Tremblement de terre de 2015 au Népal – témoignages

Tremblement de terre Népal

Le 25 avril 2015, un tremblement de terre d’une magnitude de 7,9 touche le Nepal. Voici deux témoignages d’expatriées sur place. Dorothée, et Paquita.

En famille au Népal

Dorothée, expatriée à Dhaka, au Bangladesh, était en vacances au Népal avec sa famille (mari, et deux enfants en bas âge), lorsque le tremblement de terre a eu lieu. Elle nous raconte ce qui lui est arrivé. La frayeur intense, la difficulté de se rendre compte de l’ampleur de la catastrophe, la vie qui continue…

Nous nous trouvions dans une pizzeria à Katmandou quand le séisme nous a fortement secoués. Dévastant au passage des régions et superbes sites népalais. Rapatriés vendredi (le 1er mai) et nous sommes bien arrivés à Dhaka, 3 jours plus tôt que prévu initialement.

Nous sommes des miraculés

Vous avez été nombreux à nous formuler vos pensées et de belles preuves d’amitié par email. Nous vous en remercions très chaleureusement. Nous avons bien eu besoin de ce WE pour reprendre un peu nos esprits, dormir et retrouver nos activités quotidiennes. Voici le récit de ce que nous pensions être « des vacances bien méritées ». En retraçant chaque instant de cette matinée du 25 avril, nous réalisons que la tournure des événements aurait pu être dramatique. Le mot est fort mais je crois que nous sommes des miraculés.

Nous arrivons le vendredi 24 avril dans l’après-midi au Népal. Puis partons nous installer dans un petit appartement très sympa à Patan. Surnommé « le quartier aux mille toits dorés », nous visitons sa splendide place qui nous met déjà dans l’ambiance des beaux temples hindoues.

Le samedi 25 avril au matin, nous partons en direction du centre historique de Katmandu, connu sous le nom de Durbar Square. Un itinéraire que nous empruntons facilement avec les enfants. Bertille qui court après les pigeons, Marin qui gazouille en poussette et nous 2 admiratifs de ce lieu fabuleux mêlant parfums d’encens et tintements de cloches dans les temples.

Nous poursuivons notre balade en nous dirigeant dans le quartier de Thamel. Il est composé de petites rues étroites regorgeant de boutiques, immeubles et affiches publicitaires tous aussi hauts les uns que les autres. JB me laisse avec les enfants dans une petite boulangerie pour faire une pause goûter, le temps pour lui de trouver l’agence avec laquelle nous devions partir en treck dans les Anapurnas. Il revient sans l’avoir trouvée et nous nous dirigeons vers un superbe jardin à la française à la sortie de ce quartier. Les Gardens of Dreams… Finalement, il est midi, Marin montre qu’il a faim et nous nous rendons dans une pizzeria pour déjeuner.

Des bruits tels des vibrations dans les tunnels du métro parisien

Eh bien, nous ne commanderons jamais de pizzas ! Bertille joue entre les tables, JB appelle l’agence et moi je donne tranquillement à manger à Marin. Nous entendons tout d’abord des bruits tels des vibrations dans les tunnels du métro parisien. Ce bruit devient de plus en plus fort et cesse un quart de seconde. Les gens ont l’air de se demander ce qu’il se passe tout comme nous !  Ne sachant pas vraiment (intuitions ?), je demande à JB de prendre Bertille dans ses bras.

Un court moment de répit (1 seconde voire 2 ?) avant de ressentir d’intenses secousses. Et surtout voir les murs du bâtiment se plier comme des ressorts devant moi. Ayant déjà vécu un tout petit tremblement de terre en Californie il y a 10 ans, j’hurle à JB de sortir avec Bertille. Le temps pour moi de sortir de mon petit coin de table (je me trouvais à côté des vitres) avec mon loulou sous le bras.

Nous sentons le sol se dérober sous nos pieds et j’ai l’impression de devoir gravir une côte en mouvement. Dans la panique, je tombe au sol et à cet instant, je me vois rester coincée dans ce restaurant… La tête de Marin heurte violemment le sol mais heureusement il n’y a pas de morceaux de verres. Il se met à pleurer immédiatement de douleur et par chance, un monsieur m’aide à me relever pour que je ne fasse pas piétiner. Je descends les marches d’un demi-étage. Je retrouve JB et ma petite Bertille qui pleure mais qui ne semble pas vraiment effrayée.

Ensuite, plus rien à part un silence de mort…

Cet américain nous dit qu’il faut s’attendre à des répliques dans les minutes voire les heures qui suivent. La manager du restaurant, tellement désolée de ne pas m’avoir aidée avec mon petit bonhomme, me propose d’aller chercher nos affaires. Nous sommes livides, les jambes flagellent. Nous trouvons la force de nous diriger très vite vers la rue principale où le ciel semble plus dégagé. Les gens fuient en masse le quartier et nous nous retrouvons rapidement sur un rond-point à attendre que cela se calme un peu. Ce ne sera que pour un court instant puisque 2 répliques de plus faible intensité se produiront…

Les oiseaux nous auront « prévenus » puisqu’ils s’affolent à chaque fois avant que cela ne se produise. D’énormes chauves-souris attirent notre attention dans le ciel… Par chance, le sol ne « s’ouvre » pas et les poteaux électriques restent en place.

Bref, Marin s’en tire avec une belle bosse et nous décidons de poursuivre notre balade. En revenant à notre appartement le soir, nous commençons à réaliser l’ampleur des dégâts. Il n’y a plus d’eau, plus d’électricité, les magasins sont tous entièrement fermés et cela sera le cas durant les 2 jours qui suivent notre passage. Nous découvrons avec effroi les monuments historiques de Patan couchés au sol.

La française qui nous louait son appartement nous explique que les médias internationaux parlent d’un séisme d’une force majeure et par chance, son téléphone fonctionnant, nous arrivons à joindre notre ambassadrice à Dhaka sur son portable qui relayera l’information de notre bon état de santé à nos familles. La population est terrifiée et les habitants dorment sous des tentes craignant de nouvelles secousses. Durant la nuit, 4 répliques nous sortirons de notre sommeil et au 4ème étage, croyez-moi, on ne dort pas sur ces 2 oreilles !

Le lendemain, samedi 26 avril, nous visitons le site exceptionnel de Bhaktapur qui est en partie détruit par le tremblement de terre de la veille. Les monuments épargnés nous livrent un spectacle magnifique mais beaucoup de maisons sont abîmées et les réfugiés sont affolés…

Courir dans les campements de l’Ambassade

Nous sommes à peine entrés dans notre taxi qu’une secousse très violente se fait de nouveau ressentir. Nous courons nous réfugier dans le campement que nous avions vu, sous le crépitement des tuiles des maisons qui commencent à s’effondrer. Désœuvrés, mangeant des biscuits depuis la veille, nous nous dirigerons vers l’ambassade de France puis l’école française non loin où un campement a été mis en place. Nous pourrons y manger quelques rations militaires avant de dormir sous la tente et sous la pluie. Bertille est ravie de trouver des légos, des cerceaux et nous fait des petits dessins avec la lampe frontale que nous lui donnons. Marin dort profondément et nous eh bien… nous sentons encore que cela bouge beaucoup sous nos pieds.

 Dimanche, nous avons pu nous rendre à l’aéroport prendre notre vol pour Pokhara. Avec beaucoup de retard puisque la priorité reste bien évidemment aux secours et à l’aide humanitaire qui commencent à arriver. Les avions et hélicoptères de l’armée indienne sont les premiers sur place et sont impressionnants en taille. Pokhara est une petite ville touristique au bord d’un lac et a ressenti quelques secousses mais la vie ne semble jamais s’y être arrêtée. Nous y avons passé 2 nuits et y avons fait une grande balade avec un guide hier avant d’en partir ce matin.

Une étoile a veillé sur nous

 Voilà, ce récit est bien long mais je suis convaincu qu’une étoile a veillé sur nous et nous a protégés ces derniers jours. 300 français manquent toujours à l’appel sans compter tous ces alpinistes dans l’Everest… Nous avons le sentiment d’une visite inachevée et nous y retournons, c’est sûr ! Nous avons eu très peur mais rien de comparable avec ce que nous laissons derrière nous : un peuple meurtri qui était déjà pauvre avant que ce terrible tremblement de terre ne le rende encore plus vulnérable. La reconstruction des monuments et habitations prendra des années… L’industrie touristique étant numéro 1 pour les népalais, vous imaginez l’impact considérable que cela va avoir dans les prochains mois.

Je vous invite à lire le document ci-joint que mon frère m’a fait parvenir. Depuis quelques années, il est un membre très actif de l’association Coup de Pouce. J’ai eu la chance de rencontrer Hélène, sa fondatrice, avant notre départ au Bangladesh. Une femme formidable qui donne, avec ces jeunes volontaires, tout son temps à soutenir des actions humanitaires au Népal notamment. Prenez le temps de lire cette histoire. On ne peut rester indifférent face à une telle catastrophe.

Cet appel aux dons me tient vraiment à cœur car ayant retrouvé mon petit confort, une partie de moi est encore au Népal avec le sentiment d’avoir « abandonné » ces pauvres gens à leur triste sort.

Par Dorothée. – Pour en savoir plus sur l’action de Coup de Pouce au Népal, une vidéo (accessible à ce lien également) Et la page Facebook de l’association Coup de Pouce

Tremblement de terre Népal – à Katmandu : 58 secondes de terreur pure – par Paquita

tremblement de terre Népal

Ce jour-là, ni les jours suivants je n’ai pas fait le job. Mon job de journaliste. Il m’a paru vain. Comment tordre les mots pour écrire la terreur blanche et muette de ces 58 secondes qui ont mis le Népal à genoux.

Ce papier que j’aurais voulu ne jamais avoir à écrire.

58 secondes dans une vie c’est epsilon… ou pas.

58 secondes durant lesquelles toute une nation retient son souffle. Frappée de sidération, dont le cœur s’arrête de battre tandis que celui de ses habitants, lui, bat à tout rompre.  Rompre comme le sol de leur pays qui se dérobe sous leurs pas.

J’ai nommé le Népal. Je sais, j’y étais, ce funeste 25 avril.

Une seconde ça peut être long, alors 58….La relativité du temps prend ici tout son sens. Arrêt sur image.

Comment oublier,

Ces corbeaux et ces chauves-souris qui volent en escadrilles serrées, annonciateurs de mauvais augure.

Cet instant paradoxal où un grondement qui vient du fond des âges, vous irradie. Alors qu’un silence sépulcral s’abat sur la foule si animée d’ordinaire.

Ces silhouettes qui tanguent et chavirent puis choient tel un mikado humain.

Cette femme projetée au sol, secouée des soubresauts de cette terre qui craque, le visage ravagé d’angoisse, déformé par un cri d’où ne sort aucun son. Un nano instant se souvenir du tableau de Munch et de sa légende : « J’ai entendu un cri infini déchirer la nature. ».

Cette femme qui tente vainement de saisir la main de son enfant dont le corps se recouvre peu à peu de la poussière des briques.

Ce sâdhu, arrimé à son trident, les yeux remplis de larmes qui ne comprend pas pourquoi les Dieux ne sont plus ses amis.

Ces dizaines de motos couchées dont les roues tournent dans le vide. Toute la détresse dans les yeux de cet homme devant son rickshaw écrasé par un poteau électrique alors que son dos n’est que plaie.

Les bras d’inconnus au regard hagard qui vous serrent. Les tremblements qui vous secouent, la décharge tout aussi tellurique des nerfs.

Cette vision de cette jeune fille apprêtée en sari rouge pour un mariage qui disparaît peu à peu comme avalée par les éléments dont seuls les brillants de son bracelet scintillent encore. Femme jusqu’au bout.

Ce sentiment d’être sur un navire chahuté dans la tempête.

Les neurones déconnectés, l’attente…

Et d’un seul coup ce fondu enchaîné au ralenti se déchire. Cette impression diffuse que le machiniste de ce film catastrophe a mis le dolby à fond

Les hurlements des hommes et des femmes succèdent à celui de la terre, concomitants à celui des bâtiments qui s’écroulent. La nuit qui tombe en plein jour. On ne sait plus si la gorge est sèche de poussière ou d’angoisse. Les jambes se dérobent, l’énergie comme aspirée, pompée. Et puis une masse hébétée sort de Thamel, le quartier des trekkeurs et touristes, KO debout criant leur terreur.

Nouvelle secousse, nouvelle angoisse, ça doit s’arrêter mais ça ne s’arrête pas.

58 secondes qui ont mis le Népal à genoux.

Eux qui n’avaient pas grand chose et qui pour beaucoup n’ont plus rien conservent l’essentiel dont ils ont toujours eu conscience : leur courage et leur dignité. Respect.

Paquita

Ce jour là aussi mon insouciance s’est écroulée.

(Image amateur - Sözcü TV)
 

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