La Pâque orthodoxe roumaine

Nous sommes rentrés en France après 10 ans d’expat . Notre dernière destination était la Roumanie. Passé Ceausescu et Dracula, je ne connaissais pas grand-chose sur ce pays quand nous y sommes arrivés. J’ai appris à le connaître au cours des trois années passées là-bas.

Et la première Pâques orthodoxe que nous y avons vécue reste un de nos souvenirs les plus attachants.

 

Retour donc sur un samedi soir d’avril 2012. Nous nous garons dans la cour de la maison de Virginia Linul à Salva. En costume traditionnel, elle nous attend sur le perron de sa porte, une assiette de Cozonac à la main. A côté d’elle Mihai, un correspondant local de la chaîne de télé Antena 1, nous filme dès notre descente de voiture. C’est un ami de Virginia, ravi de trouver avec nous un sujet de reportage pour illustrer Pâques.

 

Sur la grande table de la salle à manger, le repas est prêt.

Virginia, sa mère, sa fille, ses sœurs et ses cousines ont travaillé toute la journée pour cuisiner l’agneau pascal. Virginia ne partage pas avec nous un verre de Jinars de Mere (une tuica à base de pommes qu’elle produit elle-même) car elle ne termine son carême que le lendemain matin. Mon mari, mes filles et ma maman découvrent son musée-boutique où est exposé un large éventail de l’artisanat traditionnel roumain. Ceintures brodées de perles, blouses et jupes brodées de fils chamarrés, chapeaux aux plumes de paon (clop cu paun), coussins, sacs, chaussures et même les pompons rouges des chevaux. La caméra de Misu (le diminutif de Mihai, notre reporter) nous suit. Comme je suis la seule à avoir pris des cours de roumain, c’est moi qui traduis les questions de Misu.

 

Vers 23h, Jina (diminutif de Virginia) nous embarque dans sa voiture avec sa fille.

Olivier reste à la maison avec Eglantine et Hortense, encore trop petites pour suivre. Nous nous rendons au monastère de Nuseni (prononcez Nouchen). Seules les lumières du monastère se détachent dans la nuit parfaitement noire. Sa construction est récente et les fresques de l’église ne sont pas encore terminées. Alors que l’église se remplit, les lumières s’éteignent. Sur une table, les femmes déposent les paniers garnis qu’elles ont apportés. Lorsque tout le monde enfile son petit verre en plastique autour de son cierge, l’église se remplit d’un concert de craquements secs. De cette façon ces longues bougies très fines ne couleront pas sur le sol une fois allumées par la flamme venue de Jérusalem. Un peu plus tôt dans la soirée nous avons vu aux infos la lumière du Christ arriver par avion privé, avant d’être répandue au plus vite dans tout le pays par voie aérienne.paques05

 

Dans l’église, la flamme se transmet de cierge en cierge.

Christ est ressuscité. Hristos a inviat ! Puis tout le monde sort. Je ne comprends pas tout aux rituels. Jina m’explique ce qu’elle peut, mais mon roumain a encore trop de lacunes (nous sommes arrivés seulement depuis 6 mois). Je suis sous le charme des rites. La télé nous filme toujours. Mais nous ne restons pas jusqu’à la fin car la cérémonie dure jusqu’au bout de la nuit.

 

Une fois de retour à la maison, Jina nous fait communier. Nous prenons chacun trois morceaux de pain trempés dans une sorte de vin blanc en disant : « Hristos a inviat. – Adevarat a inviat. » (Christ est vivant – C’est vrai, il est vivant). Nous renouvelleront ce rituel avant chaque repas tout au long de notre séjour. Même avant le petit déjeuner ! De même quand nous croisons quelqu’un, nous disons « Hristos a inviat ! » et il répond « Adevarat a inviat ! ».

 

Le dimanche matin, après un petit déjeuner copieux où se mélangent miel et agneau (mais, clin d’œil,  l’agneau se dit miel en roumain)…

Jina nous habille avec les costumes traditionnels qu’elle fabrique elle-même et vend à travers tout le pays. Mon mari a un peu de mal avec le clop. Cet espèce de chapeau melon noir rehaussé de grandes plumes de paon est un peu petit pour lui. Moi je le trouve très beau avec son costume et sa large ceinture brodée. Ma petite de 2 ans accepte difficilement la blouse et la jupe. Impossible de lui mettre les deux tabliers jumeaux qui se portent devant et derrière la jupe. Ma maman, ma fille aînée et moi jouons le jeu avec plaisir. Eglantine se sent magnifique et rayonne de bonheur sous sa couronne fleurie. Misu nous continue de nous filmer.

 

Nous nous rendons à l’église orthodoxe.

L’office a commencé depuis un bon moment. L’église est pleine. Avec nos costumes traditionnels et notre reporter personnel, nous ne passons pas inaperçus. Les villageois sont un peu déçus de ne pas avoir étés prévenus de notre visite car ils auraient alors portés eux-aussi leurs costumes traditionnels. Aujourd’hui ils ne sont que quelques-uns. En effet ils mettent leurs vêtements traditionnels plutôt le lundi. A l’étage je retrouve la maman de Jina qui chante avec le chœur des femmes. Elles sont belles dans la lumière dorée de l’église. Avant la fin de l’office, nous changeons d’église pour rejoindre la communauté gréco-catholique. L’église est plus sobre et les fidèles moins nombreux mais la ferveur est la même. Partout les gens sont heureux de nous accueillir et le prêtre vient nous saluer personnellement à la fin de l’office. Le vin coule à flot et le pain se prend par poignées dans de grandes bassines pour communier. Hristos a inviat ! Adevarat a inviat !

 

Nous rentrons déjeuner chez Jina.

Le drob, les sarmale et l’agneau frit nous attendent sur la table. La porte s’ouvre, une amie de Jina passe. Jina lui offre un verre et une assiette. Puis elle repart. Plusieurs visiteurs se succèderont ainsi. Pour les enfants, Jina a préparé des œufs durs et d’autres en bois peint avec des perles ainsi que des petits gâteaux colorés. Ils pourront les mettre dans leurs sacs avant de repartir frapper à la porte voisine. Comme le veut la tradition nous frappons chacun nos œufs durs les uns contre les autres en disant… « Hristos a inviat ! Adevara a inviat! ». Celui dont l’œuf ne se casse pas a gagné.

 

Nous profitions de l’après-midi pour nous promener.

Vers 19h Misu a envoyé ses images à Bucarest depuis longtemps et notre reportage doit passer aux infos nationales. Nous n’avons pas le temps de rentrer à la maison car Jina veut nous montrer la source d’eau gazeuse de Sângeorz-Băi, réputée pour ses vertus thérapeutiques digestives. Nous nous installons dans un café où le gérant nous met Antena 1. A 19h le journal commence. Enfin vient le tour de cette famille de Français venus passer Pâques au fin fond de la Roumanie. Nos voisins de table n’en reviennent pas que Salva, leur petit village, passe aux infos. La région n’est pas touristique. Soudain ils rient encore plus en nous reconnaissant.

Ma petite hurle « Y a maman ! Y a maman ! … Y a papa aussi ! ».

Nous devrons rentrer à Bucarest dès le lendemain matin à cause d’une de nos filles malade. Mais depuis, Pâques a toujours pour nous un goût de Roumanie. Sans le vin blanc au petit-déjeuner…

Et là, dans une boîte en bas de mon armoire, dorment les costumes brodés de Jina.

 

Ciboolette

 

 

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