Et soudain tout s’arrête – Vivre un deuil en expatriation

L’annonce du décès d’un proche est une profonde remise en question de l’idée de la vie dans sa globalité. Alors que l’expatrié a déjà chamboulé ses repères environnementaux, se remettant en cause personnellement dans sa place dans la société, vivre un deuil est une irruption qui le bouscule encore plus profondément jusque dans sa raison d’être.

Le processus de deuil est un tsunami complexe. Il passe par différentes phases allant d’un état de détresse initial, à une dépression passagère, puis enfin une réadaptation à la vie.

Vivre un deuil : dans un premier temps vient le choc de l’annonce

Qu’il soit anticipé par un pronostic envisagé dans le cadre d’une maladie ou plus encore s’il est soudain et inattendu, l’annonce du décès est un véritable coup de massue. Il renvoie aux notions d’inconcevable et d’irrémédiable. Du « ce n’est pas possible », comme un déni d’une réalité inenvisageable, suit un « ce n’est pas juste » où colère et culpabilité l’emportent. Des peurs et des angoisses avec hyper vigilance face à tout éventuel danger rappelle combien l’existence est fragile et temporaire.

Le survivant entre dans une phase d’abattement où il perd toute notion de plaisir et d’envie. « A quoi bon ? » puisque tout s’arrête… La tristesse renforce un fatalisme face à une vie si terriblement décevante et douloureuse.

Et puis, des bourgeons d’espoirs reprennent peu à peu. Il peut y avoir d’autres contentements ailleurs que dans l’absence laissée par l’être cher. En renonçant à l’illusion de retrouver l’être aimé et de pouvoir partager à nouveau les mêmes instants de joie, il est possible de se reconnecter à d’autres espaces de vie. Un déplacement d’investissement s’effectue.

On ne remplace pas celui qui est parti, on trouve d’autres sources de bonheur. L’acceptation du décès passe par une réadaptation à la vie qui prend forme lentement, accompagnée d’une quête d’un autre sens de son existence. Une perception de soi et des choses se modifie. « Je ne suis plus le même, ça m’a changé ». C’est un retour à la vie où le passé retrouve une place modérée au profit d’un présent et d’un futur porteur d’autres espoirs. La vie reprend le dessus.

Pour l’expatrié, d’autres défis interviennent dans le processus complexe de vivre un deuil

Il doit prendre des décisions dans l’urgence. A l’annonce d’un risque de décès imminent d’un proche dans son pays d’origine, il peut être tiraillé par le dilemme de rentrer toute affaire cessante ou attendre encore un peu. La famille hésite également à prévenir celui qui vit si loin. Il s’agit d’un pari sur une issue incertaine qui peut être lourde de conséquences.

A la souffrance du deuil, s’ajoute le poids des regrets de n’avoir pas pu faire ses adieux et d’être arrivé trop tard. L’expatrié peut se sentir non seulement coupable de son éloignement et d’avoir été absent dans la vie ; il porte dorénavant le poids de n’avoir pas pu être présent lors du passage à trépas.

D’autres décisions doivent être également prises lorsque celui qui décède ; adulte ou enfant, est en expatriation. C’est dans un contexte de choc émotionnel important que le choix du lieu d’incinération (enterrement à l’étranger ou pas) et l’organisation des cérémonies s’effectuent. Des commémorations peuvent symboliquement avoir lieu à différents endroits, là où le défunt vivait à l’étranger, et là où sont ancrées ses origines familiales.

La famille peut également être amenée à décider si elle poursuit son séjour à l’étranger et dans quelle mesure cela est matériellement réalisable, financièrement et administrativement. La cellule familiale, parfois soudée par l’éloignement, peut alors exploser, partagée entre ceux qui décident de rentrer au pays et ceux qui restent.

Le rôle des proches est indispensable

A l’étranger, le réseau relationnel est un support essentiel lorsque le décès provoque une profonde confusion et la perte de tous les repères. Une sévère dépression peut alterner tout discernement jusqu’à toucher les besoins les plus basiques.

Heureusement, une solidarité entre expatriés mais également avec les locaux permet à la famille en deuil de trouver un support nécessaire pour réussir à rebondir. Que ce soit matériellement par la prise en charge temporaire des repas, logistiquement par une aide financière et administrative, affectivement par une présence empathique faite d’écoute, de patience et de compréhension, l’endeuillé retrouve peu à peu une force en soi pour sortir de cette phase de régression naturelle et se reprendre en main.

Parfois le désarroi est trop fort ou s’installe si longtemps que l’endeuillé peine à retrouver goût à la vie. Un soutien par un professionnel est alors nécessaire pour réussir à extérioriser ce qui est bloqué et empêche d’avancer. Les pensées, les sentiments et les émotions sont alors mises en mots.

Lorsque la poursuite de la vie à l’étranger est remise en cause…

…les ambitions professionnelles, financières ou culturelles peuvent perdre leur attrait au profit d’autres investissements. Certains ressentent le besoin de se ressourcer au sein de la cellule familiale et de se reconnecter avec ses racines.

D’autres à l’inverse poursuivent activement la réalisation des projets initiaux. Entre repli sur soi et fuite en avant, un équilibre personnel est à trouver et à construire, ce qui prend du temps, de l’énergie et du courage.

Vivre un deuil permet également à certains de découvrir des ressources en soi insoupçonnées et d’élaborer de nouveaux projets pour soi et pour la famille. D’un décès peut émerger une reconstruction.

L’expatrié qui avait déjà expérimenté l’absence et l’éloignement doit réussir à surmonter l’épreuve d’un au-revoir transformé en adieu pour poursuivre son cheminement. La mort qui a fait irruption dans la vie la transforme alors sans l’anéantir. Il s’agit de continuer sa route avec la présence paradoxale de l’absence. Même ailleurs, même avec le manque, la vie continue.

Par Magdalena Zilveti Manasson

Magdalena est psychologue-coach, psychotherapeute dans le New Jersey, USA (www.thenomadcenterforcounseling.com) et l’auteur d’un livre sur les dessous psychologiques de l’expatriation « Réussir sa vie d’expat. S’épanouir à l’étranger en développant son intelligence nomade » aux éditions Eyrolles. En savoir plus : www.intelligence-nomade.com.

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