Une semaine chaude à Ouagadougou

OuagadougouEmna vit au Burkina Faso depuis 2 mois quand les Hommes Intègres prennent la rue d’assaut et poussent au départ Blaise Compaoré, président dictateur au pouvoir depuis 27 ans. 

Il fait doux vivre à Ouagadougou, mais cette semaine, il a fait chaud vivre à Ouagadougou. 

 

Il fait doux vivre en automne à Ouagadougou.

Nous sommes arrivés il y a moins de deux mois et commençons tout juste à y prendre nos repères. J’ai un poste de chargée de projets depuis une semaine, nous lions connaissance avec de nouvelles personnes, on boit de la Brakina et du jus de bissap et on ne se perd plus quand on nous dit « Au rond-point avec le pneu, prenez le 3ème 6-mètre à droite, près du maquis ». C’est la saison où les feuilles mortes tombent et où les fleurs éclatent de couleurs dans le jardin. Les oiseaux bleus et les geckos nous tiennent bonne compagnie dans notre maison.

 

Il fait chaud en automne à Ouagadougou.

Les pluies torrentielles et les orages qui ont accueilli notre arrivée au Faso ont laissé place à un ciel bleu sous lequel défilent les Burkinabés. Les hommes intègres grondent et depuis une semaine, font entendre à leur président qu’ils n’ont pas l’intention de le laisser modifier la constitution et briguer ainsi un, deux ou trois mandats de plus.

 

C’est une semaine importante.

Elle marque le début de la campagne de désobéissance civile. Dans la nuit de lundi à mardi, vers 2 heures du matin, alors que la ville était assoupie, nous entendons les manifestants installer une scène, Place de la Nation, à une centaine de mètres de chez nous et démarrer un concert de reggae révolutionnaire. Mardi matin, dès 7 heures, ils sont des centaines de milliers à défiler devant chez nous.

 

Jeudi, notre ville fait la une des médias.

La colère des hommes intègres éclate en clameurs, chants et rage… et dans sa course elle ne rencontre quasiment aucune résistance de l’armée ou de la garde présidentielle… Elle envahit l’Assemblée nationale et déloge les députés qui s’apprêtaient à voter la réforme de la Constitution puis elle dirige ses flammes contre les proches du président. Quelques flammes sont même bien proches de nous : une maison adjacente à la nôtre, appartenant à un membre influent de la famille du Président, est attaquée et incendiée. L’incendie menaçant de se propager d’abord chez nos voisins, puis chez nous, nous nous réfugions tous dans la maison la plus éloignée des flammes, en transportant à toute vitesse des affaires de première nécessité : lits parachutes et doudous en peluche pour les enfants des voisins, nos passeports, un pull et un minuscule nécessaire de toilette, en cas d’évacuation.

 

Observant les flammes depuis une fenêtre…

Nous vivons un moment assez surréaliste où, au beau milieu d’une révolte populaire, en dépit des barricades et des tirs, les pompiers viennent éteindre l’incendie, aidés par les pilleurs… Le soir, tout revient au calme. Le silence règne sur la ville avec le couvre-feu mis en place.

Vendredi, une clameur immense, un frisson de joie nous provient de la Place de la Nation ; le Président a annoncé son départ. Plusieurs militaires proclament dans le courant de la journée et de la soirée qu’ils prennent le pouvoir pour être contredits quelques minutes plus tard. Nous nous accrochons à notre radio.

 

Ouagadougou operation mana manaSamedi, la vie reprend à Ouagadougou avec l’opération mana mana.

Les citoyens descendent en masse pour nettoyer les rues, ramasser les détritus et enlever les carcasses des voitures et les pneus brûlés. Je fais quelques courses ; certains commerçants ont ouvert leurs magasins et mettent la musique en bavardant comme si de rien n’était, les femmes qui vendent du poulet frit installent leurs petits stands.

Dimanche, les déclarations contradictoires continuent ; le pays a failli avoir un quatrième président en trois jours. On nous demande de rester chez nous, des tirs ont été entendus. J’ai passé ces derniers jours à osciller entre la peur, l’espoir, l’incertitude. Je dors mal, j’entends des bruits dans mon sommeil et me réveille souvent…

 

Cela ne fait pas longtemps que je suis ici mais je tremble pour la ville, pour mes voisins.

Je suis fascinée par l’esprit d’apaisement dont font preuve les Burkinabés. Dans l’après-midi, tous les acteurs du changement de régime, militaires et représentants de la société civile et des partis politiques, se réunissent dans le calme pour envisager la suite et trouver une personnalité consensuelle pour diriger le pays pendant la phase de transition et préparer des élections.

Lundi : les écoliers reprennent le chemin de l’école, les artisans sont dans leurs échoppes et je retrouve mes collègues au bureau… Un retour à la normale.

 

C’est un grand moment pour le pays et pour toute la région…

Les autres présidents africains tentés de modifier leur Constitution observent attentivement le Burkina Faso et son tâtonnement vers la construction d’une démocratie civile. Si les burkinabés y parviennent, ce sera une nouvelle ère d’espoir qui commencera pour le continent. Nous continuons, quant à nous, à découvrir le Burkina Faso et le courage de ses habitants. Il faut chaud en octobre à Ouagadougou.

Par Emna-Zina T.

 

 

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