Départ pour une durée indéterminée – récit d’une famille toujours séparée par le Covid-19

Un-depart-pour-une-dureee-indeterminee-UNE FXP - 559x520En ce début avril 2020, tout se précipite pour Alice et ses trois enfants. Expatriés en famille au Maroc, l’entreprise de son époux décide de les rapatrier en France pour raison sanitaire. Les voilà qui doivent se séparer et appréhender le célibat géographique. Lui restera seul sur place, le temps que la situation s’améliore. En décollant, Alice réalise qu’il s’agit d’un départ pour une durée indéterminée…

Depuis, ils doivent gérer la distance et l’incertitude. Et les mêmes questions continuent de se poser : quand pourrons-ils  se retrouver ? Doivent-ils rentrer au Maroc ?  Retour sur un parcours que de nombreuses familles expatriées vivent depuis l’émergence de l’épidémie de Covid-19.

Lundi 2 mars 2020, nous suivons les événements avec un certain détachement et nous nous sentons épargnés.

Nous reprenons notre rythme après quinze jours de vacances dans le Sud du Maroc. Pour nous, comme pour beaucoup d’expat’ les vacances dans le pays d’installation sont synonymes de belles découvertes sans effort logistique. Nous sommes zens.

Alors que papa, reprend la route du bureau, mamy et papy ont partagé notre deuxième partie des vacances et jouent les prolongations. Eux sont sous tension avec la crise sanitaire mondiale qui gonfle et qui monopolise l’actualité. Ils sont en veille et connectés aux journaux télévisés car ils sont stressés à l’idée de ne pas pouvoir rentrer en France le 9 mars, date de leur vol retour.

Nous relativisons et nous moquons de leur hyper vigilance sur le sujet. Nous suivons les événements avec un certain détachement et nous nous sentons épargnés.

Mais ce 2 mars, le Maroc enregistre son premier cas. Puis c’est l’emballement, plutôt côté angoisse collective que statistique.

Le vendredi 13 mars, sept cas enregistrés, lorsque je dépose les enfants à l’école les rumeurs enflent.

Nos trois enfants rentreront de l’école le soir avec tous leurs livres et manuels scolaires. Durant le week-end, le confinement est confirmé dès le lundi 16 mars. Ouf les grand-parents sont partis juste à temps. Ce 16 mars, le Maroc enregistre 29 cas, peu au regard de la situation d’autres pays dans le monde.

Comme beaucoup de famille à travers le monde, nous tentons de mettre en place un rythme entre l’école à distance et le télétravail pour moi. Nous sommes tous très motivés, positifs et recherchons des sources d’occupations distrayantes mais pédagogiques.

Après quelques jours de rodage, le papa est lui aussi invité à rejoindre l’aventure du télétravail. Nouvelle nécessité de repenser l’organisation. Il monopolise naturellement l’espace, surtout mon bureau … grrr.

Très vite, de nouveaux bruits arrivent depuis l’entreprise de mon mari.

Pour des raisons de sécurité, les familles de certaines régions du monde seraient rapatriées. Compte-tenu de la situation maîtrisée au Maroc, nous ne nous sentons pas particulièrement concernés et nous poursuivons nos tentatives de calage à cinq.

Finalement, la télé, la console et les réseaux sociaux se sont imposés dans notre quotidien : zéro culpabilité si nous voulons télé-travailler avec un chouia de concentration.

Mais fin mars, nous sommes invités à rejoindre la France.

Dans un premier temps c’est la surprise et nous concentrons notre énergie pour interpréter la règle publiée par l’entreprise de mon mari pour nous permettre de nous y soustraire. Tout cela semble manquer de rationnel mais en même temps comment savoir ? Y a t-il réellement urgence à rejoindre la France alors que la situation sanitaire explose là-bas ? Mais en même temps, si nous ne partons pas maintenant y aura t-il d’autres opportunités de rentrer notamment si la situation se dégradait subitement ? Et oui, peut-être que dans la stratosphère des décideurs des modélisations circulent et projettent une catastrophe au Maroc dans les prochains jours ?

Bref, nous sommes partagés, pour ne pas dire sceptiques, car ce départ rime surtout avec séparation de la famille, papa restera au Maroc.

Toutefois, comme le veut la procédure, nous prenons contact avec le consulat de France pour nous inscrire sur les listes de personnes à rapatrier, à quatre. Aucune visibilité sur un prochain départ…ouf cela nous donne du temps pour réfléchir aux alternatives.

Mais pas le temps car deux jours plus tard, tout s’accélère. Le consulat de France nous informe que nous sommes inscrits sur le vol de rapatriement du 2 avril.

Nous avons trois jours pour préparer notre départ.

Nous sommes partagés. Pour nous, à cet instant, ce départ manque de sens, c’est trop tôt. A cette date le Maroc enregistre moins de 700 cas alors qu’en France la situation est alarmante.

Comment expliquer aux enfants que nous quittons le Maroc pour notre sécurité alors que nous y laissons Papa ? Où aller ?

Nous n’avons pas de pied à terre en France et si nous respectons la quatorzaine recommandée, impossible d’atterrir chez les grands-parents. Nous sommes enfermés sans aucun contact depuis deux semaines et nous devons nous préparer à faire trois heures de bus et trois heures de vols avec des inconnus … beurk !

C’est un feu d’artifice de questions côté enfants.

Malgré tout, nous déroulons et nous nous activons. C’est un feu d’artifice de questions côté enfants. Questions auxquelles nous sommes en incapacité de répondre ! Nous entraînons donc trois boules de stress réticentes dans les préparatifs.

Que mettre dans la valise ? Combien de temps cela va durer ? Et si et si et si.

Nous remplissons les valises des affaires scolaires, de jouets et de vêtements pour passer quelques jours en France en attendant que la situation mondiale se stabilise.

Chacun à son niveau y met du sien.

Le consulat de France a accompagné et organisé ce vol de rapatriement avec autant d’attention et de proximité que les règles de prévention le lui permettaient. L’équipage d’Air France est heureux de voler dans ces circonstances particulières et les prises de parole du capitaine tout au long du vol sont nombreuses, drôles et bienveillantes.

Les équipes de l’entreprise de mon mari ont géré notre accueil à l’aéroport avec précision et attentions. Chacun à son niveau y met du sien. Nous atterrissons dans un aéroport vide et silencieux et rejoignons un hôtel sans âme ni service.

Nous avons hâte d’être au lendemain, de récupérer notre voiture de location et de rejoindre la province.

L’ambiance n’est pas festive, nous exécutons et passons les étapes.

J’ai loué une maison pour quinze jours histoire de protéger notre entourage.

Alors qu’au Maroc, nous sommes masqués depuis les premiers jours (et respectons les règles de confinement très strictes), nous avons le sentiment d’être en décalage.

Pour les enfants, l’incompréhension persiste et leurs petits esprits pragmatiques ne trouvent pas pertinents de se retrouver loin de papa. Ils suivent le bilan journalier des cas au Maroc avec attention.

Nous avons digitalisé notre relation familiale et avons instauré des réunions et apéros skype avec Papa. Nous tentons de maintenir de la proximité et nos rituels en famille malgré la distance et le contexte.

Les contacts avec papa se distancient

Toutefois, après la quatorzaine, nous rejoignons la maison des grands-parents. C’est là que les contacts avec papa se sont distanciés. Les enfants étaient engagés dans un environnement familial, comme en vacances et il n’était pas aisé d’imposer un ordinateur à table à la génération de baby boomers qui nous hébergeait !

Donc les instants skype ont été remplacés par des appels téléphoniques irréguliers et non groupés à papa. Bref, dur de maintenir les rituels familiaux.

Aussi, après plus de deux mois de cohabitation avec les grands-parents et étant donné le manque de visibilité sur notre « après », j’ai décidé de reprendre une location.

Il faut être astucieux pour redonner une place au papa avec la distance

Aujourd’hui, nous tentons de reprendre un rythme en famille à quatre mais force est de constater qu’il faut être astucieux pour redonner une place au papa avec la distance.

Nous sommes agiles : OK mais le fait de faire reposer la logistique familiale sur une seule personne consomme de l’énergie … et de la patience.

Nous sommes irrités. A fin juin, nous n’avons aucun projet de vacances dans le pipe, nous sommes remplis d’incertitudes. Nous avons juste envie de nous retrouver, à cinq, et de reprendre notre souffle peu importe le lieu.

Toujours le même flot de questions

Quand pourrons-nous être en vacances tous les 5 ? Devons-nous rentrer au Maroc ?

Et si jamais nous restons en France, avons-nous encore assez de jus pour organiser un déménagement et pour gérer toutes les démarches (écoles, logements, papiers…) qui entourent ce changement en un temps record ? Comment sera notre vie si jamais nous restons séparés pour une période plus longue ? Combien de temps cela va durer ?

Ce sont toutes les questions qui nous agitent actuellement.

Nous avons envie de poursuivre notre expatriation en famille, parce que le Maroc semble avoir démontré sa capacité à maîtriser la situation sanitaire et sans doute un peu par paresse. Nous rêvons de retrouver nos petites affaires, nos amis expats et nos agréables habitudes en famille même si ce sera dans un monde d’après à réinventer avec prudence…maintenant nous attendons d’y voir plus clair sur la situation avec la société de mon mari pour prendre cette décision si impactante sur nos vies…

Nous attendons aussi et surtout avec impatience la réouverture des vols pour qu’on puisse enfin se retrouver tous ensemble.

Alice, expatriée au Maroc – bloquée en France par le Covid-19.

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