Mon bébé qui ne naîtra pas : 29 semaines et des poussières d’étoiles

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 » Début mai 2013, alors que je suis expatriée avec ma famille dans un lointain pays d’Asie centrale, je découvre que je suis enceinte de mon troisième enfant.

Fin octobre 2013, c’est déjà fini. Je dois interrompre ma grossesse à la suite de la découverte de graves malformations fœtales.

Vingt-neuf semaines in utero, quelques minutes en tête à tête, le bracelet d’une maternité parisienne, une photo de mauvaise qualité : ce sont les minces souvenirs que je possède.

Pour qu’il reste autre chose qu’un parcours médical et que la relation prenne forme d’une autre manière, moi, la maman de cet enfant né sans vie, je n’ai pas eu d’autre choix que d’écrire notre brève histoire… « 

 

Ce témoignage est celui d’Aude Ceccarelli. Elle l’a couché sur papier dans l’ouvrage : “Vingt-neuf semaines et des poussières d’étoiles”, paru en mars 2019 aux éditions du Cherche Midi. Un récit poignant qui touche en plein cœur. Nous l’avons rencontrée. Confessions.

 

Pourquoi ce livre, sur un sujet si intime, si fort ?

Pour moi, il y a eu un besoin viscéral, comme une nécessité absolue d’écrire ce texte. J’ai voulu rendre hommage à mon enfant qui n’est pas né. Il ne s’agit pas d’écriture thérapeutique ou d’un journal intime, mais plutôt de témoignage littéraire. J’aborde la difficile question du deuil périnatal. Mais j’évoque aussi, tout au long du récit, la maternité, le voyage et l’expatriation par petites touches.

 

Vous utilisez plusieurs formes d’écriture, dont des dialogues imaginaires avec l’enfant qui n’est pas né, pouvez-vous nous en dire plus ?

Oui, à la narration classique, je mêle des monologues intérieurs, pensées, réflexions, échanges et courriers avec les médecins ainsi que des dialogues avec mon bébé. Je fais référence aux souvenirs heureux, aux naissances de mes deux autres enfants. Mais aussi à leurs expressions drôles pour entrer dans le propos de manière légère et imagée. Il me semblait important de partager des expériences positives liées à la parentalité et à la grossesse : le choix des prénoms, la joie, l’attente, la surprise et l’amour infini qui comble chaque femme lorsque l’enfant naît.

J’ai cherché à être très visuelle dans ce récit, avec une pointe d’humour quand cela était possible. Sensations, images colorées : mon histoire se déroule entre le Kazakhstan où j’habitais et Paris, d’où je suis originaire. Je décris aussi l’Inde, l’Italie, la Géorgie et la Méditerranée, comme des bulles de couleurs. Et parfois, comme vous le mentionnez, je m’adresse directement à mon bébé, nous dialoguons rien que tous les deux. Comme s’il était tout près de moi, dans une intimité qui nous unit.

 

L’expatriation et l’éloignement ont-ils été des sources d’inspiration pour votre écriture ?

J’ai toujours beaucoup écrit. Pas uniquement parce que je vivais loin de mon pays mais parce que j’aime ça : des lettres à mes grands-parents quand j’étais expatriée au Japon pendant mon adolescence, des récits variés et des textes éphémères. Entre 2007 et 2010 lorsque j’habitais à Bombay, je tenais un blog dans lequel je retraçais les aventures tragi-comiques d’une expatriée dans l’Inde contemporaine.

En 2017, après mon retour d’Asie centrale, j’ai publié un récit qui présente, sous forme ludique et légère les aspects les plus divers du Kazakhstan, un pays complètement méconnu.

« Vingt-neuf semaines et des poussières d’étoiles » est mon deuxième livre. Les faits que je mentionne tout au long de mon récit datent de 2013 lorsque j’habitais et travaillais à Almaty (au Kazakhstan) mais je l’ai écrit quelques années après mon retour.

 

Quand et comment avez-vous décidé d’écrire ce livre ? L’avez-vous rédigé d’une traite ou est-ce le fruit d’une longue réflexion ?

J’ai commencé à écrire ce texte par fragments en 2016. Je l’ai terminé en août 2017 à Paris. Je n’avais pas d’intention particulière de revenir sur ce moment douloureux de ma vie de femme et de maman, j’avais d’autres projets d’écriture en préparation.

Pourtant, les mots se sont présentés à moi, alors je les ai saisis. Une jolie phrase, une idée forte, je la notais comme si mon enfant me parlait. Ce texte m’est venu, sans que je ne demande rien. J’ai laissé faire. Ensuite, je réécrivais ces phrases et je déployais le récit. Puis j’ai assemblé et retravaillé chacun de ces fragments.

 

Vous utilisez dans le titre une jolie expression “Poussière d’étoiles”, pourquoi ?

Vingt-neuf semaines de grossesse et pas de bébé, suite à un choix crucial.

“Poussières d’étoiles” évoque pour moi l’idée immatérielle et poétique du lointain, de la dissolution, de l’absolu et de l’éternité, comme les étoiles qui brillent toujours…

J’ai trouvé cette métaphore pour faire comprendre à mes deux fils aînés pourquoi leur petit frère n’était là, en famille, parmi nous. Dire l’interruption médicale de grossesse aurait été trop brutal pour des enfants si jeunes. Voilà comment je leur présente l’absence du bébé (extrait tiré du livre) :

“Plus tard, ils comprendront. Plus tard. À ces questions, je réponds toujours de la même façon, avec des phrases simples, des gestes que j’ai mis au point et que tes frères reproduisent : ‘Le bébé était malade, les docteurs l’ont emporté, il est devenu poussière d’étoiles. Regarde, je te montre : tu poses un peu de poussière d’étoiles au creux de ta main. Voilà, comme ça. Tu vois comme elle brille ? Et ensuite, tu souffles et elle s’envole tout là-haut. Il est au ciel, David.’ Avec tes frères, ça marche, cette petite histoire”.

 

Pensez-vous que votre livre permettra aux parents ayant également vécu ce drame de se sentir moins isolés ?

Oui, mon idée était de poser des mots forts sur ce que j’ai ressenti, en espérant qu’ils fassent écho dans le cœur des parents qui ont comme moi, ont perdu un enfant, peu importe les causes (IVG, fausse couche, mort subite du nourrisson). Je pense que de nombreuses femmes pourront se reconnaître dans les petits détails intimes que je livre au fil du texte.

J’ai aussi mentionné sous forme de notes en bas de page, des informations légales et médicales, comme le protocole hospitalier en France, le contenu de la loi d’IVG de 1975, la possibilité d’obtenir un acte d’état civil de son enfant né sans vie (depuis 1993). Mon intention était d’aider des parents avec des éclairages précis.

Mais ce que j’espère surtout avec ce livre, c’est que d’autres parents puissent reconnaître leurs propres émotions. J’écris sur des situations vécues par tous : les phrases maladroites qu’on entend dans son entourage, la colère, la détresse immense et le vide que l’on ressent lorsque l’enfant n’est pas là ou plus là, les pourquoi sans réponse.

Après la douleur, il y a la reconstruction, possible, avec du temps et avec de la gratitude avec ce que l’on a déjà. C’est aussi le message que je voulais transmettre.

 

Vous avez vécu cette expérience lorsque vous étiez expatriée. Comment vit-on une grossesse loin de son pays d’origine ?

Cette question est très personnelle et dépend de chaque femme, mais aussi du pays où l’on vit, si on se sent à l’aise avec le système de santé.

Mes deux autres enfants sont nés en Italie et tout s’est bien passé. Même s’il y a des différences culturelles entre nos deux pays, lié à la maternité.

Dans le cas de ma troisième grossesse au Kazakhstan, des problèmes ont été décelés au cours de la seconde échographie morphologique. J’ai préféré faire des aller-retours avec la France pour être suivie.

 

Et aujourd’hui ? Après cette épreuve, quel avenir, quels projets ?

Je travaille sur d’autres textes. J’ai achevé un roman sur l’expatriation et les aéroports que je cherche à publier à compte d’éditeur. Je poursuis aussi l’écriture d’un récit sur la maladie d’Alzheimer. Le voyage et le mouvement restent le fil conducteur dans mon travail.

Après 15 années en marketing dans des grandes entreprises internationales, je me suis reconvertie : auteure et consultante en communication écrite. J’anime des ateliers d’écriture spontanée à Paris et je propose des accompagnements littéraires pour des personnes qui souhaitent aller au bout d’un texte. Aujourd’hui, je me suis autorisée à recentrer ma vie autour de l’écriture.

 

 Pour commander et lire les livres d’Aude Ceccarelli :

Vingt-neuf semaines et des poussières d’étoiles, édition Cherche Midi, 176 pages (mars 2019). – 17 €

Kazakhstan chroniques vagabondes, édition Olizane, 192 pages (avril 2017). – 15 € 

 

 

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Deuil en expatriation : lettre d’une maman expatriée

Mettre au monde un bébé loin de chez soi

 

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