Suivre ses parents vieillissants à distance

parents vieillissants expatriation

Partir en expat, c’est laisser ses amis et sa famille derrière soi. Enfin, dans le cœur, on ne les laisse pas. Mais géographiquement, c’est une réalité, on est loin. Mais alors, quand les parents de l’expat se font âgés et dépendants, comment ça se passe ?

Bien sûr il y a les grands-parents turbo, qui continuent bon pied bon œil à parcourir la vie, venant même nous voir à Singapour ou à Houston.

Pour ceux qui ne voyagent pas, on a mis en place tout un tas de petits trucs pour garder le lien. Notamment avec nos enfants à nous, qu’ils ne voient qu’une semaine dans l’année ou par webcam interposée. (Famileo, Neveo et autres Mamizette…)

Bref, ça roule à peu près. Mais on ne va pas se mentir, et vous êtes de plus en plus nombreux à le signaler (dans le baromètre Expat Communication) le suivi à distance de parent vieillissants pose problème, nous soucie, jusqu’à parfois, bloquer un départ en expatriation.

Nous avons posé nos questions à Sophie Gidrol, expat à l’Île Maurice, où elle ouvert la 1ere unité de Soins Palliatifs. En partance pour Nairobi, Sophie exerce en tant que palliatothérapeute en ligne. En quoi cela consiste ? Elle prend soin des familles, proches qui se préparent à la perte puis les accompagne sur leur chemin de deuil via des consultations en distanciel.

Sophie, est-ce qu’on doit culpabiliser de laisser des parents vieillissants ?

sophie gidrol soins palliatifs

Culpabiliser, je ne pense pas.. une fois la décision prise il faut l’assumer. C’est en amont qu’il faut préparer les choses. Pour que le jour où quelque chose ne va pas, ce soit ok pour vous, dans votre tête ET dans votre ventre 😉

On se prépare en leur parlant vrai, en évoquant tel accident ou événement (« que faire si Papa a à nouveau un AVC ? » mais aussi : « pour ton opération de la hanche, je ne suis pas sûre de pouvoir rentrer en France »). On prépare le terrain.

Il faut aussi anticiper économiquement parlant pour pouvoir débourser, le temps voulu et en urgence la somme pour un billet d’avion et un séjour à durée non déterminée.

Si, au moment de la décision de partir en expatriation, vous notez une baisse de état général (amaigrissement ou réduction du périmètre de marche, ou oublis) prenez RDV avec le médecin généraliste de vos parents pour discuter de la réalité et laisser ses coordonnés dans le dossier médical… (on peut préparer un arbre des personnes proches avec leur fonction et leurs numéros de téléphone).

Alors quand on est loin, justement, quels signes doivent nous alerter sur leur santé ?

Une chute, un amaigrissement, des oublis, une confusion.

Et quid des pathologies plutôt neurologiques ? Alzheimer, démence…

Pas facile de dormir sur ses deux oreilles alors que sa mère va se promener toutes les nuits dans les rues de Paris sa bouilloire à la main. Je dirais que c’est plutôt la gestion du risque dont il faut parler et prendre conscience… Il peut être important de se réunir en fratrie, établir les pour et les contre d’une admission en institution.. Mais attention, je parle d’une vraie réunion pas uniquement entre frères et sœurs… car dans bien des familles, celle-ci se conclut par la parole du principale intéressé qui remet les pendules à l’heure de tout le monde avec un « il n’est pas né, celui qui me fera aller en maison de vieux ! »

Il faudra donc vivre avec le risque. Je conseille toujours de penser à l’équilibre qualité de vie/risques (peut être mourir dans sa maison comme il en a toujours parlé) – mais moins de risques (et encore !) en résidence seniors.

C’est difficile de se rendre compte, ils disent « ça va, ne t’inquiète pas » mais comment savoir s’ils nous disent la vérité, et s’ils vont vraiment bien ?

Il est bon alors de croiser les informations entre les différentes personnes présentes et solliciter aussi la personne qui ne parle jamais au téléphone. Souvent au sein du couple c’est la personne féminine qui se charge des conversations… il faut penser à appeler au moment où nous avons des chances que l’autre personne du couple ait des chances de décrocher (durant les courses ou la douche…).

On peut appeler cela le « plan vigilance ». En plus des appels réguliers tous les mardis matins par exemple, j’appelle le lendemain plus tôt ou plus tard pour savoir ce qu’ils font à l’instant et s’ils se souviennent des anecdotes citées la veille.

Autre piste, prenez les numéros des voisins (avant de partir ) pour prendre des nouvelles. Appelez de temps en temps le médecin traitant, l’infirmière libérale qui s’occupe d’eux, ou la femme de ménage (bref toute personne qui voit régulièrement votre proche..) Vous ne les dérangez pas, ils sont contents de savoir qu’ils font partie d’un réseau d’entraide.

Quel rôle pouvons-nous avoir en face de parents qui sont brutalement en fin de vie alors que nous sommes à des kilomètres de là ?

J’encourage à leur parler de votre inquiétude, de votre possibilité et décision de vous rendre disponible. Si le pronostic est court (quelques heures), demandez à quelqu’un sur place de prendre votre appel et de tenir le téléphone près de son oreille. Préparez ce coup de fil en amont pour être vrai (et pas dans des banalités) et ainsi pouvoir lui souhaiter un beau chemin, lui dire adieu.

Quand on est loin, il y a aussi le risque des conflits avec ceux qui sont auprès de nos parents

Je vais être un peu dure, mais il faut avoir deux choses à l’esprit, qui éviteront peut être des montées de colère ou de frustration le moment venu.

1) L’expatrié ne sait pas ce que c’est que d’être le proche aidant (celui qui prend son après après-midi de travail pour accompagner au 6e RDV médical du mois), et de son côté, le proche aidant ne sait pas ce que c’est que de vivre avec chaque pied sur 1 territoire différent.

2) Dans une fratrie, chacun a une relation différente avec le parent vieillissant qui elle-même ne dira pas la même chose à chacun de ses enfants (et ce, même en dehors de l’expatriation). Cela rajoute de la complexité !

Faut-il évoquer avec ses parents la mort, et éventuellement des vœux de fin de vie (soins palliatifs, euthanasie ?)

Ma philosophie est que l’ombre une fois mise en lumière, disparaît.. donc, plus nous pouvons ouvrir les sujets complexes en amont mieux c’est ! Parler de la mort n’est pas lui préparer le terrain, soyez rassurés ! Et sinon, une palliatothérapeute peut aussi être le professionnel qui guide cette conversation et aide à rédiger des directives anticipées. Ces directives anticipées sont un guide pour les équipes soignantes et permettent d’indiquer les volontés médicales de la personne (par exemple, réanimation ou non, alimentation par un tuyau ou non…)

Ce sont des conversations suspendues qui ne sont pas simples. Mais croyez-moi il vaut mieux en parler avant, que dans une salle glauque de l’hôpital ou il y a déjà beaucoup d’émotions à gérer. On peut aussi pousser plus loin en fonction de ce que nous dit notre proche… prendre les perches qu’il nous tend. Mes patients me parlent « des phrases bombes » que leur disent leurs proches et je leur apprends comment s’en saisir pour en parler pour de vrai.

sophie gidrol soins palliatifs

Sophie Gidrol

Sophie Gidrol est palliatothéarapeute. Vous pouvez retrouver son portrait sur FemmExpat et découvrir également le livre qu’elle a co-écrit sur le sujet de la mort à destination des enfants. Son site : d’un temps à l’autre.

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