La vulnérabilité des femmes expatriées (2) – En termes de droit et patrimoine

Droit : de la vulnérabilité des femmes expatriées (2)Ou comment assurer l’égalité au sein du couple dans l’expatriation et sécuriser sa situation patrimoniale.

Nous sommes aujourd’hui plus de deux millions de français et de françaises à avoir quitté notre beau pays pour vivre l’aventure de l’expatriation.

Bien souvent, le conjoint suiveur est une femme qui fait le choix de suivre son âme sœur dans l’aventure de l’expatriation. Même s’il s’agit la plupart du temps d’un choix de couple, assumé par chacun de ses membres, il est indéniable que ce changement de vie emporte pour l’épouse/la partenaire/la concubine l’abandon d’un certain nombre de ses sécurités.

Comment donc accompagner ces femmes dans cette mutation ? Quels sont les outils juridiques qui permettent de préparer et de sécuriser leur nouvelle vie de femme expatriée?

Voici comment préparer au mieux ce nouveau départ !

 

SÉCURISER SA SITUATION PATRIMONIALE

Choisir son régime matrimonial

Outre le passage devant Monsieur le Maire, la protection de l’épouse « suiveuse » passe également par le choix d’un régime matrimonial adapté à l’expatriation.

En l’absence de choix

L’article 4 de la convention de la Haye du 14 mars 1978 prévoit qu’en l’absence de choix de loi, le régime matrimonial auquel se trouvent soumis les époux est celui la première résidence habituelle après le mariage. Cela peut réserver certaines surprises, notamment si le couple se marie en France juste avant de s’expatrier. A défaut de contrat de mariage préalable, il pensera alors avoir choisi le régime légal français alors qu’il se trouvera soumis au régime matrimonial de son premier pays d’accueil.  

L’article 6 de la convention, en permettant aux époux d’exprimer un choix explicite, apparaît alors comme l’outil idéal pour exclure cette loi non souhaitée.

Une situation qui peut fluctuer en fonction des pays

Si le couple n’a pas prévu de contrat de mariage ou élu la loi applicable, l’article 7 de cette convention prévoit également la mutabilité du régime matrimonial, par exemple quand une résidence habituelle a duré plus de 10 ans. En pareille circonstance, le couple qui s’expatrie pourra sans le savoir se trouver soumis à plusieurs régimes matrimoniaux successifs au gré des expatriations et retours au pays.

Pour l’épouse qui suit et souvent travaille peu ou pas, les biens acquis pendant cette période à l’étranger ne tomberont donc pas nécessairement dans la communauté (beaucoup de pays font de la séparation de bien le régime légal), de sorte que ses droits s’en trouveront réduits au moment de la liquidation en cas de décès ou de divorce.

Pour éviter de tels inconvénients, la protection de la femme passe par le choix d’un régime matrimonial ou par une déclaration d’option de la loi applicable (du pays de nationalité ou du pays de résidence).  

Privilégier les régimes communautaires

Dans ces deux cas les régimes communautaires, plus protecteurs du conjoint suiveur, seront à privilégier.

 

Prévoir sa succession

Depuis l’entrée en application du règlement européen du 4 juillet 2012, la loi applicable à la succession est celle de la dernière résidence habituelle du défunt. Ce critère détermine la loi applicable à l’ensemble des opérations successorales. Du fait du caractère universel du règlement, la loi applicable peut être celle d’un Etat partie au règlement (soit un des 25 Etats de l’Union européenne) ou d’un Etat tiers.

Ainsi, si le conjoint de nationalité française décède alors qu’il résidait habituellement en Espagne, membre de l’Union européenne, c’est la loi espagnole qui s’appliquera pour liquider la succession.

Si le couple vit dans un état non membre de l’UE, par exemple au Maroc, c’est la loi marocaine qui s’appliquera. Or, l’article 18 du Code de la condition civile des étrangers du Maroc prévoit que la succession mobilière et immobilière est soumise à la loi nationale du défunt, donc à la loi française.

Connaître les droits de votre pays d’accueil

A l’inverse, d’autres systèmes soumettent les successions à la loi du dernier domicile du défunt  (Argentine, Brésil, Chili, Colombie…). Il est donc important de connaître le droit successoral en vigueur dans le pays d’accueil pour connaître les droits éventuels du conjoint survivant.

Les règles mises en place par le règlement européen ne s’appliquent cependant qu’à défaut de choix par le défunt de la loi applicable à sa succession. Cette option est ouverte depuis le 17 août 2015. Et désormais, le testateur peut opter pour la loi du pays dont il a la nationalité, la loi de son lieu de résidence habituelle, ou loi du pays où il a la majorité de ses intérêts économiques et de ses biens.

Pour la femme expatriée que son conjoint souhaite protéger, l’option permet d’éviter l’application éventuelle de législations locales moins protectrices du conjoint survivant ou même de transmettre à l’épouse l’intégralité de son patrimoine si la loi nationale et/ou la loi du lieu de résidence le permettent.

Ne pas hésiter à se faire conseiller !

Quelle que soit l’option envisagée, il est vivement recommandé lorsqu’on se trouve dans une situation présentant un ou plusieurs éléments d’extranéité de se faire conseiller par un avocat ou un notaire.

En cas de décès entre époux

En droit successoral français, le statut d’épouse est incontestablement le plus protecteur. Si le défunt ne laisse que des enfants issus de son union avec son épouse, celle-ci pourra opter soit pour l’usufruit des biens du défunt (c’est-à-dire le droit d’utiliser les biens ou d’en percevoir les revenus), soit pour la propriété du quart. En présence d’enfant(s) issus d’un autre lit, la veuve ne pourra opter que pour la pleine propriété du quart des biens du défunt.

Les époux peuvent se consentir une donation au dernier vivant. Même si bon nombre de pays en dehors de l’Union européenne n’en reconnaissent pas la valeur, elle permet d’améliorer les droits des l’épouse survivante lorsque la loi française est applicable à la succession du défunt, et notamment d’augmenter ses droits en pleine propriété.

En cas de décès avec le PACS ou en concubinage

A l’inverse, le PACS n’accorde aucun droit successoral contrairement à d’autres partenariats étrangers (Allemagne, Belgique, Suède, Suisse ou Pays-Bas). Les partenaires liés par un PACS ne sont donc pas héritiers l’un de l’autre. Pour que le partenaire survivant hérite, il faut qu’il soit désigné dans le testament du partenaire lequel ne peut lui léguer plus que la quotité disponible.

Le même raisonnement doit être tenu pour un couple en concubinage dont les deux parties n’ont pas vocation à hériter l’un de l’autre. La rédaction d’un testament est donc nécessaire et là encore la libéralité est limitée à la quotité disponible.

Les concubins ne bénéficient en outre pas de l’avantage fiscal des pacsés et mariés, dont la fiscalité est nulle dans le cas de transmission entre eux.

Rédiger un document

Que l’on soit marié, pacsé ou en union libre, l’instrument le plus protecteur du conjoint expatrié demeure donc la rédaction d’un testament et/ou l’option successorale.

 

A retenir

Le droit européen et le droit international encadrent de manière précise la situation patrimoniale des couples expatriés. En avoir connaissance permet aux conjoints de faire des arbitrages qui pourront assurer la protection du plus vulnérable d’entre eux.

S’agissant du régime matrimonial, il est vivement recommandé de signer un contrat de mariage afin d’éviter la mutabilité automatique ou de souscrire une déclaration d’option de la loi applicable.

Le régime successoral applicable aux couples expatriés sera généralement la loi désignée par la règle de conflit de loi du pays où le défunt avait fixé sa résidence habituelle. S’il souhaite s’y soustraire, chaque conjoint pourra régulariser une déclaration d’option de loi successorale ou un testament.

En présence d’éléments d’extranéité, l’accompagnement par un professionnel du droit (avocat ou notaire) est indispensable.

 
Par Blandine Gardey de Soos

 

 

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Blandine, une ancienne magistrate devenue conseil juridique pour les expats

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