Les défis psychologiques de la mobilité internationale

défi de l'expatriationQue vous soyez expatriés pour des raisons professionnelles, familiales ou bien plus personnelles – à la longue comme à court termes – il est important d’être sensibilisé aux particularités et aux risques de troubles psychologiques liés à la mobilité internationale. Etre informé c’est déjà s’en prémunir en partie et cela permet aussi d’attirer l’attention de son entourage sur ces sujets.

Quels sont les enjeux psychologiques de la mobilité internationale ?

La population en mobilité s’accroît chaque année. Ce sont essentiellement des familles qui partent pour l’étranger et pour des durées de séjour de plus en plus longues.

Ces mobilités représentent des enjeux humains pour les entreprises qui les gèrent. Vivre à l’étranger est une expérience humainement riche. Elle présente aussi de nombreux défis psychologiques.

L’expatriation implique des changements dans la majorité des sphères de la vie : familiale, sociale, professionnelle, et environnementale. Il faut quitter et reconstruire. Les remaniements psychologiques pour s’adapter nécessitent d’avoir des ressources psychiques importantes, une estime de soi stable, et une confiance dans ses propres capacités à résoudre des difficultés. Lorsque l’expatriation se fait en famille, la communication entre les différents membres, conjoints, parents et enfants, se doit d’être de bonne qualité.

L’expatriation soumet de manière accrue l’individu à de nombreux stress.

Une enquête* de la Direction des Français à l’Etranger (DFAE), indique clairement les principaux facteurs de stress de l’expatrié. En premiers arrivent les démarches administratives, les difficultés liées à la langue et à l’insertion dans la vie sociale. Puis ensuite viennent l’éloignement avec les proches et le manque de soutien social et affectif. Ces facteurs se corrèlent à des services de santé bien moins accessibles (non adaptés, éloignés ou inexistants) et des conditions sanitaires ou de sécurité parfois difficiles.

Les mécanismes biologiques et psychologiques du stress impliqués dans tout changement sont bien connus. Les sécrétions répétées et prolongées d’hormones telles que l’adrénaline, le cortisol ou même l’endorphine, visant à s’adapter aux nombreuses situations nouvelles, parfois complexes à gérer, peuvent toutefois conduire à une certaine fragilisation de l’équilibre tant individuel que familial. Les uns et les autres pouvant se sentir débordés dans la gestion de leurs aptitudes émotionnelle et psychologique.

Qu’entend-on par le « cycle de vie de l’expatriation » ?

Le stress commence avant le départ pour sa nouvelle vie à l’étranger, par la prise de décision que le projet implique pour soi ou sa famille. S’ensuit toute la préparation au départ. Cette phase de « pré-expatriation » s’accompagne d’un cortège de questionnements et d’incertitudes. Ceux-ci pouvant concerner les enfants, le conjoint qui va accompagner, et qui peut être va devoir quitter une situation professionnelle. Des tensions et des conflits peuvent apparaître. Il convient alors d’être vigilant aux réactions des uns et des autres face à ce projet. Il faut appréhender les pertes qu’il implique (amis, travail, liens familiaux de proximité…) et les capacités de chacun à les gérer.

Le cycle de vie de l’expatriation

Une fois arrivé dans le pays, le cycle de vie de l’expatriation est un schéma bien connu. Ses différentes phases sont classiquement vécues par tout expatrié. Pour la majorité des cas, chacun construit de nouveaux repères acceptables et satisfaisants, permettant de préserver son équilibre et de s’épanouir.

La phase du choc culturel est psychologiquement la plus sensible. Elle arrive environ au 3ème mois de l’installation. En effet, dans les premiers temps, pendant la phase de « lune de miel », consacrée à l’installation, les personnes sont dans l’euphorie de la découverte et l’action. Cette phase passée, Oberg* décrit la phase du « choc culturel » : « les différences sont plus difficilement vécues, chacun réalise ce que va être son quotidien, les manques de repères habituels apparaissent. »

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A cette phase, la personne peut ressentir une fatigabilité importante, une perte de confiance et des doutes sur le projet. Les réactions anxieuses peuvent se manifester (troubles du sommeil, irritabilité, difficulté de concentration). Ces manifestations pourront aller du simple inconfort psychologique qui passera pour laisser place à l’adaptation, à une réelle déstabilisation qui peut conduire à la remise en question du projet.

Enfin le retour au pays d’origine est une phase qui reste sensible dans 70% des cas. En 1616, René Descartes, philosophe et mathématicien français écrivait : « Lorsqu’on emploie trop de temps à voyager, on devient enfin étranger en son pays».

L’expatriation fait vivre l’inhabituel, le hors du commun, la différence, tant au niveau humain que professionnel

Réintégrer une place de quidam dans son pays et son entreprise est difficile. Cette expérience de vie n’est pas toujours écoutée, reconnue ou valorisée. Cela peut être le cas auprès de ceux que l’on retrouve, amis et proches,mais aussi auprès de collègues et responsables.
Les entreprises perçoivent aujourd’hui cette perte de collaborateurs au retour. Elles prennent désormais conscience des améliorations à apporter pour accompagner ce dit retour.

Les personnes en mobilité souffrent-elles de troubles psychologiques différents des autres ?logo eutelmed

Les troubles psychologiques ressentis par ceux qui vivent en mobilité ne sont pas différents du reste de la population. Mais leur repérage se fait plus tardivement du fait de facteurs de risques spécifiques. Éloignement, isolement et difficulté à trouver sur place un soutien adapté et dans sa langue sont des freins importants pour accéder à l’aide psychologique dont on pourrait bénéficier dans son pays d’origine.

Évoquons aussi le rôle des représentations. Les expatriations pour raisons professionnelles sont chargées de représentations liées à la performance et à un niveau d’exigence élevé. Ces représentations se retrouvent tant chez les expatriés de grands groupes internationaux que d’organisations humanitaires. On les retrouvent aussi chez les jeunes de grandes écoles partant faire leur stage à l’étranger. La vision largement partagée est celle d’une opportunité, engendrant des coûts et investissements importants. Il est difficile dans ce contexte de dire que l’on a un problème. Cela est assimilé à un constat d’échec ou un aveu de faiblesse.

Donnons l’exemple de ce manager parti en Russie pour de longs mois. Séparé de sa famille, il avait la responsabilité de la mise en place d’une plateforme industrielle en milieu très isolé. Après 6 mois d’une charge de travail intense, de délais serrés, d’une gestion d’équipe interculturelle avec des tensions et un management à distance, ayant peu de moyens d’évacuer les tensions, on voit apparaître des troubles du sommeil, un comportement plus agressif envers ses collaborateurs et pour « tenir », une consommation de somnifères et d’alcool sans en parler avec qui que ce soit.

Les troubles que nous traitons le plus souvent demeurent à ce jour les troubles anxieux, dépressifs, burn-out, et conduites addictives (alcool, drogue, médicaments) mais aussi des syndromes de stress post-traumatiques suite à des situations graves (agressions, catastrophes, accidents, kidnapping…).

Peut-on soigner à distance ? Comment ?

Les réglementations internationales en matière de télémédecine représentent une avancée incontestable en matière d’accompagnement que l’on peut apporter à ceux qui n’en disposent pas sur place, dans leur langue.

C’est sur ce socle qu’Eutelmed a construit ses dispositifs d’accompagnement à distance pour les personnes en mobilité. Quotidiennement des expatriés consultent par vidéo les psychologues et psychiatres qui couvrent 16 langues et cultures d’origine. Tous les thérapeutes ont eux-mêmes vécu la mobilité. Ilsont été recrutés selon une procédure rigoureuse et formés à la consultation à distance.

Peut-on faire de la prévention des risques psychologiques pour les expatriés ? Comment ?

Il est particulièrement important que les différents partenaires de la prévention, Ressources Humaines, Responsables Sécurité et Environnement, Médecins des entreprises et Managers puissent être sensibilisés et formés à ces particularités psychologiques de l’expatriation. L’évaluation, la détection avant le départ de difficultés existantes ou naissantes, permet de s’assurer que l’équilibre personnel et professionnel des individus est préservé. Mais c’est également le cas au retour d’expatriation.

*La Direction des Français de l’Etranger et des Etrangers en France (DFAE) a publié le 18 juillet 2010 les résultats de l’enquête sur l’expatriation des Français réalisée en 2010 auprès d’un échantillon de 3357 Français expatriés et 981 candidats à l’expatriation
*Oberg K., Culture Shock: adjustment to new cultural Environnments. Practical Anthropoly, vol 7, 1960

Christel Chaudot

Chrystel Chaudot – Directrice associée d’Eutelmed
Prévention des risques psychosociaux

logo eutelmed

28 rue d’Aboukir
75002 Paris
Tel : 01 40 26 07 32

Ce texte est un publi-rédactionnel

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