LES FEMMES INDIENNES

FEMMES INDIENNES

Bombay est une ville de rencontres impromptues, inattendues. Dans un train, dans un restaurant, dans un magasin ou dans la rue, certains regards incitent à la conversation et la cordialité des comportements réduit l’angoisse du premier contact. Alors on parle, on pose des questions et l’on découvre progressivement tous les visages de Bombay. Si je devais vous dresser un portrait de cette ville au féminin, j’en choisirais trois. Qui laissent entrevoir la diversité, la richesse de cette ville, mais aussi ses ségrégations multiples et ses contrastes…

En sari élimé, gris d’avoir été porté depuis des années, elle attend.
Toute la journée, elle est assise sur une chaise en plastique blanc et elle attend que les femmes, jeunes et âgées, viennent déposer leurs affaires dans les casiers. Elle tend d’une main nonchalante les cadenas, les reprend d’une main tout aussi nonchalante, grattant parfois les plis de son ventre. Elle a été plusieurs fois mère. Elle ne dit pas bonjour, pas au revoir, ne sourit qu’après avoir longtemps contemplé notre sourire. Elle ne comprend pas un mot d’anglais. Et de temps à autre, elle s’adresse sans se retourner à une de ses collègues, assise dans une salle contiguë : d’une voix forte, criarde, que lui dit-elle dans ce dialecte mêlé de bambaya et de gujarati ?

Elle pose sa tasse de thé sur une table basse ouvragée, et se dirige vers la bibliothèque : ce livre, elle l’a acheté quand elle faisait ses études à Londres, et s’est procuré la suite quand elle vivait au Canada. Elle explique que ces années passées à l’étranger l’ont rendue nostalgique du Bombay qu’elle connaissait, sa ville qu’elle a connue dynamique, presque folle de modernisme à tout crin, de femmes en jupes qui déambulaient en riant sur Marine Drive et d’hommes à moto. Ville qui se transforme et perd au passage sa tolérance et son anti-conformisme, me dit-elle dans un anglais parfait. Avec son jean bien repassé et sa tunique richement brodée, elle m’invite à enfin aller retrouver les autres, petit groupe cosmopolite et cordial groupé autour d’un poète local venu lire son œuvre.

Brillant à lèvres, jean taille basse laissant dépasser deux fils tendus sur ses hanches, talons aiguilles rehaussés de brillants, on jurerait que la jeune fille s’est préparée une après-midi entière pour obtenir ce résultat pimpant. Bimbo plutôt, soyons honnête. Agrippée à son téléphone portable dans lequel elle hurle, par habitude, son accent typiquement anglo-indien roule au-dessus de la circulation, avec cette phrase musicale étrange qui tropicalise l’anglais. Elle sort d’un shopping centre, minaude devant un groupe d’adolescents pendant que deux employés portent ses achats, marques indiennes et occidentales de luxe. Toujours au téléphone, la voilà qui appelle d’un geste qui ne souffre aucune contradiction, aucune attente, le chauffeur de ses parents, et monte dans la voiture, sans un mot de remerciement, indiquant d’un geste bref la route à suivre. Une soirée tellement importante l’attend, la dernière avant une année d’université sous la pression de sa famille…

Julie Van Rechem

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