#Je-ne-suis-pas-un-virus – Quand les expats subissent le racisme anti-étranger

Expatriée en famille à Hyderabad (Sud de l’Inde) depuis 2017, Claire observe depuis quelques semaines l’émergence grandissante du racisme anti-étranger.

Elle nous décrit comment elle subit le « délit de facies » de la part des Indiens et comment elle doit affronter les remarques désobligeantes sur nos pays quant à leur mode de gestion du coronavirus… 

Elle nous confie devoir prendre sur elle. Heureusement, nous dit-elle : le confinement a apaisé cette sensation puisque plus personne ne peut sortir. Un pseudo-soulagement.

 

Je me suis tout de suite beaucoup plu en Inde

Il y a deux ans, lors que nous sommes arrivés en Inde avec mon mari et mes trois enfants, je suis tombée sous le charme. Chaque jour apportant son lot de découvertes et de situations étonnantes.

Les Indiens sont pour la majorité très accueillants. Et nous, les étrangers, sommes particulièrement la cible de leurs regards insistants liés à leur étonnement et leur curiosité.

 

L’état du Telangana étant très peu touristique, les étrangers sont rares et les regards d’autant plus nombreux.

Il n’est pas rare qu’on nous arrête pour demander à être pris en photo. Ils adorent aussi nous poser des questions personnelles, voire très personnelles : de quel pays venons-nous ? Quelle est notre religion ? Sommes-nous mariés ?  Nous nous prêtons très souvent au jeu et répondons à leurs questions quelque peu candides.

Nous vivons dans un compound : une communauté privée et sécurisée composée d’une soixantaine de villas gigantesques (300 m2 environs) et équipées de toutes les commodités (piscine, tennis, playground..).

La communauté est majoritairement composée de riches familles indiennes, mais aussi de quelques familles expatriées comme nous (coréennes, américaines  et 6 familles françaises).

 

Depuis mars, avec la crainte du coronavirus, tout a beaucoup changé

Les Indiens ont immédiatement pris très au sérieux le coronavirus et ont rapidement commencé à avoir peur. Les « fake news » n’ont pas aidé à calmer les choses. Et même les gens dits « éduqués » relaient ce genre de fausse information.

 

Dans la rue, les regards ont rapidement changé

Ils sont devenus beaucoup plus suspicieux et agressifs. Personne ne nous approchait plus pour nous parler, et au contraire les gens se couvraient la bouche et le nez avec leurs écharpes dès qu’ils nous apercevaient.

Je me souviens d’une fois où je me suis rendue à l’hôpital (les médecins ne consultent que dans les hôpitaux ici) avec deux de mes enfants qui faisaient une allergie au pollen. Ils avaient donc le nez un peu pris.

Cherchant a bien faire, je les avais équipés d’un masque afin de rassurer les gens que nous croiserions. A peine arrivés près des ascenseurs, un de mes fils a éternué : tous les gens se sont affolés et ont reculé en se cachant derrière leur dupattas et leurs foulards. Au moins nous avons eu de la place dans l’ascenseur …

Arrivés à la réception du service pédiatrique, il faut habituellement jouer des coudes pour accéder au comptoir et pouvoir payer la consultation (on paye avant la consultation ici). Cette fois-ci pas de problème : dès que les gens nous ont vus,  ils se sont écartés de notre chemin. Ça a été très rapide pour une fois.

Autre anecdote : arrivée au rayon pâtes d’un supermarché, alors que je faisais mon choix (éh oui ici on a encore des pâtes, mais plus du tout de riz ou de lentilles !), une femme s’est soudainement rendue compte que je me trouvais à côté d’elle et s’est enfuie en poussant un cri.

 

Au début cela prêtait à sourire. On se réjouissait presque de ne plus avoir à physiquement s’imposer aux caisses, aux ATM …

Mais passés les premiers jours l’ambiance est devenue de plus en plus pesante.

Quand je montais dans notre voiture (nous avons une voiture avec chauffeur comme beaucoup d’expatriés. Ici, les règles de conduite sont assez particulières – sans compter les animaux sur la route), je ne pouvais plus ignorer les regards noirs lancés par les drivers de rickshaw. J’en venais même à mettre des pare soleil pour me cacher un peu.

Nous avons donc commencé à moins sortir ou tout du moins à plusieurs. Et surtout à limiter les sorties dans les coins pittoresques d’Hyderabad, où les personnes sont moins habitués à voir des étrangers.

 

Au sein de notre communauté, les résidents communiquent via un groupe Whatsapp

Or, sur ce même groupe nous avons  été inondés d’informations sur des remèdes soit disant éprouvés souvent étonnants (porter des chaussettes protègerait du coronavirus par exemple, de même que boire une gorgée d’eau toutes les 15mn) et de fake news.

Pour info, les résidents de notre communauté sont considérés comme étant des gens de la haute société et donc, de ce fait : « éduqués ».

 

A qui transmet l’information la plus effrayante

C’est ainsi que tour à tour, ils ont indiqué que :

  • l’Inde fermait ses plages en nous transmettant un arrêté pris par l’état de… Californie !
  • le confinement était ordonné en transmettant un arrêté de… Malaisie.
  • mais aussi que l’Inde avait trouvé un vaccin contre le coronavirus, etc.

 

Les mesures prises par l’Inde

Le pays a commencé à imposer une quarantaine et un suivi des personnes venant de l’étrangerPuis elle a fermé ses frontières, ses écoles et les lieux de rassemblement, etc…

Dans notre communauté cela s’est rapidement suivi de mesures telles que la fermeture de toutes les commodités aux personnes ayant voyagé à l’étranger dans les 10 jours précédents.

Puis par une décision du comité (l’équivalent d’un syndicat de copropriété), ça a été le tour des commodités du compound et de la piscine. La fermeture de la piscine peut paraitre anecdotique, mais dans une région où l’été les températures dépassent les 45°C, c’en est presque vital. Et, il faut savoir que la piscine est majoritairement utilisée par nous : les étrangers, les Indiens ne se baignant pas et ayant peur de bronzer… (toujours cette histoire de couleur de peau claire pour être beau/ belle).

 

Ces précautions ont été créées dans un contexte de prévention : il faut à tout prix que le virus ne pénètre pas dans la communauté 

Cela peut donc sembler logique et cohérent.

Sauf que les familles indiennes ont toutes une à plusieurs maids, un jardinier, un dog walker, et souvent un chauffeur. Il est inimaginable pour des Indiens dit « supérieurs » de s’occuper eux même du ménage, de la cuisine, des lessives, du jardin, ou de ramasser les crottes de leur chien…

 

Ce personnel de maison vit en dehors de la communauté dans des lieux proches de l’insalubrité, et surpeuplés

La logique de prévention aurait donc voulu aussi que des limites soient imposées quant aux entrées de personnes étrangères à la communauté.

Quand ce point a été soulevé (par un étranger), nous avons immédiatement reçu une fin de non-recevoir avec comme réponse : c’est un libre choix. A chacun de veiller sur ses intérêts personnels. Les personnels de maison peuvent donc aller et venir à leur guise.

A l’inverse, un couple d’expats attend son encore container de Chine. Il est pourtant arrivé en Inde depuis 3 semaines, validé par les douanes et en ordre de formalités. Pourtant, ce même comité a refusé que ce container provenant de Chine pénètre dans la communauté. Nos nouveaux voisins vivent donc dans une maison sans aucune de leurs affaires.

En revanche, les livreurs (nourriture, restaurant,  Amazon …) très utilisés en Inde (on peut se faire livrer pour tout, mais à chaque fois par une personne différentes) sont eux, toujours autorisés à pénétrer dans la communauté

 

Les Indiens versus les « étrangers »

Le comité a également demandé, à la demande de certains résidents, que toute personne ayant voyagé à l’étranger dans les 14 jours remplisse un formulaire.

Il faut savoir que ce genre d’informations est communiqué à chaque retour en Inde aux autorités indiennes.

  • A titre d’exemple, une amie revenue en Inde au 1er Mars a reçu la visite de la police pour vérifier si elle avait des symptômes. Et 27 jours après son retour, elle a 2 fois par jour la visite d’agent de police pour vérifier si elle est malade… Elle se demande quand ça finira par s’arrêter.
  • En revanche, mon mari revenu le 5 Mars de Thaïlande n’a jamais eu aucune visite.

Cette demande (obligatoire) du comité laissait entendre que ces personnes et leur famille se verraient confinées chez eux, sous surveillance des autres résidents (et bien entendu leurs maids et drivers interdits d’entrée).

Un « étranger » s’est insurgé contre ce point et a indiqué que ce fameux comité ne pouvait pas se substituer aux autorités locales.

 

Les réponses ont alors fusées.  Nous avons eu droit à  :

  • « vous n’avez pas de leçon à nous donner »;
  • « vous n’avez rien appris des autres pays qui ont échoué dans leur prévention » (nous avons bien compris qu’il s’agissait de la France qui venait de décréter le confinement);
  • « dans une villa en dehors de la communauté vous imposerez vos propres lois ».

 

Toujours sur ce fameux groupe de discussion :

  • Certains résidents Indiens postent des commentaires se réjouissant que le nombre de cas de coronavirus augmente au Pakistan (ennemi juré de l’Inde).
  • Un autre exemple : lorsque l’Inde comptabilise les cas de coronavirus, ils comptabilisent les cas totaux en distinguant les cas d’Indiens et les cas d’étrangers. Heureusement pour nous, ce taux est pour l’instant inférieur à 10%.
  • Sans oublier, l’histoire d’une amie (mariée à un Indien et vivant en Inde depuis 10 ans). En voulant aider à organiser les files d’attente dans la supérette de sa communauté, une dame lui a demandé ce qu’elle faisait ici, vu que ce n’était pas son pays.

 

En revanche depuis que le confinement a été décrété nous nous sentons beaucoup plus en sécurité et apaisés

Au sein même de la communauté,  il y a beaucoup moins de tension. Et il semblerait que le comité cherche aussi l’apaisement puisque lors d’une récente réunion ils ont convié un résident Français et un Coréen.

La vie s’organise doucement, et dorénavant le groupe Whatsapp des résidents sert surtout à organiser des livraisons de poulet, de lait et de légumes.

 

Notre vie de confinement

Nous n’osons plus aller faire nos courses : les maris y vont 2 par 2 et le moins possible. Ils n’ont plus ressenti cet énervement qui existait avant le confinement.

Le point de vigilance reste l’eau potable. Habituellement nous avons des bonbonnes de 20 litres d’eau potable. Or, les usines les produisant étant fermées il ne nous est plus possible d’en obtenir. Heureusement, la ville fournit une eau filtrée (un petit filet d’eau) (que nous refiltrons ensuite dans nos cuisines). Et les Indiens résidents nous ont expliqué que faire bouillir cette eau la rendait potable.

Concernant l’approvisionnement, nous avons des vendeurs qui passent une fois par semaine pour vendre des fruits et légumes. Et nous y allons à tour de rôle. De même, des livreurs de lait viennent tous les jours (qu’il faut bien sur faire bouillir avant de le consommer).

Pour la viande, nous en mangeons peu en Inde en temps normal, ce pays étant majoritairement végétarien. Et nous préférons souvent prendre peu de risque :  la chaine du froid n’étant pas souvent respectée. Nous aurons surement la possibilité d’avoir un peu de poulet, mais cela restera restreint.

 

Nous nous sommes tous posé la question d’un rapatriement

Mais ici, nous avons encore la possibilité de marcher dans la rue de notre communauté. Nous avons à manger et à boire. Et depuis le confinement nous nous sentons à nouveau en sécurité.

 

Si le rapatriement s’organisait nous craignons qu’on nous demande d’aller jusqu’à Dehli

Il faudrait alors compter 16h de route (sur des routes très peu praticables). Et de nombreux chefs de village se sont arrogés le droit de bloquer les routes traversant leurs villages afin d’éviter que des étrangers (toute personne vivant en dehors du village) les traversent.

 

Cela compliquerait encore notre périple, et je le pense, nous mettrait vraiment en danger… Nous avons donc, pour l’instant, fait le choix de rester et nous restons confiants dans les mesures prises rapidement par les autorités pour juguler la crise.

 

Claire depuis Hyderabad

 

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