Le divorce par consentement mutuel : aubaine ou piège pour les expatriés ?

Divorce consentement

Depuis 2016, les couples qui parviennent à un accord sur la rupture de leur mariage et ses conséquences ne sont plus contraints de comparaître devant un juge pour divorcer. Ils peuvent opter pour un divorce par consentement mutuel (DCM) par le biais d’un acte rédigé par leurs avocats.

L’idée d’un divorce sans intervention judiciaire peut sembler initialement attrayante, surtout lorsque l’on réside à l’étranger : plus simple, plus rapide, moins onéreuse ?

Cependant, au-delà des défis logistiques inhérents à la distance géographique, tels que la nécessité que la convention de divorce soit signée lors d’un rendez-vous commun en présence de chaque conjoint et leurs avocats respectifs, cette approche peut conduire à une solution délicate dans un contexte international.

En effet, le divorce extrajudiciaire en France n’a pas été suffisamment accompagné sur le plan international. Par conséquent, la question de la reconnaissance et de l’exécution de ces divorces extrajudiciaires demeure limitée au sein de l’Union européenne et plus incertaine encore à l’extérieur de celle-ci.

Le DCM dans l’Union européenne : un canard boiteux

La reconnaissance sous conditions du divorce extrajudiciaire

Depuis le 1er août 2022, le nouveau règlement européen, communément appelé « Bruxelles II ter », garantit automatiquement la reconnaissance des conventions privées de divorce, telles que le DCM français, au sein des États membres de l’Union européenne, sans nécessiter de procédure particulière. Toutefois, certaines conditions doivent être respectées pour assurer cette reconnaissance.

En premier lieu, il est essentiel de vérifier la compétence internationale du juge français, c’est-à-dire sa capacité à pouvoir prononcer le divorce des époux. En l’absence de cette compétence, la convention de divorce ne pourra pas être certifiée par le Président du Tribunal Judiciaire, un certificat indispensable à la reconnaissance du divorce dans les autres États membres.

En présence d’enfants mineurs, il est également crucial de s’assurer de la compétence internationale du juge français concernant les questions relatives à l’autorité parentale et, le cas échéant, de choisir la juridiction française comme étant compétente pour connaître des litiges ultérieures. En effet, le divorce par consentement mutuel français ne prévoit pas l’audition systématique des enfants mineurs, mais simplement l’annexion d’un formulaire d’information des enfants. Or, certains droits européens considèrent cette audition comme un droit fondamental de l’enfant, ce qui pourrait alors constituer un motif de non-reconnaissance de la convention de divorce par ces juridictions.

L’exécution limitée du divorce extrajudiciaire

Bien que le nouveau règlement européen « Bruxelles II ter » garantisse la reconnaissance des conventions privées de divorce, il ne garantit pas l’exécution des dispositions patrimoniales prévues dans la convention, telles que les obligations alimentaires (pension alimentaire/prestation compensatoire) ou la liquidation du régime matrimonial.

L’exécution des dispositions alimentaires

En ce qui concerne les obligations alimentaires, un autre règlement européen, connu sous le nom de règlement « Aliments », est applicable. Le divorce conventionnel ne bénéficie cependant pas des facilités de circulation et d’exécution dans un autre État membre prévues par ce règlement, celles-ci étant réservées aux « transactions judiciaires » et « actes authentiques ». La convention de divorce par consentement mutuel, bien que déposée au rang des minutes du notaire, ne revêt pas ces qualifications.

Il est donc impératif, lors de la conclusion de la convention, d’anticiper les difficultés futures d’exécution liées au versement de la pension alimentaire ou de la prestation compensatoire :

  • En s’assurant de la compétence des tribunaux français pour tout litige par l’insertion d’un choix de juridiction,
  • En prévoyant le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital au moment de la signature de la convention pour éviter des difficultés ultérieures de règlement,
  • En prévoyant des garanties sur les biens de l’époux débiteur en France en cas de paiement échelonné.

L’exécution des dispositions liquidatives

De la même manière, concernant la liquidation du régime matrimonial des époux, la convention de divorce extrajudiciaire ne bénéficie pas non plus des facilités de circulation et d’exécution dans un autre État membre, telles que prévues par le règlement dit « Régimes matrimoniaux ».

Pour assurer l’exécution des dispositions liquidatives de la convention, il est donc également nécessaire d’anticiper :

  • En incluant une clause d’élection de juridiction en faveur des tribunaux français pour tout litige ultérieure,
  • En établissant un état liquidatif du régime matrimonial sous forme authentique chez le notaire, même en l’absence de biens soumis à la publicité foncière.

On le voit, les perspectives de reconnaissance et d’exécution à l’étranger du divorce par consentement mutuel extrajudiciaire restent encore aujourd’hui complexes au sein de l’Union européenne et deviennent encore plus incertaines en dehors de cet espace.

Le DCM hors de l’Union européenne : un mouton à cinq pattes

La France a conclu avec de nombreux pays des conventions bilatérales, dont l’objet est de faciliter la circulation internationale des actes grâce à des procédures de reconnaissance et d’exécution simplifiées. Toutefois, ces accords bilatéraux concernent là encore les « décisions judiciaires » et « actes authentiques » et ne permettent donc pas de faciliter la circulation du divorce par consentement mutuel extrajudiciaire.

La reconnaissance et l’exécution d’une telle convention à l’étranger supposent alors de réaliser une procédure supplémentaire dite d‘exequatur. Ce qui expose les parties à l’aléa des règles de droit international privé propres à chaque pays où elles souhaiteront que leur acte circule.

Certains États étrangers ont certes montré leur ouverture à l’accueil du divorce par consentement mutuel extrajudiciaire français, tels que la Biélorussie, le Liban, le Maroc, la Moldavie, la Russie, la Suisse, l’Ukraine et la Tunisie. Possiblement aussi : le Brésil, Cuba, certains États américains, la Géorgie, le Guatemala, le Japon, le Québec et Saint-Martin.

Cependant, il est illusoire d’espérer une reconnaissance universelle. Certains droits étrangers considèrent en effet que ce type de divorce va à l’encontre du principe d’indisponibilité de l’état des personnes, exigeant que le divorce soit judiciaire, et s’opposent à sa reconnaissance. C’est le cas, notamment en Indonésie, au Canada, en Algérie, au Kosovo, en Macédoine, au Mali, en Serbie et en Argentine.

Dès lors, à l’échelle internationale, le recours au divorce par consentement mutuel extrajudiciaire doit être abordé avec prudence, voire parcimonie. Avant de s’y engager, les couples internationaux doivent solliciter les conseils d’un avocat spécialisé pour s’assurer de sa reconnaissance et de son exécution à l’étranger. Ils peuvent également privilégier l’homologation judiciaire d’un accord, une procédure simplifiée et envisageable sans avoir à se déplacer en France.

Emmanuelle BONBOIRE
Emmanuelle BONBOIRE-BARTHELEMY
of Counsel du cabinet CM&A
contact: e.bonboire-barthelemy@cm-associes.com
Téléphone : +33142682424
Elodie MULON
Elodie MULON
Avocat associé du cabinet CM&A
Membre du Bureau du Conseil national des Barreaux
Ancien membre du Conseil de l’Ordre
Présidente du comité famille et successions du CCDE
Présidente de l’IDFP
Présidente du CALIF
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Téléphone : +33142682424
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