Podcast : Viviane donne la parole aux « bananes », ces Français d’origine asiatique

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Une belle rencontre avec Viviane Salin, la pétillante fondatrice du podcast « The Banana Split Project ». Viviane donne la parole aux « bananes », ces Français d’origine asiatique revenus vivre en Asie. On y parle avec passion, talent et joie de (double) culture et de diversité, de l’acceptation de soi et de la recherche de ses racines.

 

En leur offrant une tribune, elle met en lumière les difficultés rencontrées par cette communauté élevée en Occident et qui repart vivre sur les terres de ses ancêtres. De quoi, autour de belles rencontres, réconcilier identité française et racines asiatiques, pour un monde plus ouvert et diversifié.

Vous l’avez compris, voilà un nouveau podcast riche d’enseignement à écouter de toute urgence !

 

Vivane, d’où venez-vous, qui êtes-vous ?

Je suis originaire de Strasbourg où j’ai vécu une enfance choyée par un papa chinois d’Indonésie et une maman hongkongaise. Après mon diplôme de HEC et quelques années dans l’événementiel à Paris, j’ai suivi mon mari à Singapour suite à une opportunité professionnelle. Au départ, on ne devait y rester que pour une mission de 2 à 3 ans. Cela fait maintenant 14 ans que nous y sommes installés et nos deux enfants y sont nés.

En arrivant à Singapour, j’ai rejoint l’Opéra en tant que violoniste professionnelle tout en enseignant en parallèle le violon en privé. 

 

Vous êtes également la fondatrice de La Petite École. De quoi il s’agit ?

Faute de trouver l’école dont je rêvais pour mes enfants, je me suis investie avec mon mari à la créer. De là est né « La Petite Ecole », une école bilingue, français-anglais, qui suit le programme français de l’Éducation Nationale.

Au vu du succès, le projet s’est développé : après avoir ouvert la première Petite École (maternelle et crèche) à Singapour en 2012, on a développé le concept  à Bangkok (maternelle) et Ho Chi Minh (crèche, maternelle et élémentaire) en 2017. 

 

Aujourd’hui, vous vous lancez dans le podcast avec « The Banana Split Project ». Mais qui sont ces ces « bananes » ? 

Cette expression est à prendre avec humour. Il s’agit d’auto-dérision de la part des Français et des occidentaux d’origine asiatique qui emploient le terme de « bananes » pour se désigner par analogie avec le fruit dont la peau est jaune et la chair est blanche.

Cela permet de montrer la dualité entre :

  • la culture, la pensée française (ou occidentale), et
  • l’apparence physique asiatique.

Cela peut aussi représenter une dichotomie entre :

  • ce que nous ressentons, ce que nous pensons être à l’intérieur,
  • et ce que les autres voient et perçoivent de nous.

Mais de manière positive c’est aussi la double-appartenance, l’acceptation des deux aspects qui forment alors un tout !

Cette expression de « banane » est aussi utilisée par les Asiatiques en Asie, par exemple les Chinois en Chine, non occidentalisés, qui appellent ainsi avec une pointe d’ironie, les Chinois d’outre-mer de la diaspora, élevés à l’étranger.

 

Vous êtes française d’origine asiatique et vous vivez aujourd’hui à Singapour, était-ce prémédité ? Était-ce important de renouer avec vos origines ?

Le choix de Singapour était fortuit, une opportunité professionnelle pour Vincent, et l’occasion pour nous de mettre les voiles, loin de Paris, de la routine et de la grisaille.

L’Asie nous attirait, mais je n’avais pas conscience que c’était en lien avec mes origines. Il n’y avait pas de recherche volontaire de mes racines, de me rapprocher des pays de mes ancêtres. Nous aurions pu partir n’importe où…  Il s’est trouvé que la première proposition s’est faite pour Singapour et ça nous a plu !

C’est seulement par la suite, après plusieurs années à Singapour, que j’ai compris que cela faisait écho à mon histoire familiale, et qu’il y avait un sens à ma présence ici.

 

 

Comment s’est passée votre installation en Asie ? Quel a été le regard des expats ? Celui des locaux sur vous ? Celui de vos parents qui vous ont vu prendre le chemin inverse du leur ? En quoi cela a-t-il « complété » votre construction identitaire ?

Singapour est une ville très facile à vivre, la langue officielle est l’anglais, tout est très bien organisé, sécurisé. C’est vraiment « l’Asie pour les nuls » ! L’installation n’a posé aucun souci. C’est une ville très cosmopolite et accueillante.

Je me suis rapidement fait des amis singapouriens par la musique, et des amis français expat également. Mais souvent, les gens étaient curieux et interpelés.

Par exemple dans les taxis, on m’a souvent demandé d’où je venais. Et lorsque je répondais que j’étais française, je voyais bien que cela ne suffisait pas, que ce n’était pas la réponse qu’ils attendaient. Et me voilà en train de dérouler toute l’histoire familiale…

Ou encore, lors de soirées entre expatriés français, les gens vont d’abord s’adresser à moi en anglais, me prenant pour une locale. Cela m’a beaucoup agacée, d’autant plus lorsque je suis avec mon mari français et qu’on nous traite différemment, d’après l’apparence physique.

Et dans tous les pays où nous avons voyagé, en Thaïlande, Indonésie, Malaisie, Chine, au Vietnam… les gens me parlent naturellement dans leur langue ! Ça fait beaucoup rire Vincent d’ailleurs, car à chaque fois je mets un peu de temps à réagir.

Mes parents m’ont transmis le goût du voyage, depuis que je suis enfant, ils m’ont emmenée à travers les continents à la rencontre d’autres cultures. Ils comprennent tout à fait le choix de l’Asie, si dynamique et attractive, même s’ils ne connaissaient pas Singapour et n’en avaient pas forcément une bonne image. Le fait que je sois ici leur a aussi permis d’avoir un pied à terre dans la région et d’y voyager plus fréquemment. J’ai aussi renoué avec mes cousins germains qui vivent en Indonésie et avec de la famille à Hong Kong.

Tout cela me permet de reconstituer mon puzzle identitaire interne.

 

Avec votre époux, vous formez un couple d’apparence mixte. Vous avez donné naissance à vos enfants en Asie… Comment s’intègrent-ils et gèrent-ils la construction de leurs racines ?

Vincent et moi formons un couple mixte sur l’apparence physique uniquement, mais nous sommes tous les deux bien français, et issus de la même promo d’HEC donc pas vraiment de mixité sociale ! Nous parlons exclusivement français à la maison, nos deux enfants sont allés dans notre école bilingue en maternelle, puis au CP.

Notre fils Django a poursuivi au Lycée français de Singapour. Il est actuellement en 6e Section internationale. Pour notre fille, Annabelle, nous avons choisi un parcours différent, elle qui s’est sentie plus anglophone dès le plus jeune âge, elle suit désormais une scolarité tout en anglais dans une école internationale.

Je pense que Django se sent très français, et Annabelle plus internationale, plus multiculturelle, car elle fréquente des amies d’horizons plus divers.

Ils sont sensibilisés au fait qu’ils vivent une enfance à part, qu’ils naviguent entre plusieurs mondes, celui de la maison, de l’école, des grands-parents en France. Ils comprennent qu’ils sont asiatiques mais pas tout à fait non plus comme les asiatiques locaux.

Nous les avons aussi emmenés dans de nombreux voyages dans la région, ils connaissent bien l’Asie et apprécient la nourriture, la culture.

Je leur parle aussi de la Troisième Culture (j’ai récemment lu le livre de David Pollock et Ruth Van Ecke de ce titre), cette culture qu’ils se construisent eux-mêmes, entre celle de leurs parents, celle du pays où ils vivent, et du fait d’être de petits « global nomads », dans un environnement à forte mobilité. C’est important qu’ils comprennent la complexité de leur héritage culturel.

 

Depuis votre naissance, vous devez jongler avec la perception que les gens ont de vous et ce que vous ressentez intérieurement. Entre agacement et amusement… Est-ce la raison d’être du podcast « The Banana Split Project » ? 

Lorsque je vivais en France, je n’avais pas l’impression de jongler, puisque je me sentais très française, très intégrée, avec ce petit « plus » exotique qui me différenciait, mais plutôt de manière positive ; cela me donnait une particularité et me faisait un peu sortir du lot.

C’est surtout depuis que je vis à Singapour que les interrogations ont surgi. Au fil des voyages dans la région, j’ai réalisé que les gens me prenaient pour une locale, que les Français et les occidentaux ne m’identifiaient pas immédiatement comme une des leurs, alors que je me sentais plus proche d’eux que des locaux.

Cela m’a surtout fait sentir que j’avais un énorme besoin de revendiquer mon identité française, que j’en suis très fière et que cela fait partie intégrante de ce que je suis ; par mon travail ensuite et le développement d’écoles françaises en Asie, j’ai voulu aussi contribuer à faire rayonner la langue et la culture française.

Pour autant, je ne suis pas seulement française, comme je l’ai longtemps cru et vécu alors même que je maîtrise tous les codes, que j’ai été élevée en France, que ma culture et ma langue sont françaises… Je suis aussi cette partie encore inexplorée de moi-même, cette partie asiatique reliée au passé de mes ancêtres qui ont vécu en Chine, en Indonésie, à Hong-Kong.

Je pense que c’est important de s’ouvrir aussi à ses origines, ses racines, quelle qu’elles soient, et d’oser embrasser l’ensemble de son héritage culturel.

 

Vous donnez-vous une mission de sensibilisation ?

Ce podcast, c’est un petit peu ma thérapie, en allant à la rencontre de personnes qui comme moi sont confrontées à plusieurs identités et au regard des autres sur ce qu’ils sont ; s’accepter comme on est, dans notre pluralité et notre complexité.

C’est surtout aussi un moyen de faire connaitre la diversité des Asiatiques, non seulement français mais aussi australiens, canadiens, américains, espagnols, et autres occidentaux, la richesse de leurs parcours, des histoires familiales.

C’est une célébration des brassages, des migrations, qui donne aussi à voir aux populations locales, l’histoire de ceux qui sont partis puis, une génération après, revenus.

Trop de clichés (positifs et négatifs) persistent encore sur cette communauté, trop de racisme ordinaire, de discrimination.

Par ce podcast, j’aimerais aider à libérer la parole et à faire vivre ces belles histoires d’immigration, de mixité, d’intégration, et de retour. Ce sont des thèmes universels et actuels, dans un monde de plus en plus globalisé et interconnecté. Donner à voir, faire connaitre, faire comprendre qui nous sommes pour plus d’harmonie et d’acceptation.

 

 

The Banana Split Project est disponible sur Itunes, Spotify, Anchor et autres plateformes.

Un nouvel épisode est mis en ligne toutes les 2 semaines.

>> Pour en avoir plus et accéder aux épisodes : https://www.bananasplitproject.com/podcast

 

 

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