Couple et carrière internationale en expatriation : le cas Tic et Tac

Baptisés Tic et Tac par Alix Carnot dans son livre « Chérie, on s’expatrie ! », les couples à double carrière à l’international constituent un schéma que l’on rencontre trop rarement à l’étranger. Alors quand on a la chance de les croiser, on n’a qu’une envie : les interroger sur les secrets de cette réussite. C’est ce que nous avons demandé à Marie-Isabelle et Romain, depuis 17 ans en expatriation, tous deux avec des postes à responsabilités.

Le pitch : Tic et Tac, la règle du « chacun son tour en expatriation » ou presque…

L’international fait partie de l’ADN du couple. A la fin de leurs études, alors qu’ils viennent de se rencontrer, nos Tic et Tac songent déjà à partir. Le Maroc pour lui, la France pour elle, en attendant un départ en expat pour la Chine, mis à mal par l’épidémie de SRAS de 2003. Impatients de vivre leur rêve d’aventuriers, ils décident de partir sac au dos et quelques sous en poche pour la Chine. Ils prennent des cours de mandarin, lui rencontre sur place un Français qui le met en relation avec un contact dans le secteur de la grande distribution, elle relance un contact qui lui avait proposé un job en France mais qu’elle avait refusé pour partir en Chine. Cela dure 1 an et demi, chacun en contrat local. Le temps de prendre conscience de la solidité de leur couple et le souhait de recommencer… en version plus confortable.

Retour en France, CDI pour les deux et mariage. Bingo ! Au bout de 2 ans, Romain est envoyé à Houston par une entreprise mexicaine dans la construction. Marie-Isabelle démissionne pour le suivre. Coup de chance, l’entreprise française, avec qui elle avait déjà tissé des contacts avant son départ, l’embauche sous le visa de Romain. 2007-2008, crise des subprimes : le bureau de Romain ferme, plus de visas pour les deux… L’entreprise de Marie-Isabelle réagit vite, puisqu’elle est transférée à Oslo avec mari et bébé, Romain trouve un job sur place en 2 semaines. Deux enfants de plus plus tard, un nouveau poste pour Romain et 5 ans de vie bercée par des politiques familiales confortables, il faut bouger !

Marie-Isabelle est envoyée à Singapour : Romain est alors responsable achats dans une société d’ingénierie pétrolière, il démissionne, l’appel de l’international est plus fort… Après 9 mois de recherche acharnée, il décroche un super job pour une société malaisienne… qui au bout de 2 ans, fermant ses bureaux à Singapour, lui propose une  promotion à Kuala Lumpur, qu’ils décident d’accepter. Pour Marie-Isabelle, c’est le moment idéal de passer à autre chose, son entreprise a justement des bureaux a KL, et elle tente de s’y faire transférer, sans succès… . Ce sera donc congé sabbatique pour le suivre, et formation de professeure Yoga pour elle. Pour lui, boulot acharné et déjà quelques doutes sur son avenir professionnel et sur la continuité du projet familial dans une entreprise locale. Crise pétrolière, problèmes de hiérarchie… Le congé sabbatique touche à sa fin, retour dans l’entreprise pour Marie-Isabelle, qui lui propose un poste à… Houston. Au tour de Romain de suivre… il rebondit, trouve un nouveau job… au bout de 18 mois cette fois-ci…

Conclusion : Tic et Tac existent, et sont très heureux, ils nous l’ont dit. Alors, comment, pourquoi et combien de temps ça marche ?

1. Un solide projet de couple et de famille

Marie-Isabelle explique : « avant même notre mariage, ce qui a guidé notre aventure c’est un projet commun qui était de « découvrir le monde ensemble et donner cette ouverture d’esprit à nos enfants ». Au bout de 17 ans, je dirais que nous avons saisi les opportunités professionnelles de chacun, mais en évaluant toujours l’impact sur la famille qui reste notre priorité. Chaque changement s’accompagne de moments de doutes, de coups de stress, mais on se retrouve toujours dans notre projet de vie, qui nous fait grandir et que nous avons choisi ensemble… c’est un point essentiel. »

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2. Tic et Tac, un projet mené jeune, au démarrage de la carrière internationale

Romain est très clair sur ce point : « il est toujours plus facile de trouver un job en début de carrière. Plus tu as d’expérience, plus c’est compliqué. La pyramide des âges fait que c’est plus difficile. De mon côté, le fait d’occuper des fonctions dans les achats fait que suis obligé de me tourner vers de grands groupes. Or, à 45 ans, les postes que je vise sont accessibles à la promotion interne plus que par des recrutements externes. Il y a 5-6 ans, j’étais prêt à « redescendre » un peu pour remonter ensuite dans mes responsabilités. Demain, moins sûr ! »

3. Ne pas rester cloisonné dans un modèle familial

Chez Marie-Isabelle et Romain, la question de la charge familiale ne rentre pas en ligne de compte. Issus tous les deux de familles où les femmes ne faisaient pas carrière, Marie-Isabelle s’accorde à dire que cela ne l’aurait pas dérangé de s’arrêter de travailler à la naissance de leurs enfants. Cependant, Tic et Tac ont été confrontés très tôt aux risques liés à un seul revenu, et les opportunités étant là pour elle, ils les ont saisi. Leur expérience norvégienne a par ailleurs été fondamentale sur ce point : « le fait d’avoir eu boulot et jeunes enfants dans ce pays a vraiment changé notre regard sur l’équilibre famille – travail. Là-bas, quitter le travail à 16h pour récupérer ses enfants à l’école ou prendre des congés paternels ne pose aucun problème pour sa carrière, ça peut même être mal vu de ne pas le faire. La Norvège nous a équilibré sur tous ces domaines, et la notion de partage des tâches n’est plus un sujet, c’est une évidence. » Mais alors, si on n’est pas en Norvège ? Romain répond « On s’organise pour se faire aider. » Marie-Isabelle poursuit « reprendre le travail à Singapour au retour de congés maternité avec 3 jeunes enfants fut une grande chance, car l’aide à domicile y est facilement accessible. Aux US, nous avons une nounou qui s’occupe des enfants, quelques heures après l’école le temps que l’un de nous rentre. Cela fait partie des choses à mettre en place dès notre arrivée. »

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4. Gérer la problématique des visas de travail du conjoint

Pour Romain et Marie-Isabelle, les principales difficultés rencontrées ont été celles des visas de travail. Que ce soit à Singapour, où Romain n’arrivait pas à se faire embaucher, ou aux US où l’obtention d’un permis de travail prend actuellement 7 mois alors qu’il en fallait 3 en 2007. Il est valable 2 ans, et doit être renouvelé à chaque extension de visa, ce qui représente un risque, car le renouvellement n’est jamais garanti. A l’inverse, le fait de ne pas avoir besoin de visa en Norvège a considérablement facilité les choses.

5. La capacité à rebondir, à s’ouvrir… et à recommencer de zéro !

Qu’on ne se trompe pas. Si à la lecture du pitch, tout semble facile pour nos Tic et Tac, la réalité n’est pas si lisse. Quand Romain arrive à Singapour, il quitte un poste à responsabilités. Commencent alors 9 mois de travail acharné pour décrocher un nouveau poste : événements de networking, envois de CV, rencontres aux CCI… « on envoie des centaines de CV, mais localement personne ne comprend vraiment votre profil, c’est très frustrant… et puis un jour, le networking porte ses fruits. Mais il faut accepter de parfois redescendre d’un cran dans les responsabilités. » Marie-Isabelle insiste : « Romain a beaucoup de résilience et une grande capacité à rebondir et à chaque fois trouver quelque chose. Il faut accepter d’être vulnérable, ne pas hésiter à contacter des gens que l’on ne connait pas, demander de l’aide. C’est difficile de rester focalisé sur son objectif car cela demande énormément d’efforts émotionnels. Il a aussi une vraie facilité à approcher les gens avec humour et c’est un véritable atout ».

6. Comme Tic et Tac, avoir un esprit aventurier et oser !

Romain ajoute même « et une bonne dose d’inconscience ! ». Marie-Isabelle explique : « l’esprit aventurier c’est savoir saisir sa chance. C’était notre cas pour la Norvège : nous quittions des USA en crise en 2008 pour la Norvège en plein boom économique. On ne voulait pas particulièrement aller en Norvège, mais on n’a pas hésité et ce fut une expérience magnifique. » 

L’esprit aventurier pour eux, c’est aussi prendre en compte les risques financiers. « De manière générale, il est préférable d’avoir deux salaires surtout que nous devons préparer notre retraite nous-mêmes. Quand l’un des deux démissionne pour suivre l’autre c’est aussi un sacré challenge financier. Il y a les frais d’installation, l’école… et on ne sait pas combien de temps cela va durer. C’est une pression qui retombe sur celui qui est en poste. On ne le dit pas assez. » 

7. Être conscient de son équilibre de couple

« Si par le passé, avoir tous les deux un travail a pu être une façon de gérer les risques, aujourd’hui, c’est aussi une composante de notre équilibre personnel et familiale. » explique Marie-Isabelle. Pouvoir chacun travailler et se développer est primordial dans leur couple. Les mois où Romain cherchait du travail ont été difficiles pour Marie-Isabelle, elle culpabilisait, ressentait plus la pression au travail… c’était lourd et clairement pas confortable. Mais le pire aurait été que l’on leur dicte une façon de vivre : le célibat géographique par exemple, a tout de suite été exclu de leurs projets. Romain insiste : « le conseil que je donnerais, c’est d’assumer ses choix. La pire des situations, c’est quand l’un ou l’autre a l’impression d’avoir sacrifié sa carrière pour la seule ambition de l’autre et non pour un projet commun. »

En conclusion : la double carrière internationale, clé d’une certaine liberté ?

« Le fait de maintenir à tout prix une double carrière, est certes difficile, mais cela nous donne une liberté et une indépendance dans nos choix de vie. Nous ne sommes pas contraints d’accepter tout et n’importe quoi de la part de nos entreprises, au risque de ne pas pouvoir se retourner, et on balance la pression du soutien familial sur 4 épaules au lieu de 2, c’est tout de suite plus léger ! Alors, ça peut être limitant en termes de développement de carrière personnelle mais c’est un choix que nous assumons. » Donc la clé, c’est peut-être d’avoir une vision commune claire, d’être soudé, ultra motivé dans son projet, et pour finir… de gérer les opportunités et risques pour le bien-être commun.

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