Expatriés : retour au siège, atténuer le choc culturel !

Avec son expérience en RH, en mobilité internationale et en gestion de carrière, Alix Carnot, directrice associée d’Expat Communication, répond à vos questions sur les carrières des expatriés et de leurs conjoints. Aujourd’hui les questions se portent sur le retour au siège.

La question de Margaux : « Est-ce moi qui m’y prends mal ? Mon entreprise m’a rapatriée au siège mi-août et je me sens vraiment mal. Tout est politique ici, je n’ai pas d’autonomie, j’ai l’impression que tout ce que je propose est refusé. Je n’ai qu’une envie : repartir le plus vite possible ! « 

La réponse d’Alix Carnot :

Ma chère Margaux,

Je ne sais pas comment vous vous y prenez, mais la situation que vous vivez est compliquée. Ce n’est pas un hasard si un grand nombre d’expatriés démissionnent dans les deux ans qui suivent leur retour au siège. Essayons, si vous le voulez bien, de décrypter les enjeux et de trouver des parades.

Que se passe-t-il autour de la décision de revenir ?

Souvent, le retour est ambigu. Il est rare que la date du retour arrange l’expatrié et l’entreprise. Donc fréquemment, l’expatrié est frustré car il n’a pas choisi de rentrer ou dans le cas contraire,  l’entreprise peut lui faire sentir qu’il a déjà bien de la chance d’avoir un poste dans le contexte actuel. Quand une mission se termine, trouver un poste au siège est complexe : votre réseau s’est étiolé, vous n’êtes plus au fait des contraintes et  des compétences requises. Par rapport aux autres concurrents, vous avez moins d’appuis. Il est difficile pour les RH d’imposer un cadre mal connu des décideurs !

Différents points de vue autour de la réintégration ?

Essayons de voir si vous le voulez le point de vue de chacun. Voici des propos que j’ai entendus souvent en accompagnant des expatriés trois mois après  :

Commençons par les propos du chef d’un expatrié : « Réintégration malaisée. Esprit critique souvent perceptible sans même qu’il s’exprime. Semble trouver l’organisation lourde par rapport à la réactivité qu’il a connu en Asie. Ronge son frein. L’idée qu’il se fait de sa valeur est en décalage complet avec ce que je constate.»

De leur côté, voici ce que des collègues racontaient à la cantine : « C’est fou comme elle a pris le melon. Madame a passé quatre ans nourrie, blanchie au frais de la princesse et elle pense qu’elle devrait nous passer devant parce qu’on n’a pas vécu à l’étranger ! Pourtant heureusement qu’on est restés à faire tourner la boutique pendant qu’elle se la coulait douce. Et puis, elle nous fatigue à nous expliquer tout le temps que c’était mieux à Rio »

L’expatrié de retour, lui, se sent frustré et isolé. Qui voudrait bien entendre qu’il s’est comporté en brave soldat, acceptant sans broncher des mutations de dernier moment, affrontant seul des responsabilités lourdes dans un contexte hostile avec des horaires très lourds et un stress intense et le payant parfois cher au plan familial. De plus, pendant des années, il a été capitaine de son petit bateau. Il était autonome, avec des postes très opérationnels de chef de projet puis de directeur de filiale locale. Il étouffe dans le contexte si politique du siège.

Ce qu’il ne dira pas et qu’il s’avoue à peine c’est qu’il s’était habitué à un statut valorisant dans la communauté locale de Monsieur le directeur de sa filiale X. Au retour, personne ne se retourne plus sur son passage et cet anonymat lui pèse.

La grande ambiguïté du retour

Jean Pautrot, ancien DRH, coach, auteur, spécialiste de la mobilité internationale analyse ainsi ce qui se joue au retour  « Souvent, l’expatrié est parti car « cela serait bon pour sa carrière« . Pendant tout son séjour, il a développé des compétences remarquables. Il a appris le chinois, managé dans un contexte de guerre ou appris à conduire à la mexicaine. Or aucune de ces compétences n’est directement nécessaire au siège ! Au contraire, il a même parfois régressé dans certains aspects techniques ou politiques. C’est souvent à moyen terme que l’expatriation est gagnante. »

L’enjeu de la famille

Cette ambiguïté est souvent redoublée au niveau conjugal. Imaginez la frustration d’Elsa, une femme d’expatrié : elle a accepté de « sacrifier » sa carrière pour accompagner son mari en expatriation. Au retour, elle doit  repartir très en arrière, avec un salaire et des responsabilités inférieures à ce qu’elle avait à 25 ans pour retrouver un poste. Elle serre les dents mais ne se plaint pas car cela était conforme à ses prévisions. Son mari lui apprend alors qu’il va occuper un poste quasiment équivalent à celui qu’il avait 4 ans auparavant et que la hausse de son salaire à lui ne compensera pas du tout la baisse de celui de sa femme. La frustration d’Elsa explose ! Il lui semble qu’ils se sont « fait avoir ! » par l’entreprise. Le retour n’est absolument pas conforme à ses plans. Cependant, explique benoitement son chef au mari d’Elsa, jamais l’entreprise ne s’était engagée à le promouvoir au retour !

La « positive attitude » du retour

Pour faire face à ce terrain miné, voici quelques suggestions.

D’abord appliquer les conseils clés de l’expatriation car ils sont tout aussi valides pour cette nouvelle transition : humilité, observation  et réseau.

Humilité signifie connaître sa juste place. Ne pas se surestimer, ne pas penser que les autres ne valent rien car ils n’ont pas vécu cette aventure basique (pour ceux qui en reviennent) qu’est l’expat mais ne pas se sous-estimer non plus.

Pour cela, soyez discrets au départ. Vous avez lu les a priori de ceux qui vous accueillent. Mettez-vous donc en mode observation. Cherchez, d’abord pour vous-même, la mesure exacte de votre valeur ajoutée, vous en serez plus convainquant. Ecrivez un rapport d’étonnement, des propositions d’amélioration mais attendez quelques semaines avant de communiquer dessus ; vous avez un œil neuf ce qui est positif mais vous n’avez plus tous les tenants et aboutissants.

L’observation doit évidemment se faire de façon positive. Travaillez votre attitude. Si vous passez votre temps à comparer, à regretter le pays dont vous arrivez, à vous agacer du manque de réactivité de vos collègues, ils le percevront et vous, vous risquez de vous démotiver complètement. Est-il difficile pour vous de cultiver les pensées positives ? Car c’est le moment !

Réseau car il va falloir interroger les uns et les autres pour vous mettre au courant de la situation, rattraper les infos perdues, faire parler un peu de vous. Nous en reparlerons, ce n’est pas si aussi difficile que ça en a l’air.

Avec ces quelques clés, et tout ce que vous avez appris en expatriation, le retour devrait bien se passer mais je ne saurais trop recommander à tous ceux qui rentrent de suivre quelques séances avec un coach pour être sûrs de partir sur un bon pied, les enjeux sont vraiment importants et il vaut mieux prévenir que guérir. Plusieurs études citent des chiffres faramineux pour sur le nombre d’expatriés quittant leur entreprise à leur retour.* Mettez toutes les chances de votre côté.

*47% d’après une étude BVA-Berlitz de 2011

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