Couples binationaux et expatriation

Couples binationaux et expatriationBéatrice de Carpentier, conseillère conjugale et familiale auprès de couples expatriés, explore  les situations inédites dans lesquelles certaines familles expatriées se retrouvent. 

La question qu’on lui a posé cette fois-ci est la suivante : pourquoi les couples binationaux sont-ils plus nombreux en expatriation ? Quelles sont leurs forces et leurs difficultés spécifiques ?

Lovepats ou expats

C’est un fait que les couples binationaux sont plus représentés en expatriation. Pourquoi ? En réalité, quelque soit le lieu d’habitation qu’ils choisissent, l’un, l’autre ou les deux conjoints du couple binational se trouvent « hors de leur patrie ».

  • Lorsqu’ils s’installent dans le pays d’origine de l’un des deux, le conjoint qui suit est appelé « lovepat » (« expat par amour »).
  • Lorsqu’ils s’installent dans un pays tiers, ils sont tous deux expats.

L’expatriation à deux permettant aux conjoints de se trouver « à pied d’égalité ». C’est une configuration qui est fréquemment choisie. 

Quelles conséquences cette situation d’éternels expatriés implique-t-elle pour les couples interculturels ? Quelles richesses et forces en tirent-t-ils ? Et enfin, quelles peuvent aussi être leurs difficultés spécifiques ou points d’achoppement ?

La confrontation à une autre culture fait bouger la vision du monde

Les expatriés reconnaissent que l’expatriation les fait bouger et change leur vision du monde, avec toutes les richesses et les difficultés que cela entraîne. De même les couples binationaux, par leur situation particulière de mélange des cultures au sein même de leur couple, développent des forces et de qualités spécifiques à leur situation.

Une remise en question naturelle

Dès le début de l’histoire du couple interculturel, s’impose aux conjoints la nécessité de remettre en question une bonne part des principes et valeurs qui leur semblaient universelles dans leur propre culture, pays, famille. Tous les couples passent par là.

Mais les écarts de points de vue se manifestent plus fortement dans les couples multinationaux, les différences entre eux étant plus importantes et touchant de plus nombreux domaines.

Les conjoints binationaux, s’ils veulent que leur couple dure, sont donc amenés très rapidement à remettre en question ce qu’ils ont reçus. Ils choisissent alors ensemble ce qui conviendra le mieux pour leur couple.

Cette capacité à reconnaître que son point de vue n’est pas un absolu mais seulement un élément de la réalité, qui, confronté au point de vue de l’autre, va permettre de dégager le meilleur chemin pour les deux, est une force. Elle permet d’établir un vrai dialogue dans le respect de chacun. C’est sans doute un des atouts majeurs des couples binationaux.

Une plus grande ouverture à l’autre

Un autre atout des couples binationaux me semble être leur ouverture. Qu’ils aient été attirés l’un vers l’autre simplement par leurs personnalités respectives ou en partie par l’attrait-même de la différence de leurs cultures, les partenaires des couples interculturels ne peuvent tenir que s’ils s’intéressent à la culture de l’autre. Ainsi, ils ont d’emblée, ou développent de fait, une grande ouverture et curiosité.

A force de découvrir, d’accueillir, et en partie d’assimiler la culture de leur conjoint, les partenaires des couples interculturels s’ouvrent en même temps à toutes les cultures. Ils apprennent à mettre de côté leurs a priori pour écouter ce que chacun a reçu et ce qui peut enrichir l’un et l’autre.

Cette qualité leur permet sans doute aussi de garder un foyer ouvert, où chacun se sent accueilli tel qu’il est.

Leur unicité leur donne la liberté de créer leur propre chemin

Par ailleurs, le statut de couple multiculturel permet de s’affranchir des normes qui peuvent être imposées socialement à l’un ou l’autre des conjoints dans sa culture et dans son pays. En effet, la culture d’un pays conditionne souvent les couples de même nationalité dans leur façon de vivre en famille (autonomie plus ou moins grande du couple), de célébrer les fêtes (mariage, fêtes religieuses, etc..), de vivre en société (rencontres amicales mixtes ou par sexes, cultures patriarcale ou matriarcale, répartition des rôles dans le couple).

Or, devant un couple binational, les amis et la famille des conjoints acceptent plus facilement que celui-ci ne suive pas toutes les règles de leur culture. Le couple interculturel bénéficie ainsi d’un statut à part, qui lui permet de définir plus librement ses contours, ses rituels, sa façon de vivre propre, et son chemin.

L’apparition possible d’un sentiment de déracinement 

Les racines, la culture donnent des valeurs communes partagées en famille, dans une région ou un pays. Ils nous donnent ainsi aussi un sentiment d’appartenance à ces groupes (« famille », « région », « pays »).

Or le couple binational est amené à tout redéfinir et donc, d’une certaine manière, à sortir de tout groupe. C’est sans doute une autre raison pour laquelle on retrouve plus de couples binationaux en expatriation, la communauté des expatriés étant souvent plus ouverte aux différences sociales et culturelles. Les couples binationaux retrouvent un groupe d’appartenance auquel ils peuvent se rattacher. Certains recréent aussi des groupes de couples interculturels.

Cependant, les communautés expatriées ne se rattachent pas à une culture particulière. Il y a donc un risque de se sentir « flotter », déracinés, et que l’un ou l’autre des conjoints ressente un jour le besoin fort de retrouver ses propres racines pour se réancrer dans une communauté réelle et implantée, avec une histoire millénaire, des coutumes, des lieux où peuvent rejaillir des souvenirs anciens.

Il est alors important de prendre conscience de cette difficulté qui émerge et d’en parler en couple. Mille moyens existent, en communiquant, pour trouver des solutions pour apaiser ce besoin et retrouver un équilibre. Mieux vaut échanger sur le sujet sans attendre qu’il devienne une souffrance telle que les solutions simples ne suffisent plus à combler le manque.

La question de l’éducation des enfants

Une autre source de difficulté peut survenir autour de l’éducation des enfants. Dans tous les couples, l’arrivée des enfants pose la question de la transmission. Qui va transmettre sa culture, sa religion, ses traditions familiales, son rapport à l’argent, au travail, aux autres ?

Or cette question est exacerbée dans les couples interculturels. Se rajoute le choix de la ou des langues, des écoles, du type d’éducation scolaire. De plus, il n’est pas toujours possible de faire un « mix » des deux cultures. En particulier  des cultures scolaires, car chaque culture éducative a sa propre cohérence et forme un tout.

Là aussi, l’expatriation peut permettre de trouver un terrain d’entente ou d’adopter un système tiers. (Anglais par exemple si les conjoints ne sont pas d’origine anglaise).

Des frustrations peuvent malgré tout surgir du fait de ne pas élever ses enfants selon sa propre culture. Il est alors conseillé :

  • d’en parler régulièrement,
  • de définir ensemble ce qui lui tient le plus à cœur à chacun de transmettre,
  • de pouvoir dire ses frustrations, sont des pistes qui permettent de ne pas accumuler les rancœurs et d’avancer ensemble.

S’intégrer en étant toujours un peu « différent »

Les couples binationaux ont la spécificité d’appartenir à plusieurs cultures, mais du coup de ne coller complètement ni à l’une ni à l’autre. Ils peuvent en ressentir une certaine difficulté à s’intégrer, le couple n’étant jamais complètement « chez lui » ou tout à fait comme les autres. Le couple, ou au moins l’un des deux conjoints, peut finir par se sentir un peu « étranger » partout, ce qui peut provoquer saturation et épuisement.

Là aussi, il est important d’en parler en couple. D’une part, pour que chacun veille à accompagner l’autre sur le chemin de l’intégration dans son propre pays. D’autre part, pour prendre des décisions spécifiques si besoin. Par exemple, le couple peut choisir de retourner dans le pays d’origine de celui des deux qui se sent en difficulté. Enfin, les conjoints peuvent rechercher ensemble des communautés d’appartenance au-delà des cultures (associations sportives, religieuses, culturelles).

Les couples binationaux, des pionniers dans la reconnaissance de l’altérité

Par leur capacité à accueillir leurs différences et à construire leur identité propre de couple, les couples binationaux sont en quelque sorte des pionniers dans la reconnaissance de l’altérité et dans le respect de l’autre.

Et en même temps, l’essence même d’un couple ne se fonde-t-elle pas sur une acceptation mutuelle des différences de cultures familiales, sociales, professionnelles, religieuses et culturelles de chacun ?

Les différences dans le couple sont aussi sa richesse. En s’ouvrant toujours plus à l’autre, on grandit et on apprend à s’accueillir soi-même.

Béatrice de Carpentier, mai 2021

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