Nous ne savons plus lire « utile », ne devenons pas des sots !

lire utileCela fait 15 ans que la qualité de l’apprentissage de la lecture auprès des petits Français dégringole. Comment d’autres pays ont fait de leurs enfants des lecteurs ? Comment briser cette tendance ?

Ces dernières années de nouveaux programmes scolaires sont apparus. Une refonte de l’éducation prioritaire a eu lieu. Comme le récent dédoublement des classes de CP initié dans les zones défavorisées. Très bien. Et pourtant, une nouvelle étude internationale montre aujourd’hui encore les difficultés grandissantes de nos écoliers en lecture.

Ils  étaient déjà catastrophiques en mathématiques lors d’autres résultats de l’association l’an dernier. Le diagnostic qui suit est sévère.

Déclin de l’apprentissage de la lecture dans nos écoles

Malgré les dix heures d’enseignement hebdomadaire du français du CP au CE 2, les huit heures par semaine en CM 1 et CM 2, la France coiffe le bonnet d’âne dans l’apprentissage de sa langue. Ceci d’après la dernière étude Progress in International Reading Literacy Study (PIRLS).

Réalisée en 2016 au sein de 50 pays du monde (OCDE), elle montre qu’à 10 ans, un écolier français lit moins bien que ses camarades européens. Exception faite de la Belgique francophone.

Notre pays arrive à la 34e position du classement. Juste au-dessus de la moyenne internationale. Derrière elle, des pays comme le Chili, Malte, le Maroc ou l’Égypte. Devant elle, l’Espagne et le Portugal, l’Allemagne, l’Italie, les États-Unis ou encore l’Angleterre. La France et les Pays-Bas sont en outre les deux seuls pays à afficher un déclin de leurs scores depuis 2001. La Russie et Singapour caracolent par contre en tête du classement.

Plus alarmant encore…

Ce qui est le plus important, c’est que parmi les compétences mesurées, nos écoliers savent bien déchiffrer les mots. Mais ils ne saisissent pas le sens de ce qu’ils lisent. En effet, ils ont beaucoup plus de mal lorsqu’il s’agit d’interpréter et d’évaluer en répondant de manière argumentée à une question ouverte. Ou en utilisant des informations d’un texte informatif pour bâtir un raisonnement.

En clair, les petits français ont du mal à lire « utile ». C’est-à-dire à apprendre et déduire des choses de leurs lectures.

Les failles de notre système d’apprentissage

Selon le chercheur parmi les mauvais lecteurs, il y a deux catégories. Les laborieux qui s’épuisent à déchiffrer et n’ont plus la force de comprendre; Et les désinvoltes qui font semblant de comprendre. Ces « devineurs » qui prennent quelques mots par-ci par-là et inventent leur propre histoire doivent nous interroger. Pour ces élèves le temps d’apprentissage est exaspérant, car ils veulent savoir avant d’avoir appris.

Il y a un énorme problème de vocabulaire chez nos jeunes enfants. Selon le linguiste Alain Bentolila, les enfants les moins avancés n’appréhendent le monde qu’avec 220 mots à l’entrée au CP, contre 1 200 en moyenne pour les autres écoliers.

Une succession de programmes scolaires

La première raison évoquée est la succession des programmes de l’Education nationale. Les élèves testés dans ce rapport sont entrés en maternelle en 2008 le plus souvent, année de la mise en œuvre de nouveaux programmes. Ces programmes ont fait l’objet de critiques de la communauté éducative pour leur lourdeur et l’absence d’indications pédagogiques. Ils ont été modifiés en 2015 pour la maternelle et 2016 pour l’école élémentaire.

Des professeurs moins bien formés et moins intéressés …

Pourquoi ces lacunes ? Le temps passé par les maîtres et maîtresses à enseigner les fondamentaux n’est pas en cause. L’école française est celle au monde où l’on consacre le plus d’heures à la lecture et l’écriture. Ces activités représentent, selon l’enquête, pas moins de 37 % du temps global dans la scolarité des enfants, contre 27 % en moyenne dans les autres pays concernés par l’étude.

Si la quantité est là, en revanche la qualité des cours interroge. De tous les 50 pays concernés par l’enquête, c’est en France que le bas blesse. Les maîtresses s’y disent le moins satisfaites de leur métier et de leurs conditions d’enseignement. La France est surtout l’un des pays qui forme le moins ses professeurs.

Selon l’étude, 38 % des écoliers avaient des enseignants qui n’avaient reçu aucune formation continue sur la lecture depuis deux ans. Un taux très supérieur à la moyenne des pays autres étudiés : 16 %.

Cette faiblesse de la formation continue se retrouve dans les pratiques pédagogiques.

Les enseignants français sont nettement moins nombreux que leurs collègues de l’OCDE à demander de comprendre les textes à leurs élèves. Moins nombreux encore à demander aux élèves de comparer le texte à des faits vécus ou à déterminer les intentions de l’auteur…

Là encore les enseignants n’ont pas eu la formation adéquate et ont été abandonnés à leur sort dans des classes de 35 élèves sans envie d’apprendre parfois.

Où est le goût de la lecture, le goût des mots ? le goût des livres ?

Plus il y a de livres et de parents ayant le goût de la lecture, plus les enfants ont des chances de savoir lire efficacement. Or la France est un des pays où les parents aiment le moins lire : 22% aiment la lecture contre 32% dans l’OCDE. Et depuis 2011 cette tendance s’accentue.

Le niveau en lecture étroitement lié au niveau social

Déjà dans l’étude Pirls de 2011, on remarquait que le niveau en lecture était corrélé à la situation sociale. Aujourd’hui encore, les écoles privées ont de meilleurs résultats que les écoles publiques. Ce que nous révèle encore Pirls c’est donc aussi l’augmentation de l’inégalité de notre société dans l’apprentissage.

Comment briser cette tendance ?

Alors, que faire ? Comment, à l’étranger, d’autres pays ont fait de leurs enfants des lecteurs ?

Une meilleure formation des maîtres au cœur du processus éducatif

Les experts sont nombreux à pointer la formation des professeurs, squelettique en France, en comparaison avec les pays qui réussissent mieux. Les professeurs français sont deux fois moins nombreux à avoir suivi une formation récente que leurs collègues européens selon Pirls.

Des classes dédoublées et une pédagogie différenciée

Dans le haut du classement, la Russie et Singapour tirent magistralement leur épingle du jeu. Ils gagnent ainsi respectivement une et deux places par rapport à l’édition 2011. Le petit pays asiatique, qui a déjà fait parler de lui pour ses performances en maths, vient confirmer la vigueur d’un système éducatif qui a entrepris sa réforme il y une vingtaine d’années.

En Russie comme à Singapour, un quart des élèves atteint en lecture le niveau « avancé », le plus élevé sur les quatre définis par Pirls. À titre de comparaison, seuls 4% des élèves français entrent dans cette case…

Et la personnalisation dans tout ça ?

La Finlande, très souvent citée en exemple en matière éducative.

Elle a fait de la « personnalisation » de l’enseignement sa marque de fabrique. Souvent citée comme un modèle, au regard de ses très bons résultats dans l’apprentissage de la lecture, la Finlande privilégie la méthode syllabique. Ainsi, les élèves commencent par apprendre l’alphabet. Puis ils associent les lettres entre elles afin de former des syllabes. et enfin viennent les mots.

L’école obligatoire y commence à 7 ans. Ceci étant, la grande majorité des familles choisissent de faire suivre un CP optionnel dès 6 ans à leur enfant. Un élève qui n’est pas prêt à l’apprentissage de la lecture peut être maintenu en jardin d’enfants jusqu’à 8 ans.

Cette méthode dite syllabique a également été adoptée au Royaume-Uni et est majoritairement utilisée en Allemagne.

Certains établissements en Allemagne privilégient la méthode naturelle. Cette dernière part du principe que l’enfant apprend à lire à son rythme, avec son vocabulaire et donc son vécu. Concrètement, les écoliers proposent des phrases que l’enseignant inscrit au tableau. Puis, tout un travail de mémorisation est effectué grâce à de nombreux exercices. Les élèves vont ainsi, sans en avoir conscience, mémoriser certains assemblages de mots qu’ils pourront reproduire par la suite.

C’est le cas aussi au Japon où l’apprentissage de la lecture repose sur une grande part de mémorisation. Les enfants apprennent ainsi en répétant et en recopiant.

Aimer lire, cela s’apprend et se cultive !

Le rapport préconise un « démarrage précoce » de la lecture. Il s’agit pour les chercheurs d’initier mieux et au plus tôt les jeunes enfants au vocabulaire. Egalement à la compréhension et plus généralement au monde de l’écrit. Les études montrent ainsi que les enfants dont les parents ont démarré des activités d’alphabétisation dès leur plus jeune âge sont mieux équipés. Alors en avant, ne lésinez pas et sachez que toute lecture est bonne à prendre !

En conclusion

L’étude Pirls nous interpelle tous, acteurs de l’éducation. Tout d’abord, collectivement en dénonçant de l’incapacité de nos élèves à prendre du recul sur un texte. C’est, s’alarme le linguiste Alain Bentolila, « la porte ouverte à toutes les manipulations ! ». La formation des enseignants doit en France connaître demain un vrai renouveau.

Ensuite, la mission de transmission que nous avons en tant que parent est en cause. Individuellement par l’éducation, nous transmettons un héritage à nos enfants, par l’exemple nous lui donnons une curiosité, voire une appétence. Il nous faut donc, à nouveau et inlassablement, montrer l’exemple dans ce domaine pour donner à nos enfants le gout de la lecture.

Donnons envie et soyons ce que nous voulons que nos enfants soient !

Sabine Cros

Pour aller plus loin :

Programme international de recherche en lecture scolaire » (Pirls)*

*Que mesure précisément Pirls? : Progress in International Reading Literacy Study (Pirls) : Programme international de recherche en lecture scolaire). Etude pilotée par l’Association internationale pour l’évaluation de la réussite scolaire (IEA). Elle vise à comparer les systèmes éducatifs de ces pays. IEA est un bureau d’expertise hollandais spécialisé dans les études comparatives des systèmes scolaires internationaux.

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