Quand le retour fait mal

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Photo : Vero-Gambini

Jimena est un membre très actif de la Coach Academy d’Expat Communication. C’est aussi une expatriée qui traverse, comme nous toutes, les joies et les affres de la mobilité.

D’origine argentine, Jimena s’est installée avec sa famille au Québec il y a 15 ans. Coup de foudre avec le Canada dont elle prend la nationalité. Au bout de quelques années, elle s’envole pour le Brésil, puis pour la France. Huit ans après son départ, elle revient à Montréal.

Son « ancien chez elle » (qui n’est pas complètement chez elle puisqu’à la base elle est Argentine – vous suivez ?), redevient son « nouveau chez elle ». Mais pas tout à fait. Car son cœur reste un peu à Paris et à Sao Paulo…

Vous n’y compreniez rien ?

C’est normal puisqu’à la base pour Jimena non plus, ce n’est pas clair. C’est le thème de la réflexion qu’elle partage avec nous aujourd’hui.

Où se trouve mon « chez moi » ? Peut-on partir sans souffrir ? L’information peut-elle remplacer l’expérience ? Qu’apporte l’accompagnement pendant la transition ? Comme une sage-femme secouée par les douleurs de son propre accouchement, Jimena, l’expat coach, nous raconte son retour.

Le retour (ou l’histoire du cordonnier qui cherche à se chausser)

Je suis coach interculturel en retour d’expatriation. Les départs et les retours d’expat, j’en ai fait mon expertise… Pourtant aujourd’hui, je voudrais partager avec vous mon histoire de retour et ma vulnérabilité face à ce changement de situation.  

D’origine argentine, je suis arrivée au Canada pour la première fois il y plus de 15 ans. Je tombe tellement amoureuse du pays que je décide d’en prendre la nationalité et de m’y installer durablement avec ma famille. Des mutations professionnelles au Brésil et en France nous en éloignent quelques années. Me voilà aujourd’hui, de retour après 8 ans d’expatriation dans deux pays différents.

Dans ce retour, je savoure la retrouvaille des amitiés, des couleurs et des senteurs familières. C’est un bonheur. Mais il n’y a pas que la lune de miel dans la courbe des émotions du changement.

>> Lire aussi : Expatriation : quelles sont les étapes typiques du choc culturel ?

J’ai mal. Le retour me fait mal ! Alors quoi faire ?

Première étape : prise de conscience

Reconnaître que ça fait mal, que tout n’est pas parfait est le premier pas pour surmonter la frustration. Je suis sur le bon chemin ! En prendre conscience me soulage déjà un peu. Mais qu’est-ce qui me fait mal ? 

Dans mon entourage, le commentaire revient inlassablement. Et quand il n’est pas verbalisé, je le lis dans le regard de mon interlocuteur : « Comment ? Un retour ? Mais, tu es d’origine argentine. Tu ne rentres pas à Buenos Aires pourtant ». 

Comment expliquer la notion de « home », du « chez moi » à quelqu’un qui n’a pas vécu l’expatriation ?

Il ne s’agit pas seulement de rentrer là où mon téléphone reconnait le réseau wifi tout seul… 

Je fais appel à mon passé de juriste et j’explique que le Canada, c’est mon « chez moi d’adoption » et je l’aime autant que « mon chez moi de sang ».

Je peux aussi expliquer que je n’ai pas besoin d’avoir un seul chez moi, je peux avoir un chez moi argentin ET un canadien ET un brésilien ET un français. Sans compter, assurément d’autres encore à venir…

Et oui c’est la base de l’interculturel, on sort de la disjonction « ou » et on passe à la conjonction « et »

Me voilà donc à justifier de mon « retour »… mais cela ne résout pas pour autant mon problème : « Oui, rentrer au Canada est un retour. Et oui, ce retour fait mal « . 

Deuxième étape : nommer les émotions

Mais qu’est-ce-qui me fait mal ? Je ressens un manque d’adrénaline… Je souffre du manque de découvertes et d’étonnement constant… Bien sûr, je le savais. Et oui, je suis experte dans l’accompagnement de la transition. Donc, évidemment, je me suis préparée… Mais, malgré tout, oui, ça fait toujours mal.

Parfois l’énergie me manque, je me sens frustrée, fâchée. Tout est difficile à reprendre : mes espaces, ma routine, mon boulot, les projets. Mais surtout l’envie, ce moteur pour (re)démarrer encore une fois.

Bon, malgré tout, voilà une deuxième étape franchie ! J’ai réussi à nommer ce qui fait mal et cela m’aide à sortir de ma mauvaise humeur. Me voilà à gagner des points : je me mets à écrire et je partage mes « bobos » avec vous ! Good job !

Troisième étape : un plan d’action

Ok, j’ai pris conscience de mes émotions et je les ai nommées, identifiées. Est-ce tout ? Mais non !  Il me faut un plan d’action !

Car oui, des ressources j’en ai : sortir de la maison, reprendre le travail, reprendre une routine, m’occuper de moi, trouver mes espaces et mes activités, vivre le retour comme une nouvelle expatriation, trouver mes objectifs perso et pro … Et la liste continue …

Allez, je prend mon agenda tout de suite :

  • lundi : assister au Café d’accueil
  • mardi : m’inscrire à un nouveau cours pour me découvrir une nouvelle passion
  • mercredi : visiter le quartier
  • jeudi : repérer les associations professionnelles et prospecter des clients
  • vendredi : faire le bilan de ma semaine et poser des objectifs clairs

La fierté renaît : j’ai fait mes devoirs. Je sens que je reprends le dessus sur ce retour !!!

Dernière étape gagnante : se faire accompagner

Je connais les étapes. J’ai l’expérience personnelle et professionnelle des expatriations, c’est vrai… Mais pour bien vivre mon retour, je sais que cela n’est pas suffisant.

Comme un psy consulte un autre psy pour y voir clair, un médecin se fait ausculter par un confrère, je me fais moi-aussi accompagner. Et oui, pas envie de jouer la cordonnière mal chaussée.  

L’écoute active de mon coach m’aide à mieux vivre ce retour. C’est le privilège de créer cet espace de réflexion. D’avec elle, booster mon énergie, de concevoir mes objectifs, de faire mon plan d’action avec du recul, de me faire souligner mes angles morts. De profiter de moments « d’insights » privilégiés en ayant ces opportunités de réfléchir sur mes cultures et de comprendre les autres dans toute leur complexité.

« Ça fait moins mal »

Aujourd’hui, les semaines ont passé… ça fait déjà moins mal. Franchir ces étapes me permettent de transformer mes émotions en pensées positives mais également en actions.

Bien sûr, je flotte encore dans la « saudade » comme on dit en portugais. Il n’y pas de mot français pour exprimer ce que cela recouvre. La saudade est une « tension entre contraires » : d’une part le sentiment d’un manque, d’autre part l’espoir et le désir de retrouver ce qui nous manque, un « sentiment de délicieuse nostalgie, désir d’ailleurs”. Quoi qu’il en soit, je l’accueille avec gratitude et cela m’aide à avancer en confiance.

C’est à mon tour, tout ce que je vous souhaite !

Portrait-Jimena- Rond NL FXP

 

Jimena Andino Dorato

Coach, Expert coaching Interculturel – Expat Communication
D’origine argentine, Jimena a vécu l’expatriation à Sao Paulo, Montréal et Paris

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