Vivre en compound en Arabie Saoudite

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De 2011 à 2014, Laetitia a vécu à Jubail, dans l’Est de l’Arabie Saoudite. Elle relate son expérience du compound et dévoile ses rencontres saoudiennes dans son livre Intime Arabie, paru en novembre 2020 aux Éditions Transboréal. Nous lui avons posé quelques questions sur son quotidien d’expatriée en Arabie Saoudite.

Qu’est-ce qui vous a amenée en Arabie Saoudite ?

Comme certains d’entre nous, je suis mon compagnon dans ses différentes missions à l’étranger. Ce n’est pas toujours simple. J’ai commencé en 2008 quand j’ai quitté mon poste à Madrid pour le rejoindre à Sanaa, au Yémen. Ensuite, ça a été l’Arabie. Je n’étais pas enchantée par cette destination mais ça ne me faisait pas peur non plus puisque j’avais adoré vivre au Yémen.

J’imaginais que tout comme je m’étais fait une vie indépendante avec un travail, des activités et des amis dans la capitale yéménite, j’arriverais facilement à me construire un quotidien en Arabie. À cette époque, nous avions un fils de 18 mois et je venais d’accoucher de notre fille. Je voyais l’Arabie comme un pays où je pourrais prendre le temps nécessaire pour profiter de mes jeunes enfants, avoir un peu d’aide à la maison, poursuivre mon apprentissage de l’arabe tout en continuant à travailler.

Quelles ont été vos premières impressions du compound ?

Je savais qu’en Arabie, c’était la norme : la plupart du temps, les expatriés vivent dans un camp fermé. Ça ne m’enchantait pas, ça ne va pas avec l’idée que j’ai du voyage ; je n’aime pas cette notion « d’entre soi » quand on est à l’étranger. Mais il faut être honnête : finalement, dans les différents pays où l’on reste plusieurs années, il est souvent tentant de recréer une petite communauté avec les gens qui ont les mêmes repères que nous. Et le compound permet vraiment cela.

Quand je suis arrivée dans notre « village », je l’ai trouvé très beau. Vraiment, il était incroyable de perfection et presque, de féerie. On se serait cru à  Disney World. Les villas étaient magnifiques, les immeubles aussi, il y avait une ouverture sur la mer, des piscines, des salles de sport, une salle de squash, des terrains de tennis, etc…

Je n’avais jamais connu cela auparavant, c’était juste fou ! Mais rapidement, je l’ai trouvé vide, presqu’artificiel. Il manquait de vie. Les gens se repliaient beaucoup chez eux. Il faut dire qu’en Arabie, il peut faire très chaud et souvent, on est mieux à l’intérieur qu’à l’extérieur ! Heureusement, au fur et à mesure, le compound s’est rempli et les gens ont commencé à sortir et à se fréquenter davantage.

Au quotidien, comment s’organisait votre vie en compound ?

Des journées très rythmées et très organisées

Il faut avoir en tête que dans 99% des cas, les maris travaillent alors que les épouses, qui les ont suivis, ne sont pas officiellement autorisées à travailler. Donc souvent, elles restent à la maison. Typiquement, les maris partent au travail entre 6h et 7h du matin. Les enfants prennent le bus scolaire à 7h, les mamans emmènent les petits à la crèche du compound à 8h et ensuite, elles ont un peu de temps pour elles.

Soient elles partent faire des courses, soit elles se rendent à l’école d’arabe ou à des cours de couture. Un certain nombre d’entre elles en profite pour faire du sport : aquagym, pilates, yoga, voire elles courent ensemble, vont à la piscine ou à la mer pour profiter un peu des extérieurs.

À midi, elles peuvent aussi déjeuner au restaurant et continuer à profiter de la piscine. Souvent, elles s’invitent les unes chez les autres pour partager un repas, une recette de cuisine. A mon époque, certaines s’étaient même lancées dans des activités de traiteur et proposaient des menus livrés à domicile à l’ensemble de la communauté. Pendant la journée, j’avais vraiment l’impression que le camp appartenait aux femmes.

En milieu d’après-midi, les enfants rentrent de l’école en bus, ils font rapidement leurs devoirs et se retrouvent au playground. Les mamans y vont aussi pour papoter et passer du bon temps ensemble. Et le soir, vers 18h, quand la nuit tombe, chacun rentre chez soi.

Vivre en compound en Arabie Saouditel'expatriation en Arabie Saoudite

Est-ce qu’il est facile de s’y faire des amis ? Qu’en est-il de l’entraide ?

Oui, vraiment, je pense que c’est le genre de situation qui facilite l’ouverture à l’autre même si, en fonction des gens, ça peut prendre un peu de temps au départ. Mais comme souvent en expatriation, on a plus besoin de l’autre que dans notre environnement habituel donc on est aussi plus disponible.

L’Arabie étant un pays plutôt fermé, il est assez difficile de fréquenter des Saoudiens. Les choses ont pas mal évolué ces dernières années mais c’était comme ça à Jubail lorsque nous y habitions. Nous avions d’autant plus tendance à chercher le lien là où il était disponible, c’est-à-dire dans le compound. L’entraide y était du coup très forte. Elle s’illustrait matériellement par des dépannages de courses, des prêts, des échanges, mais aussi psychologiquement. Je crois qu’on faisait assez attention au bien-être des uns et des autres. Dans ce genre de situation, c’est vraiment nécessaire.

Quel est votre meilleur souvenir du camp ?

Il y en a un certain nombre mais je crois que les meilleurs souvenirs sont ceux des compétitions sportives que nous avons organisées. Nous participions à des triathlons dans d’autres compounds à Khobar ou Dammam, plus vastes et plus peuplés. Du coup, un jour, on a essayé de faire la même chose chez nous, mais à petite échelle. C’était super, beaucoup de gens ont participé, même s’ils n’étaient pas sportifs. On avait vraiment l’impression que l’esprit du sport et le goût du partage permettaient d’oublier tout le reste, les petits tracas du quotidien. Et après nous terminions par un repas sur la plage que nous partagions tous ensemble.

C’étaient de vrais moments d’insouciance et de liberté, presque hors du temps. Je crois sincèrement que toute la communauté garde de bons souvenirs de ces instants-là.

Qu’est-ce qui a été difficile ? Quels pourraient être les côtés négatifs d’une telle expérience de vie ?

Paradoxalement, c’est aussi cet entre-soi qui est difficile. D’un côté il est rassurant, parce qu’on n’est pas seul dans ce pays tout de même difficile d’accès, mais de l’autre, on est vraiment les uns sur les autres : on vit ensemble, on travaille ensemble (pour les maris), on se retrouve le weekend. On ne peut échapper à personne, on est toujours obligés d’être avec les mêmes gens. Et comme les activités en dehors du camp sont pratiquement inexistantes, on est vraiment repliés sur ce camp ; il n’y a pas d’alternative, d’échappatoire, sauf à sortir du pays pour quelques jours ou faire une virée à Riyad. Ça peut être très pesant. Heureusement, tout le monde a conscience de cela, donc chacun essaye de respecter la vie privée de ses congénères.

Un autre côté négatif pourrait être de prendre goût à cet environnement ultra-sécurisé et du coup rassurant. Le camp fournit tout : activités, épicerie, plage, piscine, restaurants… C’est une vie assez facile quand on s’y abandonne. Du coup, finalement, on peut s’en contenter, ne plus avoir besoin de sortir ou d’aller voir ailleurs ce qu’il s’y passe.

Vivre en compound en Arabie Saouditel'expatriation en Arabie Saoudite

 

Et l’Arabie saoudite, est-ce un pays facile d’accès pour les expatriés ?

Je crois que les choses ont grandement évolué depuis que je suis partie en 2014. L’arrivée du prince héritier Mohammed Ben Salmane a accéléré beaucoup de changements, notamment au niveau du droit des femmes. Mais tout n’est pas rose pour autant, loin de là. Cela reste un pays ultra-conservateur, berceau du wahhabisme.

Au départ, j’ai eu du mal à accepter de ne pas avoir le droit de travailler. Je ne m’y suis pas résolue et j’ai cherché tous les moyens d’y arriver. Ça a été long et compliqué. Je voulais à tout prix travailler pour rencontrer des locaux, des Saoudiens et surtout des Saoudiennes. J’aspirais à sortir du monde des expatriés et pour la première fois, cela m’était presqu’interdit.

Dans ce pays, certainement le seul au monde où il y a une ségrégation des genres, ce n’est pas simple d’avoir accès aux femmes, même en étant une moi-même ! La sphère privée est vraiment fermée au monde extérieur. Or, c’est souvent là qu’on trouve les femmes.

A l’époque, il y avait peu d’espaces publics, et donc d’occasions de rencontrer des locaux. La réalité est certainement différente à Jubail et à Riyad voire à Jeddah, mais j’ai vraiment trouvé difficile de faire connaissance avec les Saoudiennes et d’être réellement introduite dans leur quotidien. Cela m’a pris du temps de pouvoir nouer des liens et d’enfin me faire des amies en dehors du compound.

Qu’avez vous voulu raconter dans votre livre Intime Arabie ?

Vivre en compound en Arabie Saoudite

J’ai voulu témoigner de mon expérience du compound et de l’Arabie, et surtout parler des femmes, qu’elles soient expatriées ou Saoudiennes.

Je trouvais intéressant de faire un parallèle entre nos vies, « cloitrées » dans un camp, et les leurs, peut-être moins « cloitrées » qu’on ne le croit. Les Saoudiennes que j’ai pu rencontrer m’ont narré une réalité différente de celle qu’on leur imagine, un peu caricaturalement. Bien sûr, beaucoup d’aspects de leur vie sont révoltants, pour nous, Occidentaux, mais elles ne voyaient pas forcément les choses de la même façon, heureusement.

Dans Intime Arabie, je raconte donc la réalité de leur quotidien, sans emphase, juste comme elles le vivent, elles. C’était vraiment important pour moi de témoigner de leurs ressentis, de leurs tristesses et de leurs renoncements mais aussi de leurs rêves et de leurs espoirs.

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> Pour se procurer le livre «Intime Arabie» de Laetitia Klotz aux Éditions Transboréal, 2020 (13,90€)

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