Ma copine coréenne

copine-coreenneMa copine coréenne est toute petite, mais je ne m’en rends pas bien compte parce qu’elle marche toujours sur des talons vertigineux, c’est d’ailleurs curieux car elle a des tous petits pieds.

Elle est très jolie, a des yeux mutins sur un visage de porcelaine. Ses cheveux ne sont pas encore courts mais dès qu’elle aura un enfant, elle les coupera sans doute : les cheveux courts c’est le signe qu’elle est mariée et maman et qu’elle n’a plus le temps de s’en occuper, un grand accomplissement à ses yeux. Mais pour le moment, ils sont longs, teints, bouclés ou raidis, selon l’humeur parce que ma copine coréenne passe beaucoup de temps à se préparer le matin. Elle a été si choquée de constater la pauvreté de ma trousse de maquillage, où errait un vieux stick a lèvres un peu fondu. Parce que ma copine coréenne, son sac à main c’est celui de Mary Poppins: on trouve dedans des tas d’échantillons de crèmes, un fer à lisser, des limes à ongles, et des tas d’instruments pour retoucher le travail de « layering » auquel elle s’astreint tous les matins.

Quand elle arrive au bureau, ma copine coréenne est parfaite, de la tête aux pieds, maquillage impeccable, boucles et anglaises au cordeau, manucure hallucinante, faux cils et eye liner conquérants. Mais comme le bureau c’est sa deuxième maison, elle enfile vite fait ses pantoufles, entoure sa minijupe avec son plaid en polaire et va se préparer un grand mug de « Iceuh americano »: un fond de café dans un litre d’eau avec plein de glaçons. Elle passe beaucoup de temps au bureau mais parfois j’ai l’impression qu’elle ne fait pas qu’y travailler.

Il faut dire que ma copine coréenne est dingue du shopping sur internet, elle y trouve tout et est de tous les bons plans sur le Web ! Mais ce qu’elle adore par-dessus tout, ce sont les marques de luxe. Alors, quand on se voit hors du bureau, c’est souvent dans un des nombreux grands magasins qui fleurissent un peu partout à Seoul, ou elle fait du repérage pour son prochain achat en duty free.

A midi pile, ma copine coréenne me rappelle qu’on a rendez-vous pour déjeuner. Parce que midi pile, c’est l’heure où on doit déjeuner, et même si on partage un sandwich au café du coin entre copine, on a pris rendez-vous une semaine à l’avance et je n’ai pas intérêt à avoir oublié ! Dehors, elle me prend par le bras ou par la main, car pour ma copine coréenne, c’est comme ça qu’on marche avec ses amies et on se retrouve toutes les deux dans un restaurant « français » du quartier où elle a très envie d’aller avec une française. Là, on partage tout, elle pioche allègrement et sans façons dans mon assiette de spaghettis, parce qu’entre la cuisine française et italienne, elle est un peu confuse à vrai dire. Elle est très curieuse à propos de la France et des Français et me bombarde de questions, on est si loin et si différents, tellement « luxueux, romantiques et élégants quand on fait du bateau mouche sur la Seine en mangeant des escargots ». Elle en laisse tomber ses baguettes de déception, quand je lui dis que je ne suis pas parisienne, n’ai jamais fait de bateau mouche et que je n’ai pas prévu de fêter la Saint Valentin dans une débauche de fleurs et de cœurs.

Parce que ma copine coréenne ne vit que pour son futur mariage et subit beaucoup de pression de la part de sa famille car elle est toujours célibataire. Ce soir en sortant du bureau, elle ira voir une diseuse de bonne aventure sur l’avenue de Gangnam pour lui reposer la question « c’est pour quand ? ». Ce n’est pas toujours simple pour moi de comprendre sa conception du mariage, car elle a des critères très précis pour élire l’homme de sa vie : il doit être Seoulite, de bonne famille, bien gagner sa vie, et faire plus d’1m69. 1m69… oui oui, parce que ma copine coréenne fait 1m57 et qu’elle porte au maximum des talons de 12cm et qu’elle ne veut pas être plus grande que son mari, donc oui, il faut être précis!

Et pourtant, même si elle en serait soulagée vis à vis de sa famille, elle a un peu peur de se marier car elle sait qu’elle devra déployer des trésors de patience et de respect tout confucianistes, envers sa belle-mère qui, il y a de fortes chances, sera autoritaire et omniprésente.

Parfois, on se retrouve après le bureau pour aller boire un verre. Enfin… souvent c’est bien plus qu’un verre. Car ma copine coréenne sous ses airs de poupée, peut boire comme un matelot, c’est comme ça qu’on relâche la pression en Corée. Autour d’un barbecue et de quelques verres, ma copine coréenne s’ouvre un tout petit peu. Car en vérité, si vis-à-vis de moi, elle a parfois des questions d’une franchise déconcertante, elle ne parle pas beaucoup d’elle en général. Mais dans ce restaurant de rue sans prétention, je découvre, entre les mots, qu’elle est tiraillée entre un pays qui se développe à une vitesse ahurissante, et des traditions millénaires très pesantes. Elle s’ouvre peu à peu à des cultures différentes, et entretient avec les étrangers des relations ambiguës: elle nous admire et nous envie, mais de loin…

Elle a adore voyager, aux quatre coins du monde : l’Europe en bus et en 7 jours, la Californie en 3… Mais n’est jamais partie sans prendre son kimchi et une réserve de nouilles instantanées, au cas où, à l’étranger, elle ne trouverait pas de restaurant coréen. On papote tandis que les bières défilent, elle a récemment fait débrider ses yeux et pense à modifier un peu son nez, elle me demande ce qu’il en est en France au sujet de la chirurgie esthétique et, est une fois de plus très étonnée de constater que chez nous, se faire opérer n’est pas si anodin. Lorsque l’horizon commence à tanguer, ma copine coréenne me reprend par le bras et je l’accompagne jusqu’au métro. Elle vit loin du centre-ville de Seoul, chez ses parents, en attendant de se marier, elle va sans doute somnoler dans le wagon en regardant une série sur son smartphone, elle en est folle et adore les potins people sur les acteurs de « drama ».

Si ma copine coréenne a été adorable avec moi pendant mon séjour en Corée, je ne suis pas sûre que cette amitié survivra autrement que comme un souvenir empli de tendresse après mon départ. C’est un peu triste mais je sais que je ne connaîtrai jamais très bien ma copine coréenne, car bien souvent, quand je lui pose des questions sur elle et sur son pays, elle me répond sans aucune gêne: « tu ne peux pas comprendre, tu n’es pas coréenne ».

Par Julia T.

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