Vivre à Tokyo, par Pauline

TokyoPauline est arrivée en couple à Tokyo il y a bientôt 3 ans, grâce à une belle opportunité de boulot. Pour remettre son expérience dans son contexte, elle précise : « nous sommes un couple de jeunes actifs en contrat local. Ce n’est pas notre première expatriation et nous n’avons pas d’enfants. Je ne parlerai volontairement pas des problèmes liés à Fukushima pour me concentrer sur la vie à Tokyo où on est relativement épargnés ».

Vivre à Tokyo est une expérience fantastique, principalement pour ces raisons.

La qualité de vie : la ville est propre, calme, organisée, très sûre, juste agréable. Contrairement à l’image que l’on pourrait s’en faire, Tokyo est plutôt plate, résidentielle et très tranquille. Il y a peu de pollution, le réseau de transports est pratique et performant. Il y a également beaucoup de parcs et d‘espaces verts, et la majorité des magasins sont ouverts 7/7.

Quant au climat, il ferait rêver plus d’un parisien. L’hiver est froid, mais sec et très ensoleillé. On a très souvent un grand ciel bleu vivifiant. Les étés sont plutôt chauds et humides, agrémentés de moustiques féroces. L’automne et le printemps sont les saisons préférées des Japonais. On les comprend : il fait doux, beau et ce sont les saisons des koyo (feuilles d’automne) ou des sakura (cerisiers en fleurs), deux spectacles fantastiques.

Bref, Tokyo est une ville très confortable et pratique, où on prend vite de mauvaises habitudes, comme de faire son shopping à 23h ou de ne jamais attendre pour un taxi.

La qualité du service : la prévenance des japonais va au-delà de ce que vous pouvez imaginer. Toujours bien accueilli, le client/usager va être servi avec diligence et application. Les personnes âgées trouveront des lunettes de vue à la mairie pour remplir les formulaires à petites lettres. Il y a des toilettes propres et bien indiquées partout,  et des machines spéciales qui enveloppent votre parapluie dans un sachet quand il pleut, pour ne pas mouiller le sol du magasin ni le rendre glissant. Vos achats seront également recouverts d’un plastique pour les protéger. Votre paquet est lourd ? On vous met une petite mousse autour de la poignée. Il fait chaud ? Des petits packs de glace sont glissés dans votre sac pour conserver vos gâteaux. On ne rechigne jamais à vous rendre la monnaie sur un gros billet, même si vous achetez des bonbons. Le summum de tout cela est le Kombini, la supérette ouverte 24/7 qui contient tout (je dis bien tout) ce dont vous avez besoin pour survivre. En somme, chaque service, chaque magasin, chaque institution, ayant à traiter avec un public a réfléchi de façon méthodique à comment rendre votre expérience la plus agréable et pratique possible. On se sent bien traité, respecté et en sécurité.

Un pays magnifique à la culture très riche : le Japon est un pays très stimulant. Même après 3 ans, on en apprend tous les jours. Il y a de nombreuses possibilités de voyages : les autres îles offrent des paysages somptueux et des monuments qui valent plus que le détour. Je ne vous parle pas de la gastronomie, j’y passerai des heures. Une fois lassé des sushis (divins au demeurant), on mange encore très varié, pas cher et sain.

Je trouve que Tokyo est une ville passionnante, qui se dévoile peu à peu. Certains l’appellent « la plus belle des villes moches », il est vrai que certains quartiers font très « retour vers le futur », genre futur des années 60. Mais deux rues plus loin, on retombe sur un petit quartier typiques, bourré de temples, de mini bar-restos et de boutiques tenues par des petites mamies sympathiques. Les néons, les images et les objets kawaï (mignon) font de Tokyo un grand manga. Il s’y passe également des choses intéressantes en matière d’art, de concerts, de conférences, sans oublier les JO en 2020 !

une population agréable à côtoyer : les Japonais sont très respectueux, éduqués et très sophistiqués. Ils sont curieux, attentifs et incroyablement patients. La propreté des rues, le calme du métro bondé, l’organisation en cas de séisme, tout montre leur très haut degré de sens civique. Vous ne vous sentirez jamais agressé. Les tokyoïtes, un peu comme les parisiens ne sont pas toujours liants,  mais les japonais de la province sont par contre très accueillants, bourrés d’humour et attachants. Ce sont des gens très curieux, qui s’intéressent au passé (patrimoine, histoire, monuments, traditions), mais qui sont résolument tournés vers l’avenir. Ils adorent les nouveautés, les produits étrangers et les gadgets high tech.  Il n’est pas rare de voir un grand-père pianoter sur son Iphone comme un ado.

La vie au Japon n’est cependant pas toujours facile. Nous adorons notre vie ici, mais il nous a fallu du temps pour trouver notre place et nos marques. Voici quelques-unes des raisons :

la barrière de la culture. Le Japon est une île, cela ne vous a pas échappé. Son isolement avant l’ère Meiji a laissé de profondes traces dans la société japonaise la rendant assez hermétique. Pour l’expliquer simplement, je dirais que l’ensemble des interactions sociales japonaises est codifié ce qui rend tout échange très standardisé, voire rigide. Il y a bien sûr des codes dans toute société, mais ils sont poussés à l’extrême au Japon. L’éducation à la japonaise consiste avant tout en un entraînement à suivre des rails, déterminés par son niveau social, et à n’en sortir sous aucun prétexte pour ne pas s’exclure du groupe qui prime sur l’individu. C’est vrai que ça rend la vie plus tranquille : tout le monde se respecte, les rues sont propres et on est en sécurité. Mais pour les étrangers, c’est surtout les contraintes, le manque de spontanéité et de flexibilité qui dominent. On peut évidemment décider de s’en moquer et de vivre comme si de rien n’était. On peut aussi décider de faire un effort, au prix d’un long et minutieux apprentissage (certains disent « tatamisation ») pour mieux s’insérer. La Japonais restent néanmoins très tolérant à l’égard des étrangers. Ils n’attendent en aucun cas que nous fassions la même chose qu’eux, mais ont néanmoins agréablement surpris quand on prononce quelques mots ou qu’on s’incline pour s’excuser.

La barrière de la langue. Le japonais n’est pas une langue difficile en soi car sa grammaire est assez simple et les sons sont faciles à prononcer. On baragouine assez vite un japonais de survie et avec un peu de boulot, on vient à bout des 2 alphabets les plus simples (katakana et hiragana). Le problème, ce sont les kanjis, plus difficiles à lire et retenir, et les différents niveaux de langage (humble, poli, ultra-poli). Si Tokyo a maintenant traduit la majorité des panneaux dans les lieux publics, ce n’est pas le cas de la province. A cela s’ajoute une population qui ne maîtrise pas vraiment l’anglais. De gros efforts sont en cours, notamment en vue des JO, mais c’est laborieux.  Je sais, les Français non plus ne sont pas des cracks, mais au moins ils essayent. Trop timides ou honteux, les Japonais évitent tout simplement d’avoir à vous parler. Ouvrir une ligne internet, s’inscrire à la mairie ou obtenir son visa, tout est une aventure quand on doit passer par ces fameux formulaires papier remplis de kanjis et l’agent qui vous regarde en chien de faïence. J’ai souvent eu l’impression d’être face à un mur et de signer en blanc des papiers dont je n’avais pas compris une ligne. C’est vraiment frustrant de ne pas pouvoir faire les choses par soi-même et de toujours dépendre d’une bonne âme pour des procédures longues et pénibles. Les incompréhensions sont aussi monnaie courante. Plutôt que de s’énerver, il faut garder en tête que la personne que l’on a en face de soi fait de son mieux pour nous satisfaire, mais il arrive qu’elle ne comprenne pas et se trompe à répétition. Patience et humilité sont alors les meilleures armes pour parvenir à ses fins !

–  L’ostracisme : heureusement, en diminution. Les Japonais se pensent comme un peuple, uni et unique. La population est très peu métissée et il existe un racisme latent assez fort. C’est un racisme assez complexe et différent de celui qu’on peut affronter en Europe. Si les Nippons méprisent souvent les asiatiques du Sud-Est, leurs sentiments envers les Occidentaux sont plus mitigés. Une Japonaise m’expliquait que c’est un peu comme mon arrière-grand-mère devant le premier africain ou maghrébin qu’elle aurait pu voir. Elle se sent perplexe et un peu effrayée car elle ne sait pas comment s’adresser à lui et se comporter. Donc même s’ils trouvent les étrangers plutôt cool dans l’ensemble, les Japonais ne sont pas très à l’aise avec eux. Cette peur, renforcée par la barrière linguistique, les pousse tout simplement à éviter le contact. C’est parfois agaçant de chercher un vendeur dans un magasin sur-staffé parce que tous s’enfuient devant vous. Pour l’installation aussi, cela complique les choses. Obtenir un compte bancaire, une carte de crédit, louer un appart, inscrire ses enfants à la piscine, tout cela prend du temps, voire peut être refusé aux étrangers.

Trouver du travail : un parcours du combattant, surtout si on ne parle pas japonais. Il y a bien sûr des postes pour lesquels ce n’est pas nécessaire et certains secteurs comme la banque et l’informatique, sont plus ouverts. Trouver du travail au Japon est possible, mais cela prend du temps. C’est une société qui valorise le long terme et les relations solides. Partir à l’aventure, sans un sou en poche, est une garantie de rapatriement rapide. L’économie japonaise est très fermée et la préférence nationale joue à plein. Les petits boulots (les arubaitos) sont assez mal payés et ne donnent pas droit à un visa. Pour résumer, il faut avoir du temps devant soi, de l’énergie, un bon réseau et une forte capacité d’adaptation. La maîtrise du japonais reste souvent une condition pour décrocher un entretien, mais ne garantit pas de trouver un emploi. Je conseille également à toutes les personnes souhaitant travailler dans une boîte japonaise de bien se renseigner sur la vie en entreprise nippone. Le rythme de travail, les attentes, les façons de procéder sont très différentes des nôtres. Même pour de grands patrons habitués de l’expatriation, travailler « à la japonaise » se révèle parfois déroutant et très frustrant.

En conclusion, nous sommes donc comblés par notre vie au Japon, et nous profitons chaque jour de tout ce qu’elle nous apporte. Néanmoins, nous savons que nous ne resterons pas sur le long terme car ce ne sera jamais « chez nous ». »

Par Pauline

Lisez aussi :

Ma copine Japonaise

Témoignage : Tokyo au moment de la catastrophe de Fukushima

Vivre au Japon après Fukushima

Comment, contre toute attente, j’ai trouvé du travail au Japon

Travailler au Japon, l’aide du réseau Femme Active au Japon

 

Autres articles dans la catégorie

  • Echangez avec d’autres expats !

  • Nos conférences en ligne

  • Podcast

  • Agenda

  • Rejoignez-nous sur Instagram !

  • Le guide de l'expatriation

    Tout ce qu'il faut savoir pour préparer sereinement son déménagement à l'étranger ! Conseils, check-lists, bonnes adresses!

    Notre site vous intéresse ?
    Ne partez pas sans vous inscrire à notre Newsletter !

    Chaque mardi, le mail qui prend soin des expats !
    Un boost de bonne humeur et de conseils.

    Rejoignez-nous !