TRANCHE DE VIE A SANAA AU YEMEN

SANAACet article date de 2009 mais il relate l’expérience d’expatriation à Sanaa au Yémen en famille et un retour précipité au vu des événements politiques. Aujourd’hui, en 2019, il est impensable non seulement de s’expatrier au Yemen, mais même d’y mettre les pieds. Alors,  ne vous privez pas de  lire le témoignage de vie de Stéphanie et son retour en France.

Nous sommes arrivés à Sanaa, la capitale yéménite le 03 décembre 2007.

Nous avions, le mois précédent notre arrivée, effectué notre voyage de pré-affectation, ce qui fait que le paysage ne m’était pas inconnu.
Nous n’avions malgré tout pas encore notre maison : il restait encore des travaux à y faire, ce qui devait durer environ 3 semaines.
En attendant, nous avions réservé un appartement avec le strict minimum.

Nous avions aussi pris le soin, durant notre voyage de pré-affectation en novembre, de faire le tour des nombreux magasins de meubles que nous pouvions trouver à Sanaa pour trouver notre bonheur et réserver l’essentiel (lits adultes et enfants, canapés, tables, bureaux, accessoires etc.). Si vous voulez payer le prix « normal » (par rapport au prix affiché), il faut marchander même si entre nous, c’est vraiment pour le plaisir car ce n’est vraiment pas cher.

Ce fut un passage long et fatiguant mais je le conseille à tout le monde : faire le maximum de choses avant d’arriver et durant ce voyage. Choisir la maison, les meubles, la télévision, la voiture etc. Nous avions la chance que tous ces avantages confortables soient pris en charge par la société de mon mari, ce qui n’est pas le cas de tout le monde.

Bref, car à notre arrivée, tout s’est enchaîné assez vite.
A peine les valises posées, mon mari partait dès le lendemain dans le whadi dhar (le désert), en me laissant seule avec ma fille (1 an et demi).
Il devait partir 2 jours… Je me suis retrouvée seule pendant 10 jours. Je parlais à peine anglais et encore moins arabe.

Nous avions une voiture avec un chauffeur car nous ne pouvons pas conduire au Yémen, c’est très déconseillé !! Il n’y a pas de code la route et les yéménites ne passent pas de permis particulier, donc c’est un peu l’anarchie. Autant vous dire qu’avoir un accident au Yémen signe la fin de votre voyage ! Du coup, nous avions un chauffeur qui m’a beaucoup aidé au début.

Je ne savais donc pas où aller pour avoir accès à internet, où aller pour acheter à manger car tous les codes changent : pas la même alimentation, pas d’enseigne Carrefour ou Auchan, non, un Shumaila qui est le plus grand supermarché de Sanaa (mais pas les mêmes produits). Il m’a fallu quelques semaines avant de me familiariser et heureusement, la femme du patron de mon mari, m’a beaucoup aidée.

Les yéménites terminent en général leur journée de travail à 13h car ils commencent très tôt le matin, dès le levé du soleil à 5h00 et reprennent en général vers 17h00 le soir jusqu’à 21h00, ça dépend des magasins. C’est évidemment à cause de la chaleur, Sanaa se trouve à 2300m d’altitude, il y a à peu près 0% d’humidité et environ entre 26 et 30 degrés toute la journée et toute l’année.

Ah oui, j’ai oublié de vous dire que nous avions aussi un téléphone portable (très important au Yémen) pour pouvoir être contactés à n’importe quel moment ou recevoir des messages de sécurité provenant de l’Ambassade.
Car en effet, le pays est instable. A n’importe quel moment tout peu éclater, un bombardement, des manifestations, un engin explosif… Tout ça peut effrayer mais malgré ça, c’est un pays fabuleux.

Après quelques péripéties sans gravité, mon mari est rentré et nous avons enfin pu emménager dans notre maison qui au Yémen est en général immense (par rapport à ce que nous possédons en France).

En effet, les yéménites vivent en famille, c’est-à-dire avec la belle famille, les grands parents, les enfants etc. Ils construisent donc des maisons verticales à plusieurs étages, de ce fait en général, vous avez 600m² en 3 étages, avec 4 cuisines, 10 salles de bain, 10 WC, 3 mafrages, 10 chambres etc. Mais nous sommes arrivés à trouver une maison plus petite (300m² !!!!) car les autres étaient vraiment beaucoup trop grandes pour nous.

Nous avons fait livrer nos meubles, acheté tout l’électroménager, les rideaux et nous voilà enfin chez nous.

Voilà, ma vie s’est organisée autour des courses à faire, des cafés amicaux qu’organisent les femmes d’expatriés où nous pouvons rencontrer du monde et surtout faire jouer nos bambins ensemble.

Nous avions aussi la chance d’avoir une nounou qui faisait aussi le ménage pour 300 dollars par mois, un gardien jour et nuit qui faisait aussi du jardinage.

Il y a aussi beaucoup de soirées qui sont organisées donc on sort aussi pas mal.
Les gens sont gentils, ils sont là pour nous aider dès qu’ils en ont l’occasion.

Ce fut pour moi un déchirement, en Avril 2008, lorsque l’information est tombée : les femmes et les enfants devaient être rapatriés d’urgence, c’est-à-dire en 6 jours.

Les choses se sont accélérées, des touristes belges tués, des compagnies pétrolières visées par des tirs de roquettes, des écoles touchées, etc… Il faut dire que le berceau d’al quaida, c’est quand même le Yémen et il suffit d’un grain de poussière pour que tout s’embrase.

Du coup, nous avons du faire nos bagages et les cartons pour le chemin du retour vers la France.

Un moment difficile à vivre, à nouveau la séparation d’avec mon mari certainement pour un minimum d’un an (faire des allers-retours tous les mois c’est pas évident).

J’avais dans ma tête tiré un trait sur ma vie passée en France, j’avais vraiment tourné la page. L’idée d’y revenir m’était insupportable.

Heureusement, nous avions gardé notre maison car nous étions devenus propriétaires un an auparavant.
Nous avions décidé, avant de partir au Yémen, de créer un site internet pour gérer notre maison mais sous forme de gîte. Nous ne voulions pas la louer sur une longue durée car nous savions que de toute façon nous serions rentrés au moins pour des vacances.

De plus, c’est quelque chose que je souhaitais mettre en place depuis longtemps et cela m’a permis de me mettre le pied à l’étrier.

Ca commençait d’ailleurs à fonctionner : nous avions déjà des réservations que je n’ai pas décommandées (mais c’est effectivement une chose à laquelle il fallait penser avant de partir et je dois dire que nous avions super bien anticipé sur ce coup là !).

Nous avons donc été rapatriés.
Arrivés à l’aéroport de Paris, nous avons été pris en charge par 2 personnes de la société de mon mari chargés de nous faire passer les douanes et de nous enregistrer sur notre prochain vol en direction de Toulouse (notre camp de base !).
Ils nous ont été bien utiles.

Ils fournissaient les documents à l’enregistrement (pour cause de rapatriement) afin de ne pas payer de surplus de bagages (autant vous dire que les 40 kg prévus par personne en classe affaire sont dans ces cas-là souvent dépassés) et facilitaient le passage aux douanes.
Vous êtes déjà pas mal déboussolés parce qu’en 6 jours votre vie bascule, alors si en plus vous devez tout expliquer à des douaniers qui ne voient pas ça souvent…

Nous aurions automatiquement loupé notre correspondance.

La société a mis aussi à notre disposition une voiture de location pendant 6 mois car nous avions vendue la notre avant de partir.

Arrivés à Toulouse
nous étions heureux de retrouver notre maison, enfin, la maison qui était la nôtre avant que nous changions de vie (c’est comme ça que je l’ai vue en arrivant).

Comme nous l’avions mis en « mode gîte », nous avions évidemment laissé nos meubles et le strict nécessaire pour un gîte : batterie de cuisine, vaisselle, draps. Donc nous avions tout sur place, heureusement quand même.

Voilà, le retour fût très dur à vivre… pour moi surtout !
Quand je fais un petit retour en arrière, il me semble que je n’ai sorti la tête de l’eau que 3 à 4 mois plus tard.

C’est difficile à expliquer, mais tous les repères qui étaient les miens avant de partir vivre à l’étranger, m’étaient inconnus maintenant.

Je ne savais plus faire mes courses chez Carrefour, je ne savais plus quoi acheter, je ne savais plus ce qui était cher ou pas, je ne savais plus ce dont j’avais vraiment besoin.

Tout ce que j’avais connu depuis mon enfance était remis en question.
Il faut bien penser que nous avons vécu dans un des pays les plus pauvres du monde.
Quand on revient brutalement « à la civilisation », tout nous parait futile.
En gros, je ne savais plus vivre ici, en France. Ca parait tellement fou à dire mais c’est la vérité.

J’ai la sensation d’avoir ouvert les yeux à la fin de l’été, c’est-à-dire de m’être dit : « Bon maintenant, tu vas mettre à profit cette parenthèse pour t’occuper de toi », ce que j’ai fait.
Mais pour tout vous dire, j’ai toujours regretté et je regrette encore d’avoir dû quitter le Yémen comme ça… et d’être revenue en France.

Cette première et courte expat au Yémen fut une expérience inoubliable.
Courte, beaucoup trop courte comme quelque chose d’inachevée !
C’est pourquoi je n’ai qu’une hâte, repartir… mais cette fois-ci pour une longue aventure, une mission de longue durée, c’est-à-dire au moins 3 ans et cette fois de vivre l’aventure jusqu’au bout.

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