Le coronavirus vu d’Athènes en Grèce

Le-coronavirus-vu-d-athenes-UNE femmexpat 559x520Après sept ans à Rabat au Maroc, Bénédicte rentre en France trois ans, avant de repartir en 2018 pour Athènes avec son mari et leurs trois filles. Elle partage avec FemmExpat la situation du coronavirus vu de Grèce.

Le réaction face au coronavirus en Grèce : humilité et pragmatisme

Contrairement à la France, où tout a changé d’un seul coup le 16 mars, le confinement en Grèce a été mis en place très tôt, mais de façon progressive.

Chaque jour apportait son lot de nouvelles restrictions. La plupart du temps avec une mise en application dès le lendemain. De quoi y perdre son latin – ou plutôt son grec – surtout quand on ne maîtrise que très partiellement la langue du pays !

Un élément a tout facilité pour moi : une boucle WhatsApp composée de femmes françaises ou francophones habitant à Athènes, les « Nanas d’Athènes ». Grâce à ce groupe, les informations ont circulé rapidement, le soutien et l’entraide ont été des réalités tangibles.

Je dédie d’ailleurs cet article à toutes les « Nanas » ! Vive la solidarité entre « FemmExpat» !

Petit retour sur les évènements :

26 février : 1er cas de Covid-19 en Grèce et dernières vacances

Avant même l’apparition du premier cas en Grèce, des mesures préventives avaient été prises, comme l’annulation du carnaval de Patras, 2e plus gros carnaval d’Europe après celui de Venise. Nous passons quelques jours en famille dans l’île de Rhodes, avec le sentiment diffus que c’est probablement notre dernier voyage avant bien longtemps.

11 mars (99 cas) : fermeture des écoles, crèches et universités

Le mardi 10 mars dans la soirée, nous apprenons que tous les établissements scolaires et para-scolaires seront fermés dès le lendemain. Le Lycée Franco-Hellénique d’Athènes où sont scolarisées deux de nos filles, était déjà fermé depuis deux jours : nous ne sommes donc pas surpris de cette mesure. Mais avec 99 cas, la Grèce ferme ses écoles avec beaucoup d’avance par rapport aux autres pays européens.

On comprend vite que c’est nécessaire : après une décennie de crise économique grave et de coupes drastiques dans les budgets de la santé, l’hôpital grec est exsangue, il manque de matériel, de locaux en état de fonctionner, et même de personnel (beaucoup de médecins, découragés par les conditions de travail en Grèce, sont partis exercer en Suède, au Canada ou en Australie).

Tout le monde a bien conscience que le système ne pourra pas faire face à un afflux de malades. D’ailleurs, l’Etat annonce le recrutement immédiat de 2.000 professionnels de santé supplémentaires et débloque des budgets pour le matériel.

Le gouvernement met le paquet sur la communication

Le soir du 11 mars, peu avant 22h, tous les téléphones portables du pays émettent une sonnerie assourdissante. Très effrayante, elle s’accompagne d’un message en grec et en anglais demandant à chacun de rester chez soi et de limiter les déplacements au maximum. Vraiment impressionnant !

Plus largement, le gouvernement met en place une communication très efficace : la campagne #MenoumeSpiti (Nous restons à la maison) est visible absolument partout. De plus, le gouvernement laisse le soin de la communication sur l’épidémie au directeur de son conseil scientifique qui, chaque soir à 18h, fait un point en direct à la télévision.

13 mars (190 cas, 1 mort) : fermeture des restaurants

La fermeture des restaurants, annoncée à 18h, est mise en application le soir même à minuit. La veille au soir, pour mon anniversaire, mon mari m’avait emmenée dîner. Nous en avions profité avec le sentiment que ce serait notre dernier restau avant bien longtemps… Nous ne savions pas à quel point nous avions raison !

C’est un coup dur pour les Grecs. L’économie du pays commence à peine à remonter la pente après plus d’une décennie de marasme. Or, même au cœur de la crise économique, les restaurants étaient parmi les seuls commerces qui fonctionnaient correctement : les Grecs sont habitués aux grandes tablées dans les tavernes, en famille ou entre amis.

Se retrouver au restaurant fait partie de l’art de vivre et de la convivialité du pays (et ce n’est pas forcément beaucoup plus cher que se nourrir chez soi). Alors la fermeture des restaurants, c’est dur, psychologiquement.

Une question est sur toutes les lèvres : « Comment va-t-on s’en sortir, cette fois » ?

14 mars (228 cas, 3 morts) : fermeture des hôtels

On s’en doutait, mais c’est maintenant officiel, nos vacances de Pâques tombent à l’eau : les hôtels et chambres d’hôtes sont fermés jusqu’au 30 avril. On commence à voir des files d’attente à l’extérieur des supermarchés, et la police doit intervenir à certains endroits pour éviter la foire d’empoigne.

Le gouvernement intervient pour rappeler qu’il n’y a pas de pénurie. Dans notre quartier ça reste calme et il n’y a pas d’étagères vides, ni au rayon pâtes, ni au rayon papier toilette. Il faut croire que notre voisinage n’a pas le réflexe du hamster. Tant mieux !

Sauvons les grands-parents !

Le dimanche 15 mats, nous retrouvons nos voisins à 21h, chacun sur son balcon, pour applaudir les personnels soignants.

Nos voisins ont le même âge que nous et deux jeunes enfants. Comme c’est le cas de très nombreuses familles grecques, les grands-parents habitent juste en-dessous. Mais pendant 14 jours, ils n’auront aucun contact avec eux et feront « confinement à part ».

Protéger les grands-parents est un moteur très important du respect des mesures par les Grecs. Ici, la famille élargie est au cœur de la culture et les grands-parents sont très présents dans l’éducation des enfants. Alors sauver « Papou » et « Yaya » est une priorité pour chacun.

18 mars (418 cas, 5 morts) : fermeture des commerce et mise en quarantaine des voyageurs

Les commerces non-alimentaires sont désormais fermés.

De plus, la Grèce impose aussi une quarantaine de 14 jours aux voyageurs entrants.

À l’atterrissage, vous êtes accueilli par la police et escortés jusqu’à un box en toile où l’on vous fait un test de dépistage du Covid-19. Puis vous partez en bus vers un hôtel du centre-ville, un seul adulte par chambre.  Là, vous restez cloîtré pendant 24h, un seul adulte par chambre, jusqu’au résultat du test.

  • S’il est négatif, un taxi mandaté par l’Etat vous emmène chez vous, où vous devez rester en quarantaine stricte pendant 14 jours.
  • Si le test est positif ou si vous n’avez pas d’adresse en Grèce, on vous emmène dans un autre hôtel, où vous resterez au minimum 14 jours. Rien n’est laissé au hasard.

23 mars (695 cas, 17 morts) : interdiction de circuler

Ça y est, pour nous aussi s’impose le confinement total et l’interdiction de circuler. Comme en France, il faut produire un laisser-passer pour sortir de chez nous.

Week-end des 18 et 19 avril (2.235 cas, 113 morts) : Pâques confinée

C’est la Pâques orthodoxe, la fête la plus importante de l’année pour les Grecs. Traditionnellement les habitants quittent les grandes villes pour se retrouver en famille élargie dans leur village d’origine, à la campagne ou dans les îles. Pour éviter cette transhumance, le gouvernement a émis des restrictions très strictes pour les déplacements, et les contrôles se multiplient. Il est par exemple interdit depuis plusieurs semaines d’embarquer sur un ferry vers une île si on n’y réside pas fiscalement.

Et la circulation automobile est interdite pendant ce weekend si particulier.

L’Etat est d’autant plus vigilant qu’au moment de l’annonce du confinement, de nombreux Grecs, mais aussi des Italiens et des Français, sont allés s’installer dans leurs résidences secondaires sur les îles, risquant ainsi d’y amener le virus, alors même que la plupart des îles offrent un accès aux soins très limité.

Par ailleurs, à l’issue de longues négociations, l’Eglise orthodoxe a finalement accepté qu’il n’y ait pas d’offices publics : la solennité pascale sera célébrée a posteriori, le 26 mai, si la situation le permet.

Pour l’heure, des offices en petit comité sont retransmis par internet, et les églises restent fermées pour éviter que les fidèles ne se transmettent le virus en embrassant les icônes.

Le samedi soir à minuit, nous sommes réveillés par des exclamations, des pétards, et même un immense feu d’artifice organisé par la mairie d’Athènes. Les habitants du voisinage sont sortis, qui sur sa terrasse, qui sur son balcon, pour fêter l’évènement le plus bruyamment possible… mais chacun chez soi.

Une courbe aplatie, mais après ?

La Grèce fait figure d’exemple en Europe et dans le monde. La fameuse « courbe du coronavirus » a été très tôt aplatie, et les capacités hospitalières du pays n’ont jamais été dépassées.

Au 30 avril, le Grèce comptait « seulement » 2591 cas et 140 morts

Les Grecs sont, à juste titre, très fiers de la gestion de l’épidémie pour l’instant dans leur pays. Le gouvernement bénéficie aujourd’hui d’un taux d’opinion favorable qui dépasse largement son électorat. Cela le met dans une excellente posture pour gérer la suite avec le soutien de la population.

Mais la suite sera dure, très dure ! Et si l’épidémiologiste chargé de la gestion du coronavirus en Grèce, Sotiris Tsiodras, a désormais la confiance pleine et entière des citoyens pour toutes les décisions d’ordre médical, les mesures économiques seront immanquablement plus polémiques.

Le gouvernement de Kyriakos Mytsotakis a mis en place un certain nombre de mesures d’aide d’urgence pour les particuliers et les entreprises (moins généreuses qu’en France, cependant). Mais le déconfinement progressif, à partir du 4 mai, n’empêchera pas la saison touristique d’être catastrophique. Or, avec environ 30 millions de visiteurs accueillis chaque année pour 11 millions d’habitants, le tourisme est de loin la première industrie du pays. L’inquiétude est immense.

Par ailleurs la question des camps de migrants reste entière

Si le cauchemar d’une hécatombe dans les camps semble pour l’instant avoir été évité grâce à des mesures encore plus drastiques qu’ailleurs, des milliers de personnes restent parquées dans des conditions inhumaines.

Le coronavirus a certes obligé à quelques avancées…

Par exemple, depuis le 1er avril, tous les demandeurs d’asile et immigrants présents sur le sol grec disposent d’un numéro de sécurité sociale grec, quel que soit leur statut. Plusieurs groupes de migrants mineurs non-accompagnés ont été transférés au cours du mois d’avril vers l’Allemagne et le Luxembourg, où ils ont été accueillis.

Mais il y a toujours, pour ne citer qu’un seul exemple, 20.000 personnes dans le camp de Moria sur l’île de Lesbos, d’une capacité de 2 800 places. Et l’Europe ne semble pas plus pressée qu’avant d’aider la Grèce sur ce sujet…

Il reste à espérer que la gestion exemplaire de la Grèce dans cette crise sanitaire la mettra en position d’obtenir un partenariat plus efficace avec les autres pays européens ; de façon à appréhender le moins mal possible la crise économique et la question migratoire.

En attendant, chacun continue de vivre au jour le jour, entre adaptation et solidarité. Quant à moi, je file finaliser ma commande de masques en tissu… cousus sur mesure par l’une des « Nanas » !

Bénédicte Parry (avec la relecture informée et perspicace de Sylvie Zikos)

Ecrivain, Bénédicte est l’auteur de la série de fantasy jeunesse Oniria.
Retrouvez ses écrits sur son site – dont
un article proposant des éléments pour mieux vivre la crise actuelle à la lumière des « cahiers de bord » écrits par son grand-père pendant la seconde guerre mondiale.

Découvrez ici d’autres témoignages d’expats confinés pour face à la crise du Coronavirus.

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