Lyane Guillaume, 30 ans d’expatriation, 10 publications et un 8e roman né en Russie

lyane guillaume

Peut-être connaissez-vous déjà Lyane Guillaume. Nous avions eu la chance de la rencontrer en 2017 lors du Salon virtuel du livre expatrié. A l’origine professeur de lettres, Lyane est également danseuse, femme de théâtre, journaliste mais écrivaine avant tout et… multiexpat ! Elle a vécu plus de 30 ans à l’étranger : en Inde (9 ans sur deux séjours), en Russie (8 ans sur deux séjours), en Ukraine (4 ans), en Afghanistan (7 ans sur deux séjours) et en Ouzbékistan (4 ans). A l’occasion de la sortie de son 8e roman, nous avons voulu en savoir plus sur son parcours, son regard de serial expat, et bien sûr son dernier livre !

 

Un destin d’écrivaine expatriée

 

Lyane Guillaume a fait des études de Lettres modernes complétées par une formation de danseuse et de comédienne. Avec le souhait, toujours présent, d’écrire. « Si j’étais restée en France, j’aurais sans doute écrit … mais tout autre chose que mes « fictions documentaires » (explications plus bas).

 

« Tout a démarré en 1979. Mon petit ami (devenu par la suite mon mari) est parti en Afghanistan en tant qu’archéologue pour y faire des fouilles. J’ai tenu à l’accompagner, un peu par curiosité et par goût du risque.  Autant vous dire qu’arriver à Kaboul 3 mois avant l’invasion soviétique, pour l’écrivain en herbe que j’étais, c’était se sentir au cœur de l’histoire – formidable ! C’est à partir de ce moment-là qu’est né mon désir d’écrire des romans ancrés dans un pays, une culture ». Lyane reste à Kaboul malgré les évènements, enseigne au lycée français et y commence une thèse. « J’ai aussi appris le persan et j’ai bien fait parce que je suis retournée en Afghanistan entre 2004 et 2007. Entre-temps, mon mari était devenu diplomate culturel ».

 

Lyane s’est réjouie de ces deux expatriations vécues dans un même pays, comme ce fut également le cas pour l’Inde et la Russie. « La deuxième expatriation est toujours plus passionnante et instructive. D’abord parce que l’on connaît les codes et que l’on s’adapte immédiatement et ensuite parce qu’on voit l’évolution du pays. Les deux livres que j’ai écrits sur l’Inde donnent un aperçu de deux périodes différentes. Pendant ma première expatriation, dans les années 80, l’Inde était encore un pays du Tiers monde. Pendant ma seconde, au début des années 90, elle était en train de devenir la grande puissance économique qu’elle est actuellement ».

 

Lyane et sa stratégie d’adaptation

 

On retrouve chez Lyane cette sagesse nécessaire aux serial expats : « Mon destin a été d’accompagner mon mari. J’ai choisi de m’adapter : en apprenant la langue, en essayant de comprendre le pays et en ayant des activités en rapport avec celui-ci. C’est l’envie de partager mes découvertes qui, chaque fois, a donné vie à une fiction documentaire ». Ce néologisme de Lyane peut paraitre contradictoire puisque fiction signifie imaginaire et que documentaire suggère la fidélité au réel. « Tout en conservant le schéma d’un roman traditionnel avec une intrigue et même du suspense, mes livres intègrent chaque fois une dimension historique et sociologique qui permet de comprendre le pays en profondeur loin des idées reçues ».

 

En Inde, Lyane fait sérieusement de la danse indienne et donne même des spectacles. Lors de son 2e séjour, elle vit dans un village d’intouchables (les Mahars) pendant 3 semaines. Cette capacité à s’immerger dans son pays d’adoption lui inspirera deux romans. Le premier, « Jahanara » (Stock, 1989), sur une princesse musulmane de la dynastie indienne des grands Mogholes ayant régné au 17e siècle dans un esprit de tolérance et d’amour des arts. Le second « Fière et intouchable » (JC. Lattès, 1996) est la saga d’une famille d’intouchables sur 4 générations à travers des femmes de 1915 à 1995.

 

Lyane explique son rôle et sa posture de témoin : « à chaque fois, je n’étais pas dans le pays en tant que « épouse de » mais en tant qu’écrivaine désireuse de faire découvrir tout un monde inconnu. Cela me permet de fournir aux lecteurs des informations sur le pays, en dehors des clichés. Ce qui m’intéresse, c’est d’apporter des éléments nouveaux, de compléter ou de corriger ce que l’on trouve partout dans les médias, ce qui demande un effort : apprendre la langue, aller à la rencontre des locaux et parcourir le pays. Nous expatriés avons un rôle très important à jouer pour témoigner. Parce que nous vivons et observons les choses de l’intérieur, au quotidien, et sur une longue durée (ce qui n’est pas le cas des journalistes qui souvent cherchent le scoop) nos points de vue sont plus nuancés et probablement plus objectifs ».

 

Un fil rouge : donner la parole aux femmes

 

C’est ainsi qu’en Ukraine Lyane recueille des témoignages de femmes et se livre à des interviews. Sa méthode : une documentation rigoureuse et un point de vue féminin. Des générations de femmes ukrainiennes ont souffert : de la création de l’URSS à sa chute, en passant par les purges staliniennes, les famines organisées, la promiscuité dans les Kommunalka (appartements communautaires), la Pérestroïka, Tchernobyl, l’indépendance de l’Ukraine, etc… « Les femmes qui se confiaient à moi me disaient : parle de nous, toi qui es romancière. C’est ce que j’ai fait ». « Les errantes » (Le Rocher, 2014) met en scène une mère et sa fille voulant fuir l’Ukraine au moment de la révolution orange (2004)

 

Ayant vécu par deux fois en Afghanistan, Lyane publie en 2008 une fiction documentaire intitulée « Laveuse de chiens » (JC. Lattès, 2008), témoignage très éclairant sur le statut des femmes dans ce pays. Ce livre n’a rien perdu de son actualité. Lyane y souligne le caractère ethnique de la société afghane et anticipe sur l’échec de l’aide internationale dans ce pays.

 

Dans sa fiction documentaire consacrée à l’Ouzbékistan, « Mille et un jours en Tartarie » (Le Rocher, 2017),Lyane a à cœur, comme dans tous ses livres, de lutter contre les lieux communs et de livrer des détails inédits. « Quand on pense à l’Ouzbékistan, on pense femmes voilées et kalachnikov alors que ce pays était très sûr lorsque j’y vivais. Le voile pour les femmes y est interdit grâce à la constitution soviétique dont a bénéficié l’Ouzbékistan. « Mille et un jours en Tartarie » est un récit à sept voix sur les femmes d’Ouzbékistan. C’est tout à la fois un livre d’histoires et un livre d’Histoire ».

 

Le dernier roman de Lyane : « Moi Tamara Karsavina, Vie et destin d’une étoile des Ballets russes » (Le Rocher, 2021)

 

« Ayant effectué deux expatriations en Russie, la première à St Pétersbourg puis Moscou à la fin des années 90 et la seconde ces trois dernières années, j’ai une connaissance approfondie du monde russe et je parle la langue. De plus, j’ai moi-même pratiqué la danse de longues années. Tamara Karsavina (1885-1978) a été aussi célèbre en son temps qu’Anna Pavlova, sa contemporaine et sa rivale. Peut-être parce que la Pavlova a un gâteau à son nom, elle est passée davantage à la postérité ! Karsavina a été l’étoile des ballets russes de Diaghilev de 1909 à 1929. Elle a connu tous les gens qui comptaient à son époque : Stravinski, Cocteau, Picasso, Coco Chanel et bien sûr Nijinski dont elle fut la partenaire favorite. Ce livre est également une page d’histoire puisque Tamara a vécu la révolution bolchévique, a fui son pays en 1918 pour ne plus jamais y revenir et a traversé deux guerres mondiales. Son frère, Lev, fut un grand historien et philosophe occulté en Russie pendant la période soviétique. J’ai rassemblé tous les documents possibles sur cette immense danseuse qu’était Tamara Karsavina. Mon livre est une véritable biographie que j’ai voulu rendre plus vivante en me glissant dans la peau de mon personnage et en essayant de le comprendre de l’intérieur. En tant qu’artiste mais aussi en tant que femme et Dieu sait si Tamara a eu une vie sentimentale compliquée ! Mon livre va être traduit en russe : une belle reconnaissance pour moi ! »

 

Lyane est aujourd’hui définitivement de retour à Paris mais elle n’en est pas moins pleine d’idées pour de futurs ouvrages. Elle vient même de découvrir qu’une romancière féministe a vécu dans son immeuble au tournant du 19e et du 20e siècle : Jane de la Vaudère est sa prochaine héroïne.

Propos recueillis par

Juliette Potin

Lyon, France
Française, expatriée aux USA, en Turquie et en Italie.

Langues de coaching : français, anglais

Coach professionnelle certifiée de la Coach Academy d’Expat Communication et praticienne PNL, Juliette a également été manager dans l’industrie pendant 14 ans. Elle est spécialisée dans l’accompagnement des conjoints, au départ et au retour d’expatriation, en individuel, en groupe, et avec le Job Booster Cocoon. Ainsi qu’à la préparation à l’expatriation et au retour. Sa passion : Faire de la fragilité une force, et de l’inconfort un moteur.

bouton Abonnement NL FXP- 350x150

FemmExpat vous recommande également : 

Rentrer pour mieux repartir – Une année particulière

Ecrire un livre en expatriation

2017 – Merci pour ce premier salon du livre virtuel des expatriés !

Autres articles dans la catégorie

  • Echangez avec d’autres expats !

  • Nos conférences en ligne

  • Podcast

  • Agenda

  • Rejoignez-nous sur Instagram !

  • Le guide de l'expatriation

    Tout ce qu'il faut savoir pour préparer sereinement son déménagement à l'étranger ! Conseils, check-lists, bonnes adresses!

    Notre site vous intéresse ?
    Ne partez pas sans vous inscrire à notre Newsletter !

    Chaque mardi, le mail qui prend soin des expats !
    Un boost de bonne humeur et de conseils.

    Rejoignez-nous !