S’engager en politique en vivant à l’étranger : témoignage et explications

Faire de la politique en vivant à l’étranger. Voilà une idée saugrenue ! On ne part pas à l’étranger pour se faire élire ! Lorsque l’on arrive à l’étranger, on est déjà tellement submergé par sa propre installation qu’il est illusoire de songer à s’occuper des autres. Pourtant, certains consacrent des efforts importants à leurs activités politiques. Comment s’engager ? Quels sont les réseaux ? Témoignages et explications.

Politiques à l’étranger : pourquoi et comment font-ils ?

Soulignons que ces parcours sont assez rares. La grande majorité des Français de l’étranger reste à distance de leurs institutions qui sont supposées les fédérer et les aider à s’intégrer. Pourtant, avec le temps, on se fait un réseau. On est souvent accueilli par des associations dont les plus importantes sont la FIAFE, l’UFE et Français du Monde-ADFE. Parfois, rapidement, on passe du rôle d’accueilli à celui d’accueillant et en s’investissant, on trouve sa place. Et quand on se lance, de fil en aiguille, en s’occupant des autres, on en vient à porter leurs besoins, à identifier ce qui devrait être changé, à s’impliquer pour améliorer la situation. Et puis, si l’équipe avec laquelle on s’investit correspond à nos valeurs, si on y trouve du sens, il arrive de passer du statut de membre ou de militant à celui d’élu. Pour parfois rentrer dans le grand jeu. Comme le soulignait en 2017 Gaëlle Barré, conseiller consulaire pour Français du Monde :

Il y a vraiment beaucoup de choses à défendre pour les Français de l’étranger. On remarque les injustices et cela donne envie de s’impliquer.

Lou Batkoun faire de la politique

Cela peut aussi être le hasard des belles rencontres. A l’image de Lou Batkoun, une jeune Française de 23 ans qui s’est retrouvée en 2022 à la tête de la campagne législative de Franck Bondrille, aux USA. Arrivée en tant qu’assistante juridique en Floride dans la société américaine du conseiller consulaire, elle se retrouve rapidement à organiser sa campagne. Elle témoigne :

L’aventure politique commence, l’engrenage électoral se met en marche et me voilà en train de construire une stratégie de communication sur une circonscription aussi large qu’un continent. Les journées commencent à 6h et ne se terminent jamais vraiment. Branding du candidat, rédaction d’articles, contact permanent avec nos relais locaux, travail incommensurable sur les réseaux sociaux, rencontre avec les électeurs, réunions avec notre équipe de campagne, préparation de débats, recherches scientifiques et statistiques sur les besoins des Français de notre circonscription  : là est le travail fastidieux mais surtout classique d’une campagne législative. (…)

Finalement, lorsque l’on est expatrié, notre regard est toujours porté de l’autre côté de l’Atlantique. Et je pense que l’on ressent le besoin de se sentir inclus et écouté au sein de cette communauté française qui nous rassure. J’essaie de promouvoir cette appartenance à une identité commune par des stratégies de communication que je souhaite plus authentiques. Après tout, faire de la politique, c’est représenter nos électeurs et lorsque nous sommes à l’étranger, nous devenons une grande famille. 

Les conditions font réfléchir car leur statut n’est pas très attractif

Les débouchés ne sont pas nombreux. Pour 2,5 millions de Français de l’étranger, on compte 442 conseillers consulaires parmi lesquels 90 élus à l’Assemblée des Français de l’étranger. Au niveau national, les postes sont limités à 12 sénateurs et 11 députés. Une bonne nouvelle cependant : malgré de nombreuses tentatives, les parachutages réussis de politiques venus de métropole sont rares, et les Français de l’étranger favorisent les élus issus du terrain.

Evidemment, le statut de sénateur ou de député est privilégié. En termes financiers, logistiques et humains, ils ont des moyens importants pour exercer leur mission. Rappelons juste que cela exige de s’installer à Paris, alors que ces élus ont souvent construit leur vie à l’étranger.

Il en va autrement pour les conseillers consulaires, c’est-à-dire la plus grande partie des élus des Français de l’étranger. Comme les élus locaux des petites villes en France, ils sont bénévoles et bénéficient simplement d’une indemnité. Or cette enveloppe très limitée doit permettre des déplacements sur une zone qui couvre souvent plusieurs pays. Les conseillers se sentent du coup souvent démunis. Par ailleurs, contrairement aux élus de la métropole, s’ils sont salariés, leur statut d’élu n’est pas reconnu par leur employeur étranger. C’est donc sur leur temps de vacances qu’ils réaliseront leurs interventions au consulat ou qu’ils iront siéger deux semaines par an à l’Assemblée des Français de l’étranger. Voilà peut-être l’occasion de regarder autrement nos élus consulaires !

Alors pourquoi s’impliquer en politique à l’étranger ?

Les propos qui suivent vont peut-être surprendre dans un contexte où il est devenu habituel de se défier des politiques. La rencontre de nombreux élus de l’étranger souligne leur besoin de faire avancer une cause. C’est ce que l’on appelle aussi l’engagement citoyen. Le sentiment d’impuissance devant la difficulté à faire reconnaître les besoins des Français de l’étranger peut décourager. Cependant, il créé aussi une solidarité entre les élus de tous bord. Les jeux politiciens sont atténués sur ces sujets. Il est donc fréquent de voir des alliances entre partis pour tenter de faire avancer une problématique commune. 

Les élus remontent en effet souvent du terrain avec le même constat. En 2017 sur FemmExpat (Expat Value), Marc Villard, président de l’Assemblée des Français de l’étranger écrivait :

Vous êtes masochiste, vous avez du temps à perdre, vous ne craignez pas de vous fâcher avec vos voisins ? Alors devenez conseiller consulaire! Plus sérieusement, il faut avoir la fibre. C’est un poste passionnant. Mais une bonne expérience associative est nécessaire. Tout comme le fait d’être passé par une association représentative, voire un parti politique. Cela confère un statut qui permet d’être un peu plus entendu. Mais il faut avant tout avoir envie de rendre service à ses compatriotes, et ne pas attendre une juste rémunération de ses efforts.

Après des semaines épuisantes mais vraiment formatrices, Lou Batkoun résume son bilan :

Cela a été un parcours semé de belles rencontres ! Cette campagne législative m’a permis de sortir de mes propres sentiers battus orientés vers le monde de la sécurité vers ceux menant au cœur de l’activité politique et diplomatique française. J’ai rencontré des conseillers ministres à l’Ambassade de France à Washington, j’ai eu la chance de travailler avec Alex Braun (que le magazine Forbes avait appelé Campaign Magician) ou encore Petra Arsic, ancienne conseillère du Président slovène.

Faire de la politique à l’étranger : un engagement à taille humaine

Laissons à Lou Batkoun le mot de la fin :

Jeunes diplômées, jeunes femmes et femmes de tout horizon et de tout âge : Engagez-vous ! Il n’y a rien de plus beau que de nourrir le débat public qui est le socle de notre démocratie. Votre avis compte et chaque voix compte. L’expatriation repose aussi sur le besoin de nous retrouver entre français, francophones et européens. Le réseau des expatriés est à taille humaine dont l’écoute, la sympathie et l’amitié sont les maîtres mots et dont le sexe importe peu.

Vous envisagez de vous lancer en politique à l’étranger ?

Alors voici quelques conseils pour vous repérer.

  1. La politique demande de la patience. Comprendre les besoins du terrain et les acteurs du réseau requiert un long investissement.
  2. Il faut se faire connaître, faire des propositions, travailler, avoir un mentor. N’hésitez pas à vous impliquer dans plusieurs associations ou institutions afin de multiplier vos réseaux. UFE, Français du monde – ADFE, mais aussi Chambre commerce, Conseiller du Commerce extérieur, Alliance Française… l’ancrage permet d’être reconnu par ses pairs pour son travail de terrain et sa capacité à rassembler autour d’un projet.
  3. Saisir sa chance et la garder : le jour où la lumière tombe sur vous, ne pas hésiter. Puis savoir se défendre avec un savant mélange de consensus et de détermination. Et à long terme, rester motivé et convaincu face aux réalités du terrain. On y avance souvent bien doucement et au prix de grands combats.

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