Apprendre le français : le jeu est-il la solution ?

Lorsque l’on nous demande ce que nous recherchons dans un programme pour apprendre le français, l’argument que nous présentons le plus souvent est « il faut que ce soit ludique! »

Cela est bien normal. Nous qui avons appris à écrire en faisant des lignes répétitives, nous ne souhaitons pas que notre enfant subisse les mêmes contraintes. Nombre de services nous le vendent d’ailleurs : c’est promis, notre enfant va apprendre en jouant et s’amusant !

Il nous plaît bien cet argument, car après tout, si notre enfant se distrait tout en apprenant, cela devrait plutôt bien se passer et être agréable tant pour lui que pour nous, parents.

Oui mais… Le jeu a ses limites. Ou devrais-je dire, ses règles. On ne peut pas apprendre qu’en s’amusant. Si le côté divertissant est important, il ne suffit malheureusement pas à l’apprentissage et à l’ancrage des connaissances. Faut-il pour autant mettre ce côté ludique à la poubelle ? Et si le jeu était plutôt une attitude à développer ?

Le jeu, un élément naturel chez l’enfant…

Il est vrai que l’enfant aime jouer. Naturellement, il va trouver dans son environnement de nombreuses sources de jeux. Un simple carton va facilement se transformer en vaisseau spatial. Et même avec du français, il est facile de le faire jouer.

Vous en doutez ? Commencez à lui parler en faisant des rimes et voyez ce qu’il se passe. Dans le jeu, l’enfant trouve une certaine liberté car il développe imagination, initiative, créativité. Et c’est un bon déclencheur pour motiver l’enfant.

…qui a ses limites

Imposer un jeu à un enfant pour qu’il apprenne n’est pas réellement jouer ! Lorsque l’on parle de jeu dans l’apprentissage, il faut partir de l’envie de l’enfant pour éveiller en lui le désir d’apprendre.

Par ailleurs, le fait de jouer implique quelque part que « c’est pour de faux ». Cela met une sorte de filtre avec la réalité. Il faut dès le départ donner le cadre du jeu pour que celui-ci soit compris et accepté.

Des exemples ?

J’avais remarqué un jeu de société pour faire apprendre à la conjugaison des verbes. Quelle excellente idée ! Cela devrait permettre d’avoir de bonnes bases ! J’ai alors demandé à un papa qui avait acheté ce jeu ce qu’il en pensait. Il m’a avoué que cela n’avait pas eu l’effet escompté : les enfants se sont vite lassés et le jeu a terminé sur une étagère.

J’ai alors demandé son avis au vendeur du petit magasin où je l’avais vu. Il m’a souri et m’a répondu « Les enfants ne sont pas idiots, ils savent très bien que les parents achètent ce jeu pour les faire travailler ».

Un autre exemple : un livre-enquête pour expliquer des règles de grammaire. Là encore, l’idée paraît excellente ! Une histoire entre un jeune homme en difficulté en grammaire et son ami qui lui est bon, va démontrer comment accorder les participes passés. Le récit est haletant, avec des poursuites, des intrigues… mais elle en devient absurde. Je l’ai lue à mes enfants et je leur ai ensuite demandé s’ils pouvaient m’expliquer la règle qu’ils venaient d’apprendre. Ils pouvaient me sortir toute l’histoire de ces deux garçons, mais ils étaient passés complètement à côté de la leçon !

Alors quoi ? On retourne aux bonnes vieilles méthodes ?

Avez-vous déjà pris une méthode de français et tenté de l’expliquer à un enfant ? Les nouveaux manuels ont beau être plutôt engageants, colorés et très différents de ceux que nous avions, ils ne font pas tout. « Se coltiner », « s’y mettre », « se farcir », ce sont les mots qu’utilisent beaucoup de parents pour parler… des cours de français qu’ils donnent à leurs enfants ! Le jeu ne serait-il pas finalement un état d’esprit à développer ?

… Rendre attractive une leçon de français qui ne l’est pas, voilà un vrai challenge. Le jeu peut alors nous aider à montrer sous un autre jour cette règle de français. Le contenu n’en est pas moins sérieux. Cette étincelle d’intérêt va permettre d’éveiller la curiosité et d’amener l’enfant à aller plus loin.

Osons prendre l’enfant pour ce qu’il est !

Un enfant est un être en train de se former à la vie et qui doit être guidé en cela.  C’est aussi un être en devenir avec de grands potentiels à éveiller ! Plus que le jeu, c’est l’enthousiasme et la motivation qu’il faut rechercher dans un apprentissage. L’écoute aussi. Car plus un enfant est écouté, plus il va se sentir bien dans ce qu’il apprend. Enfin donner à son enfant le sens du plaisir dans l’effort est une clé essentielle.

Notre rôle de parents n’est-il pas de l’aider à développer ce plaisir, et surtout à être complètement confiant dans le fait qu’il peut donner l’effort nécessaire pour forger sa propre connaissance ?

Le plaisir de l’effort, c’est quoi ?

Vous est-il déjà arrivé de faire quelque chose tellement intensément que, même si vous avez été conscient de donner beaucoup d’énergie, vous avez, à un moment, perdu la notion du temps ? Et une fois l’effort mis en œuvre, vous avez éprouvé la satisfaction de vous être amélioré.

Un exemple ? Lorsque vous faites du sport. Pas facile d’enfiler les baskets au premier abord. Et puis les premiers kilomètres sont durs… et puis, et puis, ça roule tout seul. Certains passages restent encore difficiles, mais la machine est lancée, jusqu’à la satisfaction de passer la ligne d’arrivée.

Ce ne serait-il pas plutôt ce plaisir dans l’effort qu’il faudrait transmettre à nos enfants ?

Le jeu, oui, pour créer du lien

Le côté ludique d’un apprentissage doit prendre en compte le lien entre celui qui enseigne et l’enfant. Tous les deux doivent se retrouver dans ce jeu. Si l’un d’entre eux se force, l’autre le ressentira et cela risque de ne pas marcher. Bien sûr, il y aura des jours où l’un ou l’autre sera moins motivé, mais si la communication et la confiance sont au rendez-vous, il sera facile de trouver la solution.

Un échange authentique ouvre bien des portes. C’est en faisant des va-et-vient entre ce qui est attendu et ce que souhaite faire l’enfant que nous aurons le plus de chance de l’aider correctement, le tout en gardant une atmosphère familiale sereine.

Le jeu ne doit pas être vu comme une manière de cacher le vrai travail d’apprentissage. Il doit être imaginé comme un soutien d’un travail. Il doit permettre d’éveiller l’intérêt et de le maintenir. S’amuser, c’est une posture que l’on peut avoir en apprenant. Mais arrêtons de prendre des enfants pour des idiots et osons leur donner des jeux de qualité, à leur niveau, qui les tirent vers le haut et dans lesquels nous nous retrouvons aussi !

Osons leur donner une réelle expérience qui demande des efforts, qui ne sera peut-être pas facile du premier coup mais qui va développer chez eux des stratégies pour améliorer telle ou telle compétence.

Ce jeu-là, j’en suis persuadée, en vaut vraiment la chandelle !

Catherine Allibert, une histoire de samouraïs

Catherine Allibert

Écrivain et accompagnatrice des enfants expatriés dans le monde de la langue française.

> Son site : https://www.unehistoiredeninjasetdesamourais.com – « Apprendre le français avec la souplesse du ninja et la rigueur du samouraï ! »

Elle anime aussi les groupes Facebook :

> Retrouvez-la également dans ces podcasts : « Le français comme j’aime » 

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« Au secours ! Mon enfant parle franglais ! » et autres inquiétudes de parents expatriés 

« Apprendre le français, c’est quoi finalement ? »

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