Expatriation, hospitalisation et autres petites galères

Expatriation-hospitalisation-UNE femmexpat 559x520Derrière Lili Plume et sa plume alerte se cache une dynamique quadra française qui suit son mari en expatriation pour la première fois au Brésil en janvier 2014. Après 3 ans d’une riche aventure dont elle livre les détails dans son livre « Et si on partait vivre au Brésil, ma chérie », elle réside aujourd’hui avec sa petite smala au Mexique.

Mais parce que la vie en expat’, ce n’est pas toujours l’éclate et que ça peut aussi parfois rimer avec problèmes de santé, hospitalisations et autres galères, Lili lève le voile, toujours avec beaucoup d’humour, sur l’envers du décor.

Voici donc, sans filtre, une tranche de vie de ses tribulations de femme expat’.

 

 

Avril 2019, Hôpital Lomas à San Luis Potosi, Mexique     

Dites Docteur, vous n’allez tout de même pas m’ouvrir en deux ?

¡No se preocupe, Señora! Je vais juste introduire une petite caméra et voir ce qui se passe dans ce ventre. On y va ?

J’ai balayé du regard le bloc opératoire, les grosses machines blanches effrayantes et puis les infirmières qui s’affairaient autour de moi. Le chirurgien et l’anesthésiste, le masque chirurgical sur le nez, me fixaient toujours. Ils attendaient ma réponse. Tandis qu’une énième crampe me tordait le ventre de douleur, je me suis remémorée la remarque d’une copine.

 « Et alors Lili, la vie d’expat’ !  Toujours l’éclate ? Tu manges des mangues en bikini sur la plage ? »

Les mangues et les bikinis étaient bien loin, ce jour-là ! Et l’image de la femme expatriée au Paradis, épanouie et heureuse, aussi ! Moi qui à l’accoutumée aime envoyer du rêve à mes lecteurs, j’aurais préféré être charcutée par le sosie de Patrick Dempsey, le docteur Mamour dans Grey’s Anatomy. Que nenni ! Les deux hommes qui s’apprêtaient à m’endormir et me trifouiller allègrement les entrailles, devaient bien avoir deux siècles à eux deux ! En les découvrant à mon arrivée aux Urgences, je m’étais tournée paniquée vers mon mari :

Mais on a le droit d’exercer à cet âge-là au Mexique ? Le chirurgien ouvre à peine les yeux ! Je suis sûre qu’il a la cataracte !

Allez, allez, t’es entre de bonnes mains. C’est l’hôpital le plus réputé de la ville !

 

À mon réveil, la mine gênée de mon papi chirurgien était plus qu’éloquente. J’ai tout de suite compris :

Vous m’avez ouverte en deux !

Si Señora. ¡Una disculpa ! Mais il a fallu faire une laparotomie et vous enlever les dix centimètres d’intestin qui commençaient à se thromboser. Bon je vous rassure, on en a tous environ sept à huit mètres. Il vous en reste encore pas mal !

Ils ont de l’humour ces Mexicains. Il n’y a pas de doutes sur la question ! Le bougre m’a subitement tendu son téléphone portable.  Avec stupeur, j’ai découvert en  photo… mon propre intestin posé sur le champ opératoire pendant l’opération ! J’ai failli tourner de l’œil !

Vous avez vu Señora ? Il était rouge vif, votre intestin !

Ah oui, j’ai bien vu. Par contre ce sont les épisodes de Grey’s Anatomy, justement, que je ne vais plus voir de sitôt, après cet épisode médical surréaliste !

Mais bon. Une fois remise de mes émotions, j’ai tout de même réalisé une chose importante. J’étais sortie d’affaire. Ma sympathique équipe médicale du troisième âge venait tout simplement de me sauver la vie.

 

Octobre 2015, Hôpital Policlin e Maternidad à São José dos Campos, Brésil

Ma gynécologue en France m’avait prévenue:

Si on vous dit césarienne, n’insistez pas pour un accouchement naturel. Ils n’ont pas l’habitude et cela pourrait tourner au drame !

Quand ils m’ont annoncé que mon bébé avait une trop grosse tête pour passer par voie basse (un bébé de seulement 2kg700g…) je leur ai lancé :

Não tem problema nenhum ! Allons-y pour la césarienne ! Le but est de rester tous les deux en vie, non ?

Je me revois assise sur ce lit d’hôpital, le dos rond, prête à recevoir la maudite aiguille de la rachianesthésie dans le stress le plus total. Ma gynécologue obstétricienne était une petite femme gironde et joviale. Comme elle venait d’informer l’anesthésiste que j’étais Française, ils se sont tous deux mis à chanter à tue-tête : « C’esttt une poupéée, qui fait non, non, non, non, non, nooon ! Touuute la journéée, elle fait non, non, non, non, non nooooonnn ! »

Chacun sa manière de détendre les patients ! En tout cas moi, ça m’a beaucoup fait rire. Jusqu’à ce que ma gynécologue s’approche de moi avec son grand sourire :

Moça ! J’ai oublié de vous demander. Vous voulez une vidéo de votre césarienne ? Votre mari veut filmer ?

Heu… comment vous dire… mon mari est actuellement planqué dans la pièce à côté en attendant que ça se passe. Assister à une césarienne, ce n’est pas une passion chez lui ! Alors la filmer, encore moins !

C’est hallucinant ! Il y a donc des soirs où les Brésiliens se disent :

Tiens, et si on se refaisait ta césarienne à la télévision, ma chérie, avec un petit thé chaud ?

 

La plaisanterie aurait pu s’arrêter là, mais non.

Quand Stone et Charden ont arrêté d’interpréter tout leur répertoire de chansons françaises et que Stone a sorti son coutelas pour m’ouvrir comme un poulet rôti, j’ai très vite levé la main :

« Eu posso sentir tudo! »  (Je peux tout sentir !)

C’est ballot mais l’anesthésie n’avait pris que sur la moitié du corps. La doctoresse toujours aussi souriante et joviale (il en faut beaucoup pour enlever l’optimisme et le sourire d’une brésilienne) m’a lancé :

« Tudo bem ! Você vai dormir ! A gente se ve numa hora ! E você estará pronto para o churrasco deste fim de semana! Tchau querida! » (Tout va bien ! Vous allez faire un petit somme ! On se revoit dans une heure ! Et vous serez d’attaque pour le barbecue de ce weekend ! Au revoir ma chère !)

 

Quand je me suis réveillée, j’ai aperçu le visage de mon sauveur. Mon mari ! Je n’ai jamais été aussi heureuse de le revoir ! Mais ma joie n’aura été que de courte durée.

Puce ? Bon, il y a un petit truc que je dois te dire… Rien de grave hein !

Quoi ?

Chonchon a six doigts au pied droit!

Tu plaisantes ! Ils nous ont fait faire un ultrason toutes les semaines et ça, ils ne l’ont pas vu ?

 

J’ai dû me battre, par la suite, contre une armée de Brésiliennes en blouses blanches qui m’ont répété en boucle :

Il faut allaiter madame, c’est vital pour votre bébé. Allaitez ! Allaitez !  Il faut allaiter ! – Ahhhhhh !

 

Ce front d’opposition médical m’a empêché de prendre la pilule miracle à temps et j’ai donc eu une montée de lait phénoménale. Je suis passée d’un bonnet A à un bonnet F en quelques jours. Cela dit mon mari, lui, était enchanté. Merci le Brésil de lui avoir fait vivre cette expérience unique ! Sa femme avec une poitrine locale ! Et un beau bébé brésilien, c’est-à-dire bien reposé et décontracté (anesthésie générale oblige) dès sa sortie de l’utérus.

 

Automne 2020, petit village viticole alsacien, France

Mes dernières vacances estivales ont été prolongées de manière inattendues. Un retour aux sources. Quatre mois et demi chez mes parents dans mon village natal bas-rhinois dont deux mois sans mon mari et mes enfants rentrés seuls au Mexique.

Dites Madame Backert, vous avez vu la fille des Plume ? On la voit passer tous les jours en ce moment dans le village. 

Oui Madame Reinhardt, j’ai vu ! Elle est plus toute jeune ! Elle doit bien avoir 45 ans aujourd’hui !

Non, un peu moins, elle était à l’école avec la fille de la coiffeuse ! 43  je dirais…

D’après moi, elle vient de divorcer et elle est rentrée vivre chez ses parents ! À son âge, si ce n’est pas malheureux !

Elle a divorcé et perdu son emploi ! À tous les coups ! 

Mais alors, où sont ses enfants ?

Ce n’est pas elle qui vivait à l’étranger ? Ils seraient donc avec le père ! Au Brésil ou au Mexique, je ne sais plus… Un pays d’Amérique latine en tout cas …

Ou peut-être qu’elle a été rapatriée à cause du Covid. C’est terrible actuellement sur le continent américain, le virus est partout là-bas !

 

Voilà à quoi devaient ressembler les discussions des petits vieux du village qui me voyaient marcher avec mes parents, pendant la période de confinement, lors nos sorties quotidiennes règlementaires d’un kilomètre !

Eh bien non, je n’ai pas été rapatriée ! J’étais bloquée là ! Parce que j’ai enchaîné opération sur opération dans un charmant CHU strasbourgeois. J’ai même commencé à croire que l’équipe chirurgicale, là-bas, était  tombée follement amoureuse de mon corps ! Ils ne voulaient plus le laisser tranquille !

« Alors, par sécurité Madame Plume, il faudrait que l’on vous ré-ouvre, pour la troisième fois oui, on est désolés, mais on va vous enlever encore un micro-bout et vous pourrez rentrer toute neuve au Mexique ! »

 

Cela dit, ça a été bien agréable ce retour au pays. Goûter tous les jours aux bons petits plats de ma mère, papoter avec mon père, revoir ma sœur et mes nièces régulièrement, un miracle qui ne s’était pas produit depuis sept ans !

Mais d’un autre côté, assister à l’anniversaire de mon petit dernier sur Skype et le voir frapper la piñata sans moi au Mexique, je dois l’avouer, ça a été un crève-cœur. D’autant que je savais bien qu’il me serait impossible, physiquement, de reprendre l’avion de sitôt pour les rejoindre.

« C’est le jeu ma pauvre Lucette ! » comme dirait la publicité. Partir en expatriation, ce n’est pas toujours se simplifier la vie ! C’est vrai ! Il faut gérer les bons et les mauvais côtés de cette expérience hors du commun.

 

Je crois surtout que l’important est de garder le côté positif de chaque situation. En effet, même dans ce long épisode médical, il y avait de bonnes raisons de de se réjouir !

Raison 1 –  Être en vie et en bonne santé, c’est déjà pas mal !

Raison 2 – Se faire plein de nouvelles connaissances, même dans un CHU, ça reste sympathique ! J’en profite pour faire un big up à mes nouvelles copines infirmières. Je passerai avec les croissants l’année prochaine, les filles !

Raison 3 – En tant qu’auteure, vivre une séance de dédicaces sur son lit d’hôpital et sous morphine, en voyant défiler, un livre à la main, tout le personnel médical du service, c’est une expérience plutôt fun et que je ne suis pas prête d’oublier !

 

Bref, expatriés ou non, loin des siens ou pas, en ces temps tourmentés de pandémie où mes amis mexicains perdent les membres de leur famille les uns après les autres, profitons de ce qu’on a et de ce qu’on vit. Apprécions chaque détail enthousiasmant de notre quotidien pour avoir la pêche et garder le sourire !

Et surtout, continuons de rire de nos mésaventures ! Le meilleur moyen de relativiser tout ce qui nous arrive !

 


Lili Plume

Si une immersion en Amérique latine vous intéresse, rendez-vous sur son blog pour découvrir des extraits de ses trois livres :

  • « Et si on partait vivre au Brésil, ma chérie ? » 
  •  Honey ? Let’s Move to Brazil !  (version en anglais publiée en juillet 2020 – traduit par Loïc Le Jalu  – https://www.facebook.com/ljltranslations)
  • « Et si on partait vivre au Mexique, ma chérie ? » (à sortir !)

Ces ouvrages sont illustrés par Georgia Noel Wolinski, petite-fille de Georges Wolinski

> Pour les suivre sur Facebook : LiliplumedoBrasil et Georgia Noël Wolinski

> Envie d’en savoir plus, allez faire un tour sur son blog : liliplumedobrasil.over-blog.com

 

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