Tranche de vie d’une maman expatriée et de son fils réfractaire au français

Tranche de vie d'une maman expatriée et de son fils réfractaire au françaisDe nombreux parents expatriés se trouvent dans la problématique de devoir apprendre ou ré-apprendre le français à leurs enfants. Pas facile tous les jours, pas de méthodes qui répondent à nos besoins d’expatriés, pas envie de les écœurer de cette belle langue.  Voici donc la tranche de vie d’une maman expatriée et de son fils réfractaire au français. Vous connaîtrez-vous dans ce portrait ?

 

Ça y est ! Il vient de terminer son cours de sport. Le voilà qui grimpe dans la voiture. « Hi Mum ! » sont ses premiers mots. Je lui réponds un « bonjour ». L’attente a été longue et je me rends compte que j’utilise un ton un peu froid. Je me mords les lèvres. Je lui demande comme pour me rattraper : « Ça s’est bien passé ? » « Sure ! But Tom hit me in the face ! » « Really ? » Zut ! C’est sorti tout seul. À force de discuter avec la voisine, voilà qu’à mon tour, je me mets à parler en anglais sans le vouloir ! « But it’s OK. I feel better now. » Un silence s’installe. La route défile. Chacun dans ses pensées. Pense-t-il en français ou en anglais ?… Et puis vient le moment le plus délicat.

« On se met au français ce soir, tu te rappelles, hein ? »

Un vague « huhum » qui doit vouloir dire oui. Pas le grand enthousiasme. En même temps, pour moi non plus, ce n’est pas de gaieté de cœur que je m’y mets. Ce n’est pas grave. Il est tellement important qu’il sache parler en français. Chaque effort, tous les jours, va lui permettre de continuer à garder cette langue. Et c’est précieux. De nouveau, je fais la liste : il pourra communiquer plus facilement avec ses cousins lors des prochaines vacances, si le contrat d’expatriation est annulé, il pourra facilement intégrer une classe en France, et puis c’est toujours bien de connaître plusieurs langues. J’ai lu plein d’articles sur le bilinguisme. C’est sûr, ça l’aide.

Je me rends compte que toutes ses excuses sont là pour me rassurer. Je sais que pour moi, c’est une corvée. Le français, je le connais. Et je n’ai pas l’âme d’une enseignante. Lors de la dernière leçon, j’étais tellement énervée qu’il ne comprenne pas la différence entre le participe passé et le participe présent. Et puis tout ce jargon grammatical qu’on leur apprend. Est-ce vraiment nécessaire ?…

 

Me voilà de nouveau abattue. Je sais que ça va être dur.

Je sais qu’il va d’abord demander à prendre sa douche. Puis va venir le « tu es sûre qu’on doit faire ça aujourd’hui, M’man, je suis crevé, là… » Et moi, j’aurai le dîner à préparer. Mais il ne faudra pas céder.

Et puis je sais, je sais au fond de moi que je vais m’énerver. Parce que je voudrais que ça aille plus vite, qu’il apprenne plus facilement, qu’il n’ait plus ses hésitations, ses doutes, qu’il sache naturellement. Je sais aussi que lorsque viendra l’heure de la dictée, je serai encore déprimée parce qu’il fera encore et toujours les mêmes erreurs. Celles-là mêmes où pourtant il a eu tout juste dans l’exercice, deux minutes plutôt.

La maison est en vue. Je gare la voiture et me retourne. Il s’est endormi. Je le regarde. C’est tellement apaisant d’admirer son enfant qui dort. Les minutes passent et je n’ose le réveiller. Le bruit assourdissant d’une voiture le fait émerger. Je chuchote : « Nous sommes arrivés ». Il se frotte les yeux et sourit. « On pourra manger des crêpes ce soir ? » Cette fois, c’est moi qui souris. La culture française a tout de même réussi à percer un peu dans notre quotidien.

 

Que restera-t-il de cette leçon dans un mois ?

Elle lui laisse prendre sa douche. Elle l’entend chanter à tue-tête une chanson à la mode et prépare le cours pendant ce temps. Une révision des temps de l’indicatif. Et des mots à apprendre. Par cœur. Elle soupire.

Que restera-t-il de cette leçon dans un mois ? Dans six mois ? Dans un an ? Elle aimerait que tout cela soit plus naturel, plus doux, que ces cours soient une nécessité évidente pour son fils et qu’il s’y mette de lui-même. Elle sent bien qu’il accepte de se mettre à côté d’elle simplement pour lui faire plaisir. Après tout, c’est bien normal : que lui apportent actuellement ces cours ? C’est de la théorie pour lui.

Les cheveux encore humides, il la regarde. Il attend. « Prêt ? » lance-t-elle. Il soupire « Pas vraiment, mais j’ai pas le choix, hein ? » Elle rit nerveusement. Puis elle se ravise. « Si ! tu as le choix, bien sûr ! Mais tu comprends que tu dois apprendre le français, non ? » « Oui, c’est juste que j’ai vraiment l’impression de continuer l’école. C’est lourd. » Elle n’a pas de réponse. Elle se réfugie dans le cours qu’elle commence illico.

Comme d’habitude, ils se sont fâchés. Comme d’habitude, il est parti avant la fin de la leçon et elle a envie de pleurer. Ne comprendra-t-il donc jamais ?

Les journées passent et petit à petit, elle a lâché prise. Elle a fait autrement. N’est plus aussi exigeante. Les leçons se sont espacées. Le français de son fils n’est pas parfait, mais est-ce réellement important ? Il s’exprime tout de même plutôt bien et lit beaucoup. C’est déjà ça, non ?

 

Et puis, il y a eu ce jour.

Ce moment où il est venu la voir. Il veut reprendre les cours de français plus sérieusement. Quand elle lui demande pourquoi, il sourit. « Tu te souviens de notre dernier séjour en France ? Avec la famille de ta sœur Cécile ? » « Oui, et alors ? » « Martin, mon cousin, m’a contacté par email à notre retour aux US. Et je me suis rendu compte qu’il ne comprenait pas très bien les réponses que je lui renvoyais. Il s’est un peu moqué – gentiment, hein ! Il m’a dit que je faisais beaucoup d’anglicismes. » C’est à son tour de sourire. « Quel anglicisme ? Tu parles très bien français ! » le taquine-t-elle. « Je lui ai écrit qu’il avait sauvé mon jour ! » Ils éclatent de rire en chœur.

 

Chaque enfant a besoin de temps, besoin de vivre des expériences, besoin de faire son propre chemin pour pouvoir aborder le français avec ses propres convictions. Ne l’oublions pas. Sachons être patient.

 

 

Catherine Allibert

 

Catherine ALibert

Exploratrice de la langue française.
Elle propose des activités ludiques et créatives autour de l’apprentissage du français, tout en améliorant la relation parents-enfants.

Son site : https://www.unehistoiredeninjasetdesamourais.com – « Apprendre le français avec la souplesse du ninja et la rigueur du samouraï ! »
Elle anime aussi les groupes Facebook :

> Retrouvez-la également dans ces podcasts : « Le français comme j’aime » 

 

 

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