Expats et crise islamiste. Et si nous avions un rôle à jouer ?

Expat-et-crise-islamiste-UNE femmexpat 559x520Je ne suis pas souvent mélancolique. Mais à la nouvelle de l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, un épais sentiment de nausée m’a étreint. Et nous, expats, qu’avons-nous à faire là-dedans ?

Tribune d’Alix Carnot, directrice associée d’Expat Communication, éditeur de FemmExpat.

 

Nausée, peur et froid m’étreignent mais je n’en resterai pas là

Comme à la fin de la lecture du Joueur d’échecs de Thomas Mann, ou quand le rideau se referme à la fin d’une tragédie. J’ai l’habitude de chercher la lumière et depuis le début de la crise du Covid, globalement, j’y parvenais plutôt bien.

Jusqu’à ce nouveau vendredi noir où le nuage noir de l’épidémie s’est doublé du brouillard opaque du terrorisme. En France, un prof a été décapité. Et certains au fond d’eux-mêmes, se disent que la victime n’avait pas volé son sort.

Autour d’eux, « l’Institution » répète « tous ensemble », « fermeté » et « tolérance ». Eux ferment ensemble leurs oreilles en répétant « mécréants », « dépravés » et « je n’en suis pas ».

 

En quoi est-ce un sujet particulièrement lié aux expatriés ?

J’avance à tâtons dans ma réflexion. Mais il me semble certain qu’il y a un lien entre cet attentat et une question lancinante qui anime nos discussions d’expatriés. Plus profondément, cela nourrit l’intuition qui m’habite depuis longtemps que nous, les expatriés, nous détenons un bout de la clé pour avancer dans la crise actuelle.

Alors désolée, pour une fois je ne chercherai pas à être légère. FemmExpat ne signifie pas superficielle et déconnectée. Aujourd’hui, j’endosse la gravité du moment. Comme un pas de plus sur un chemin escarpé.

 

Les arbres et les oiseaux

Parmi les expatriés, je me suis souvent amusée à distinguer les arbres et les oiseaux.

Le clan des oiseaux regroupe tous ceux qui, comme l’explique Magdalena Zilveti Chaland, échappent à l’impossible question des origines en trouvant en eux-mêmes leur identité. « Chez-moi est en moi » répètent-ils dans toutes les langues qui constituent leur concert intérieur. Leurs frontières aussi sont intériorisées.

Pour ma part, j’appartiens à l’espèce des enracinés. Des familles à racine fixes où les mots ancrages, valeurs, tradition résonnent de feuille en feuille. « Pourtant les arbres ne voyagent pas » me direz-vous ? Alors comment avez-vous pu vous expatrier ? ». Et bien dans le monde des hommes, un arbre peut se faire oiseau. Comme j’avais peur d’étouffer dans ma forêt, je me suis envolée au loin. Je suis donc à la fois, arbre et oiseau. Biculturelle à ma façon… Et beaucoup d’entre vous le sont sans doute aussi.

Généralement, ces arbres voyageurs s’en reviennent « plein d’usages et raisons vivre entre leurs parents le reste de leur âge. ». Les oiseaux, eux, virevoltent longtemps, ne se posent jamais vraiment et leurs nids mêmes, voyagent avec eux.

Les sociologues appellent les oiseaux les « anywhere » et les arbres les « somewhere », mais c’est moins joli !

 

Des arbres pour les oiseaux, et des oiseaux pour les arbres

Complètement différents dans leurs rapports à la terre, à la nation, à la langue, arbres et oiseaux sont pourtant étroitement liés.

Les forêts ont besoin des oiseaux pour leur apporter les nouvelles lointaines. Certes les oiseaux dérangent et font du bruit, mais ils diffusent les idées nouvelles qui donneront naissance aux fruits de la saison prochaine. Cet essaimage est essentiel pour la fécondité de la forêt.

Les oiseaux, eux, viennent abriter leurs ailes fatiguées dans la ramure des grands arbres. Au creux des branches, ils font leur nid et couvent leurs petits. Ils font confiance aux racines pour tenir bon lorsque le vent souffle fort. L’écorce craquelée des vieux troncs leur parle d’un passé qu’ils n’ont pas connu. Lorsqu’ils sont repus de fruits, les oiseaux s’en repartent.

La bonne marche de la terre et du ciel vient de l’entente des oiseaux migrateurs et des arbres qui les accueillent. Des voyageurs et des sédentaires.

 

Quel rapport enfin avec les drames dont nous parlions ?

Oh, vous le savez bien, les métaphores n’ont jamais fait une solution. A peine une intuition. Et pourtant, je poursuis obstinément ce fil qui me semble mener vers un peu de clarté.

Résumons. En ce moment, le vent souffle fort. Covid, crise écologique, désorganisation liée à l’épidémie…

Avec le développement des migrations, les vols d’oiseaux se sont multipliés. Pas seulement nos joyeuses alouettes expatriées qui survolent paisiblement les océans et se nichent chaque année dans leurs arbres préférés. Mais aussi les vols pesants de sédentaires que la faim, la guerre ou tout simplement de meilleures opportunités ont conduit à une traversée pleine d’incertitudes.

 

Aujourd’hui, arbres et oiseaux souffrent

Or ces sédentaires contraints de se faire oiseaux auraient besoin pour les accueillir d’arbres solides. Mais, est-ce le fait du réchauffement climatique ? D’une maladie des racines ?  D’un nouveau virus exotique ? Nos grandes futaies européennes dépérissent. 

Ouvrez-les yeux quand vous reviendrez et vous verrez combien d’arbres se meurent. Cela n’a rien d’étonnant. Les arbres ne sont plus à la mode. Voyez comme ils sont lourds et gauches. Terriblement « somewhere », c’est-à-dire en fait « obsolètes ».  Mais ceux qui arrivent sont tout autant « somewhere », et décontenancés par la crise qu’ils rencontrent.

 

Or nous les expats, nous connaissons bien ces questions vitales d’ici et d’ailleurs

« D’où viens-tu », où est « chez moi » ? Comment accepter que mon pays d’accueil et de cœur aie parfois des comportements si loin de mes valeurs ? Voilà en termes simples des questions que nous avons tous ressassés.

Avec des mots plus compliqués, on parle aussi d’intelligence interculturelle, de médiation culturelle

Tout ceci ne répond-il pas à cette « crise de l’identité » que traversent à la fois nos vieux arbres de souche et les migrants qui les confrontent ? Nous pouvons nous faire arbres accueillants ou oiseaux solidaires? Peut-être les deux à la fois. En tout cas, nous avons peut-être un rôle à jouer ?

Pour moi, aujourd’hui, le constat s’arrête là, mais la réflexion continue.

Car ce ne sont pas que des paroles. La route du dialogue, dans le respect de ses propres valeurs, est un chemin raide et qui deviendra probablement périlleux. Je vous propose pourtant de continuer à creuser ces questions. De nous impliquer localement pour comprendre et relier, sans renoncer à nos convictions. Alors que dans tant de pays, les tensions identitaires montent, nos expériences pour créer des ponts se feront plus rares et plus précieuses.

 

CaRNOT-Alix

Alix Carnot

En quête permanente pour comprendre le monde et ses habitants, Alix a été expatriée dans 4 pays avec sa famille. Après une carrière en management et people development elle est directrice associée d’Expat Communication  et créatrice du Job Booster Cocoon. Elle est également l’auteur de Chéri(e) on s’expatrie, guide de survie à l’usage des couples aventuriés.

 

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