Salariée expatriée : bien négocier vos conditions de retour

Salariée expatriée : bien négocier vos conditions de retourDéjà trois années que vous avez quitté la grisaille parisienne pour une contrée plus exotique et hospitalière. Mise à disposition par votre employeur français auprès d’une filiale locale pour quelques années, vous arrivez bientôt au terme de votre mission. Et vous interrogez sur votre avenir professionnel au sein de la société.

Parfois même, vous envisagez de rester dans votre pays d’accueil en travaillant pour une entreprise locale ou projetez de rejoindre en France un autre employeur dans le même secteur que le votre.

Voici quelques informations clés qui vous permettront de vous poser les bonnes questions et de bien négocier ce nouveau départ.

La protection du salarié mis à disposition d’une filiale étrangère

Le législateur a, dès les années soixante-dix, consacré un droit au retour dans les groupes internationaux, aujourd’hui prévu à l’article L. 1231-5 du Code du travail. 

Son premier alinéa précise :

« Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein.

Depuis son adoption, cet article est au cœur de nombreux litiges entre employeurs et salariés dépêchés à l’étranger.

Il oblige en effet la société mère, non seulement à assurer le rapatriement de son salarié (déménagement, billets d’avions), mais également à lui procurer un nouvel emploi compatible avec ses précédentes fonctions, quand bien même il n’existerait pas ou plus de lien contractuel entre le salarié expatrié et la société d’origine. 

Cette obligation légale de reclassement est prévue par la plupart des politiques de mobilité des grands groupes internationaux et par certaines conventions collectives. Elle peut s’exercer auprès de la société d’origine comme dans d’autre sociétés du groupe. 

Lorsque l’heure du retour approche, il est donc important de relire ces documents ainsi que son ou ses contrat(s) de travail afin de connaître les obligations de chacune des parties.

Le calendrier n’est pas non plus à négliger. La démarche de l’employeur se doit en effet d’être rigoureuse afin que le salarié puisse anticiper les conditions de son retour et donner son consentement au nouveau poste qui lui est offert.

L’emploi proposé au salarié en vertu de l’article L. 1231-5 doit être compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère. 

Il arrive cependant que celle-ci propose un poste décevant au salarié sur le retour, sorte de « placard » doré qu’il a parfaitement le droit de refuser.

Si la société mère n’est alors pas en mesure de procéder au reclassement de son salarié expatrié, elle procède alors à son licenciement.

Ce cas de figure est prévu par le second alinéa de l’article précité : “si la société mère entend néanmoins licencier ce salarié, les dispositions du présent titre sont applicables. Le temps passé par le salarié au service de la filiale est alors pris en compte pour le calcul du préavis et de l’indemnité de licenciement”. 

La jurisprudence considère depuis longtemps que tout licenciement, y compris pour faute grave, impose le retour du salarié dans son pays d’origine. L’employeur doit en outre faire bénéficier son salarié expatrié des dispositions protectrices du Code du travail en matière de licenciement : indemnités, préavis de rupture, etc. 

Même si le salarié a effectué son travail à l’étranger dans le cadre d’un contrat soumis au droit local, le temps passé auprès de la filiale étrangère est pris en compte par la société mère pour calculer les indemnités de licenciement.

Il est cependant rare que l’employeur admette qu’il n’est pas en mesure de procéder au reclassement de son salarié et qu’il le licencie. Généralement, celui-ci est poussé au départ par l’inertie de la société mère qui traîne à préciser les conditions de retour.

 Négocier avec prudence les conditions d’un départ

Choc culturel inversé, accueil frileux des collègues, expérience à l’étranger mal valorisée… Il arrive en effet souvent que, au terme de sa mission, le salarié expatrié prenne la décision de quitter l’entreprise qui l’a envoyé à l’étranger. 

En moyenne, les salariés expatriés démissionneraient deux fois plus que les autres, pour en général partir à la concurrence. 

Quitter son employeur lorsqu’on est à l’autre bout du monde ne peut cependant se faire sur un coup de tête et nécessite un accompagnement spécifique. 

Il existe en effet plusieurs manières de rompre un contrat de travail de droit français, toutes n’offrant pas la même protection au salarié, notamment lorsqu’il est expatrié. 

La rupture conventionnelle est à privilégier

Elle permet aux deux parties de s’entendre sur les conséquences de la fin du contrat. Elle suppose que le contrat de travail français existe encore, même s’il est suspendu pendant la période d’expatriation.

Précédée d’un entretien, la convention de rupture prévoit la date de fin de contrat, fixe les différentes indemnités légales et peut, le cas échéant, lever une clause de non concurrence. 

Elle est ensuite homologuée par l’autorité administrative.

Si le salarié s’est vu proposer un poste de reclassement correspondant à ses compétences, il est en revanche peu probable que la société mère accepte de négocier une rupture amiable des relations contractuelles.

Dans ces conditions, il peut être tentant de démissionner afin de pouvoir rejoindre rapidement un nouvel employeur. 

Avant d’envoyer un tel courrier, le salarié expatrié doit s’assurer que la société mère accepte de prendre en charge ses frais de rapatriement (certaines politiques de mobilité de grandes entreprises le refusent – à tord) et que le délai de préavis sera respecté (en cas contraire le salarié en devra le paiement). 

En pareilles circonstances, demander l’assistance d’un avocat pour mener à bien les négociations sera un bon réflexe, notamment si la rupture du contrat est motivée par la faute de l’employeur.

Lorsque les conditions de reclassement ou la gestion du rapatriement de la société mère sont fautives, le salarié expatrié a alors intérêt à renoncer à démissionner pour prendre acte de la rupture de son contrat de travail.

Cette option n’est cependant pas sans risque puisque le Conseil des Prud’hommes est ensuite amené à se prononcer rapidement sur le bienfondé de la prise d’acte. Si celle-ci est jugée infondée, le salarié est alors condamné au paiement de sa période de préavis.

En cas contraire, le salarié bénéficie des conditions avantageuses d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec notamment le versement d’une indemnité de licenciement dont le montant sera proportionnel à son ancienneté dans l’entreprise, la période d’expatriation entrant dans le calcul. 

Se faire conseiller pour le retour aussi 

Les salariés expatriés ont de plus en plus le réflexe de consulter un avocat lorsqu’ils négocient les conditions de leur départ à l’étranger.

Ils négligent en revanche souvent de se faire assister lorsque s’enclenche le processus de retour. 

Anticiper les modalités du transfert vers la société mère permet pourtant d’éviter les mauvaises surprises : obligation de reclassement non respectée, salarié poussé à la démission pour éviter un licenciement coûteux, refus de prise en charge les frais de rapatriement du salarié démissionnaire… 

Autant de circonstances qui nécessitent un accompagnement et les conseils d’un avocat compétent en droit de l’expatriation.

 Par Blandine Gardey de Soos
Blandine Gardey de Soos

Après 15 années dans la magistrature française, Blandine Gardey de Soos s’est installée en août 2016 en famille à Montréal. Devenue avocate au Barreau d’Angers, elle met au service de la communauté expatriée française dans le monde entier ses compétences en matière de droit français et international.

Pour contacter Blandine, rendez-vous sur sa page Facebook : @expatsvosdroits

Site internet : https://blandine-gardey-de-soos-avocate.fr/

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