainsi, si un délit est commis en Croatie (récent cambriolage d’une banque du centre de Zagreb et meurtre d’un employé), la rumeur l’attribuera aux bosniaques, « qu’il faut attraper au plus vite et tuer » (dixit une connaissance croate).
De nombreux appartements zagrebois sont inoccupés et pour cause : leur propriétaire est serbe ou bosniaque. Les copropriétaires croates n’espèrent pas de retrouvailles… A la Toussaint, des dizaines de milliers de croates en provenance de tout le pays se déplacent à Zagreb pour se recueillir au cimetière de Mirogoj, sur la tombe du défunt président Tudjman et des nombreux « croates morts pour leur pays ». Car « chaque famille a perdu au moins un jeune, assassiné durant la guerre [on le rappelle…] par les bosniaques ou les serbes ».
J’ai assisté à des conversations durant lesquelles des croates de notre âge, nous demandent comment, en France, nous arrivons à vivre « entourés de tellement de gens de couleurs, aux cultures si différentes, pratiquant des religions autres que le catholicisme »…

Au-delà de la guerre passée, qui, je peux le comprendre, sensibilise encore bon nombre d’esprits et continue à véhiculer une certaine forme de xénophobie, certains croates appliquent des règles de préférence nationale dans des domaines plus étonnants.
Ainsi, notre fille, qui avait obtenu en mai dernier, près de Strasbourg, une première place d’un concours de gymnastique artistique, s’est vue refuser -après un stage d’une semaine- l’accès au groupe de compétition du seul club de gymnastique de Zagreb. Motif officiel de l’entraîneur : « ne parle pas croate »… Le président du club nous a alors judicieusement orientés vers un autre groupe « plus ludique », destiné à des filles de 8 à 12 ans…

Dans le domaine du logement, les tarifs varient fortement entre croates et étrangers. Nous louons un appartement dans une maison de trois niveaux. Les trois appartements qui la composent sont équipés strictement de la même manière (même carrelage, mêmes équipements ménagers, même surface, etc.). Nos nouveaux voisins « du dessus », croates plutôt aisés, paient un loyer équivalent à 60% du nôtre, pour exactement le même service et le même confort, avec, en prime, un garage privé !

Une frange de la population néanmoins ouverte à d’autres cultures
Malgré ces constats, nous avons eu le bonheur de rencontrer des personnes ouvertes à notre culture, des personnes qui nous ont fait confiance instinctivement ; je placerais en tête le personnel administratif et enseignant de l’école publique croate que fréquente notre fille. Je citerais aussi certains parents d’élèves qui nous ont accueillis avec chaleur et aidés lorsque cela était nécessaire, ou ce professeur d’économie rencontré à Porec, qui m’a dédicacé un de ses ouvrages et nous a fait cadeau d’une discussion mémorable !
Certaines rencontres sont inoubliables et riches. Elles me persuadent de continuer mon « exploration » de ce pays et de ses habitants. Car certains de ces travers que l’on découvre au sein d’un peuple étranger ne sont-ils pas aussi présents dans nos habitudes de français ? Nul peuple n’est parfait mais nul peuple n’est excusable. Cette Croatie qui se reconstruit, qui prétend à « l’Europe », qui découvre le capitalisme, est passionnante à observer ; les règles politiques, économiques, juridiques et sociales qu’elle met -ou souhaite mettre- en œuvre constituent des sujets vastes et intéressants de réflexion.

Vivre à Zagreb
Nous avons pris le parti de vivre ces trois années comme une découverte, une ouverture sur un pays non encore dans la « grande Europe », un pays au sortir de la guerre, un pays en recherche d’identité.

Ainsi, nos décisions d’installation et de vie dans ce pays intègrent ces objectifs.

La scolarisation des enfants : étape primordiale de notre intégration
Nos enfants ne fréquentent pas l’école française. Nous avons privilégié la découverte d’autres langues et cultures, du moins tant que les enfants l’acceptent et que cela ne porte pas préjudice à leur cursus scolaire. Ainsi, notre aînée suit les cours d’une école primaire croate, en langue croate.
Son petit frère est dans une maternelle croate, en langue anglaise.
Aucun de nos enfants ne parlait une langue étrangère avant d’arriver en Croatie. Oh, cette décision de scolarisation hors système français choquait et choque encore nombre de nos connaissances et proches ! Combien de fois ai-je eu l’impression d’être perçue comme une extra-terrestre odieuse avec ses enfants, face à des français plus conventionnels -dont certains membres de ma famille-. J’avoue néanmoins que les premières semaines ont été très difficiles pour les enfants… et, de ce fait, pour nous aussi. Notre fille a été plongée dans une classe 100% « croatophone », sans connaître un seul mot de cette langue. Elle bénéficie, depuis le quatrième jour d’école, de cours privés de croate, afin de l’aider au quotidien dans ses devoirs et exercices.
Aujourd’hui, au bout d’un trimestre, elle comprend une conversation basique en croate, ainsi que les instructions de ses professeurs. Elle participe sans soucis aux jeux des autres enfants, est invitée à des anniversaires d’enfants croates, à une amie croate. Bref, elle s’intègre petit à petit. Elle commence à maîtriser cette langue slave qu’est le croate, certes peu pratiquée à travers le monde, mais dont les bases sont identiques à de nombreuses autres langues d’Europe de l’Est.
Quant à notre fils, il baragouine un peu d’anglais, qu’il mélange parfois avec du croate, parlé par la majorité de ses copains de classe ; le résultat est rigolo tout en étant satisfaisant, à mon goût.

Ce choix de scolarisation m’amène à rencontrer des croates de tous niveaux sociaux ; les sorties d’écoles sont des moments de rencontres avec d’autres parents. Et même si je ne parle que très mal le croate pour l’instant, nombreuses sont les personnes qui font l’effort d’engager une conversation avec moi. Ces moments sont simples et intéressants !

Se loger à un bon rapport qualité/prix : parcours du combattant !
Côté logement, attendez-vous à être surpris ! Car être expatrié = payer un loyer plutôt démesuré à Zagreb. Toutes les occasions sont bonnes pour attirer un maximum de devises dans le pays.
Zagreb pratique des prix élevés à l’attention des étrangers, prix du niveau des capitales « occidentales », totalement inadéquats par rapport à l’importance ou au standing général de la ville. Car il faut rester réaliste : le centre de Zagreb n’a pas (encore) la majesté de celui de Paris, de Londres, de Vienne ou de Berlin ! On a beau chercher et chercher encore, rares sont les expatriés ayant pu se loger à des prix raisonnables. Le m² locatif avoisine les 10-12 Euros pour nous, étrangers, pour un confort somme toute peu marquant. A standard égal, le tarif est parfois proche du double des prix pratiqués à Strasbourg.

Une ville axée sur la culture et le sport
La culture est facilement accessible à Zagreb. Une place au théâtre national coûte entre 10 et 20 euros. De nombreuses galeries d’art offrent des expositions éclectiques et variées. J’ai récemment eu le plaisir de visiter, entre autres, l’exposition de la quasi intégralité des œuvres du peintre bosniaque Munir Vejzovic, ancien étudiant du « Department of the Academy of Fine Arts in Zagreb » dans les années 60.
En outre, comme dans toute grande ville, les dispositifs sportifs sont appréciables. Ainsi, le quartier zagrebois de Salata est constitué d’un important complexe sportif, probablement héritage du communisme : piscine olympique ouverte, nombreux terrains de tennis, patinoire en plein air, salles de sport, etc. On trouve un autre complexe sportif notable, au sud de Zagreb, dans le quartier de Jarun et de nombreux parcs publics très agréables à travers la ville.
Malgré des tarifs d’inscription globalement plus élevés qu’en France, pratiquer un sport à Zagreb est facile et le choix est large.
Enfin, les premières pistes de ski se situent à 15 minutes du centre de Zagreb. Domaine plutôt familial et constitué de 5 pistes, le site de Sljeme permet des sorties sympathiques pour skier, luger ou se promener.

Ainsi se termine cet article de découverte de Zagreb ! Il y aurait encore beaucoup à raconter sur la Croatie : sa politique, son économie, son histoire, ses règles sociales, son système éducatif, ses plages, ses vins, sa gastronomie, sa campagne, ses traditions, les rencontres avec ses habitants… Peut-être l’objet d’autres articles… Si vous souhaitez en savoir plus sur la Croatie, je vous recommande l’excellent site de l’ambassade de Croatie en France. Pour vous rendre en Croatie, un passeport vous suffit. Bus, trains, avions et autoroutes permettent un accès aisé.

De tout cœur, « sretan bozic i nova godina » à toutes les lectrices et leurs proches !

Par Corinne

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Photo :Creative Commons by PetroCosta Ferreira

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