Mon contrat de mariage s’expatrie-t-il avec moi ?

mariage expatrié

Il est courant pour un couple ayant conclu un contrat de mariage en France, en raison du lieu de leur mariage ou de leur nationalité, de vivre à l’étranger. Lorsqu’ils divorcent ou décèdent à l’étranger, la question se pose alors de la reconnaissance de leur contrat de mariage français dans leur pays d’accueil. À l’inverse, il peut également arriver qu’un notaire, un juge ou un avocat français soit confronté au régime matrimonial d’époux ayant établi un  contrat de mariage à l’étranger, soulevant ainsi la question de la reconnaissance de ce « contrat de mariage étranger » en France.

Mon contrat de mariage français sera-t-il reconnu à l’étranger ?

La reconnaissance internationale des contrats de mariage français peut être compromise tant du point de vue de leur forme que des dispositions qu’ils renferment.

Les limites de forme des contrats français

Les contrats de mariage français ne bénéficient pas toujours de la reconnaissance escomptée dans les pays anglo-saxons en raison du formalisme particulier imposé aux « prenuptial agreements » :

  • Recours à des conseils indépendants : Les futurs époux doivent recevoir des conseils juridiques indépendants pour garantir leur consentement et l’équilibre du contrat. En France, seul le notaire conseille les deux époux, ce qui ne remplit pas cette exigence.
  • Divulgation du patrimoine : Les futurs époux doivent avoir une connaissance exhaustive du patrimoine et des revenus de l’autre au moment du mariage. Un état détaillé du patrimoine doit être inclus ou annexé à l’acte. Cette exigence n’est pas présente dans les contrats de droit français.
  • Délai de réflexion : Un délai d’au moins vingt-huit jours doit être respecté entre la signature du contrat et la célébration du mariage dans les pays anglo-saxons. Aucun délai minimum n’est requis en France.

Ainsi, un contrat de mariage français, qui ne répond pas à ces conditions de forme spécifiques, ne sera pas reconnu par les juridictions anglo-saxonnes.

De plus, même s’il est valable sur le plan formel, l’application de ses dispositions pourra être limitée par les juridictions et lois étrangères.

Les limites de fond des contrats français

La non-application du contrat de mariage contraire à l’équité. Même si le formalisme est respecté, un juge anglo-saxon peut écarter l’application d’un contrat de mariage français qui ne serait pas conforme aux principes de Common law d’équité et de juste équilibre de la convention, et entraînerait in concreto des conséquences injustes pour la partie économiquement la plus faible. Les régimes français conventionnels de communauté ou avec adjonction d’une société d’acquêts auront dans ces conditions plus de chances d’être reconnus qu’un strict régime de séparation de biens.

La non-application du contrat de mariage prévoyant certains avantages matrimoniaux. Un contrat de mariage français incluant certains avantages matrimoniaux au bénéficie du conjoint survivant (clause de préciput, attribution intégrale) sera également reçu de façon très incertaine par les ordres juridiques étrangers, notamment ceux dans lesquels une convention matrimoniale ne peut modifier l’ordre légal des successions et impacter la réserve héréditaire (ex. Roumanie).

Tout comme la reconnaissance du contrat de mariage français à l’échelle internationale n’est pas garantie, l’application en France du contrat de mariage conclu à l’étranger demeure incertaine.

Mon « contrat de mariage étranger » sera-t-il reconnu en France ?

A titre liminaire : l’objet des « contrats de mariage étranger ». Les contrats de mariage à travers le monde n’ont pas tous le même objet. En France, le contrat de mariage est un acte notarié, dressé le plus souvent avant le mariage, afin de fixer le régime matrimonial des époux. Certains pays ont toutefois une conception plus large du contrat de mariage, dans lequel il est possible d’anticiper les conséquences financières d’un éventuel divorce entre les époux (ex. Angleterre), ou à l’égard des enfants (ex. Ukraine), voire d’insérer des dispositions non-patrimoniales (ex. Californie).

Tant du point de vue de leur forme que de leur contenu, la reconnaissance des « contrats de mariage étrangers » en France peut être sujette à des limitations.

Les limites de forme des contrats étrangers

La non-reconnaissance d’une simple déclaration sans contrat écrit. Certains pays reconnaissent la possibilité pour les époux de choisir leur régime matrimonial lors de la célébration du mariage, sans formaliser ce choix dans un contrat écrit (ex. Mexique, Chili, Madagascar, Tunisie, Turquie, Pérou, Gabon, Mali, Roumanie ou encore Monaco). Cependant, en France, toute convention des époux concernant le choix de leur régime matrimonial doit être formulée par écrit, daté et signé des deux parties et une simple déclaration non signée des époux est insuffisante.

Un contrat valablement conclu à l’étranger selon la forme étrangère et qui satisfait a minima à ces exigences formelles sera quant à lui reconnu en France. Cependant, ses dispositions pourront faire l’objet d’une application limitée.

Les limites de fond des contrats étrangers

La reconnaissance limitée de la loi applicable au régime matrimonial. La liberté matrimoniale permet en principe aux époux de choisir une loi étrangère pour régir leurs rapports matrimoniaux. En France, ce choix est toutefois limitée et ne sera reconnu que s’il satisfait à certaines conditions :

  • Pour les mariages célébrés entre le 1er septembre 1992 et le 28 janvier 2019 : il est possible de choisir la loi nationale ou de la résidence habituelle d’un époux, la loi de la future première résidence habituelle d’un époux et pour les immeubles, la loi de situation des biens ;
  • Pour les mariages célébrés depuis le 29 janvier 2019 : le choix est limité à la loi de la résidence habituelle ou la nationalité de l’un des époux.

La reconnaissance sous condition des dispositions concernant les obligations alimentaires. Certains contrats de droit étranger, principalement d’origine anglo-saxonne, régissent les conséquences financières du divorce en prévoyant, par avance, les modalités de fixation ou de versement de la pension alimentaire ou prestation compensatoire. Si la loi étrangère où résident les époux le permet, ces aménagements pourront être reconnus en France. Cependant, ces choix seront limités, voire annulés en pratique, s’ils entraînent des conséquences manifestement inéquitables pour l’un des époux. Ce qui pourrait par exemple être le cas si les époux renoncent par avance à toute compensation financière en cas de divorce et se soumettent à une stricte séparation de biens.

Face aux incertitudes réciproques entourant la reconnaissance des contrats de mariage français à l’étranger et des « contrats étrangers » en France, il est vivement conseillé d’opter pour un « contrat de mariage international ».

Conseil : choisir un « contrat de mariage international »

Un ou deux contrats de mariage ?

Le cumul des contrats de mariage, l’un en France et l’autre à l’étranger, n’est pas recommandé. Il augmente les risques d’incohérence et peut entraîner la prévalence d’un contrat sur l’autre à la discrétion de la juridiction saisie ou remettre en question la validité du premier contrat rédigé. Dans un contexte international, il est donc recommandé d’opter pour un instrumentum hybride qui vise à garantir, tant sur le plan formel que sur le plan substantiel, une efficacité juridique en France et à l’étranger.

La forme du contrat de mariage international

Du point de vue de la forme, l’efficacité internationale du contrat de mariage exige de respecter simultanément le formalisme requis par les pays de Common law (conseils indépendants, divulgation du patrimoine et délai de réflexion) et de se conformer aux exigences des règlements européens (document écrit, daté et signé par les époux, voire un acte notarié lorsque cela est requis.)

Le contenu du contrat de mariage international

Outre la validité formelle, il convient également d’assurer l’efficacité du contenu du contrat sur le plan international.

En ce qui concerne le régime matrimonial, le « contrat de mariage international » ne doit pas se limiter à choisir une loi applicable et un régime matrimonial. Il doit expliquer en détail les dispositions du régime matrimonial quant à la composition des patrimoines, aux pouvoirs respectifs des époux, à leurs responsabilités et aux règles de liquidation. Ces explications préviennent d’éventuelles difficultés d’interprétation ultérieures et garantissent que les époux comprennent pleinement leur engagement.

Il est aussi essentiel de garantir l’efficacité du régime choisi en évitant les régimes complexes ou des clauses trop sophistiquées dont la reconnaissance dans les systèmes juridiques étrangers sera plus qu’incertaine.

De plus, il peut être utile de rappeler, de façon pédagogique, les dispositions du régime primaire impératif, c’est-à-dire les règles applicables à tous les couples mariés, indépendamment du régime matrimonial choisi.

En ce qui concerne les autres dispositions, les époux peuvent inclure à certaines conditions des dispositions régissant les conséquences financières du divorce. Cependant, ces compensations financières préétablies doivent être équitables et fixées en fonction de critères déterminés pour garantir leur reconnaissance dans de nombreux pays.

Le contrat de mariage peut également être utilisé pour anticiper les choix de la loi applicable à divers aspects de la séparation, tels que la loi régissant le divorce ou les obligations alimentaires, ainsi que les tribunaux compétents pour certaines de ces questions. La reconnaissance de ces choix à l’étranger devra être évaluée au cas par cas.

En conclusion…

Pour les Français expatriés, le « contrat de mariage international » peut devenir un outil de planification matrimoniale puissant. Il faudra toutefois réviser ce contrat à chaque étape majeure du mariage et consulter des avocats spécialisés pour garantir l’efficacité des dispositions existantes ou conclure, si nécessaire, un nouveau contrat.

Emmanuelle Bonboire-Barthelemy
Emmanuelle BONBOIRE-BARTHELEMY
Avocat of Counsel du cabinet CM&A
contact: e.bonboire-barthelemy@cm-associes.com
Téléphone : +33142682424
Elodie Mulon
Elodie MULON
Avocat associé du cabinet CM&A
Ancien membre du Conseil national des Barreaux
Ancien membre du Conseil de l’Ordre
Présidente de l’IDFP Présidente du CALIF
contact: e.mulon@cm-associes.com
Téléphone : +33142682424
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