Une maternité au Japon : Gambatte kudasai !

maternitéJaponLa maternité  est une expérience extraordinaire en soi, mais elle prend une tout autre dimension lorsqu’on est à l’étranger, loin de sa famille et de ses repères. Alors, accoucher au Japon vous m’en direz tant ! Au-delà de la langue et de la culture, le processus de la grossesse et le fait de devenir maman y sont perçus de façon vraiment différente.

La perspective de donner la vie au Japon est de prime abord plutôt rassurante. C’est un pays sûr (je laisserai le risque sismique et nucléaire volontairement de côté) qui bénéficie d’excellentes infrastructures de santé. Les hôpitaux sont modernes, admirablement équipés et le personnel bien formé. Les taux de mortalité infantile et en couche y sont parmi les plus bas du monde.

Dans le cas de Tokyo, tout paraît plus facile. Il y a la possibilité d’être suivie par un gynécologue qui parle au moins anglais, et connaît les processus en vigueur dans les pays occidentaux. C’est vraiment rassurant, surtout quand la grossesse s’annonce un peu compliquée. Il existe également de nombreuses cliniques internationales où le personnel est formé à recevoir des femmes étrangères.

Encore faut-il pouvoir se les offrir. En effet, au Japon, être enceinte n’est pas considéré comme une maladie et n’entre donc pas dans la catégorie de soins remboursés par la sécurité sociale japonaise. Une partie est néanmoins prise en charge par la collectivité. Les mairies offrent, selon les municipalités, 3 à 4 tickets pour des consultations gratuites et parfois une aide à domicile pour les premières semaines au retour de la maternité. D’autres préfèrent donner une somme à la naissance. Reste qu’accoucher au Japon coûte cher et que les parents couverts par un régime d’expatrié sont favorisés. Quand on est moins bien couvert, il faut moduler son projet de naissance en fonction de ses moyens : choix de la maternité, réalisation examens supplémentaires, administration d’une péridurale. Oui, oui, vous avez bien lu ! Celle-ci n’est pas systématiquement proposée et reste difficile à obtenir (sauf à faire appel au fameux Docteur Sakamoto, seul obstétricien japonais à s’être placé sur le créneau des accouchements d’expat). Beaucoup d’étrangères se sont ainsi entendues dire que si elles accouchaient pendant les heures de travail de l’anesthésiste, ce serait possible, mais que s’il n’était pas là, eh bien, il faudrait s’en passer. Traditionnellement, les Japonaises font sans. La douleur durant l’accouchement est un fait accepté et toutes les femmes s’y préparent : Gambatte (faites de votre mieux, bon courage !) est le maître mot !

Le suivi de la grossesse « à la japonaise » diffère assez peu de ce qu’on pourrait faire en France. Tous les mois, les femmes voient leur docteur pour un test d’urine, de sang, une prise tension, une pesée, la mesure de leur utérus et une échographie. En effet, le gynéco fait une écho très brève tous les mois, dès le premier, afin de vérifier que tout va bien. Passée la surprise, c’est assez rassurant confient certaines mamans, surtout quand c’est le premier. Voir le bébé tout de suite, c’est plutôt sympa !

Un autre suivi qui l’est beaucoup moins, sympa, est celui du poids. Certains médecins japonais sont obsédés par la prise de poids et mènent une véritable guerre à leurs patientes. En général, ils posent une limite à 10kg, grand maximum, quand on tolère 9 à 12 en France. Plusieurs mamans racontent qu’elles appréhendaient ce regard inquisiteur sur l’aiguille, sachant qu’un sermon allait suivre la pesée… Toutes les raisons sont bonnes, vagin « trop gras et pas assez musclé » pour sortir un bébé, table de travail « pas assez solide » pour supporter plus de poids, chaque médecin à la sienne. Derrière ces affirmations un peu farfelues se cachent surtout l’idée d’éviter un accouchement à complications dû un enfant « trop » gros. D’ailleurs, une enquête japonaise montre que les nouveaux nés japonais ont tendance à rétrécir d’année en année (Asahi Shimbun). L’obsession du poids a aussi gagné les mamans. Si certaines femmes étrangères s’en plaignent beaucoup, d’autres disent que c’était un mal pour un bien : elles n’ont pas eu à se préoccuper de perdre leur poids de grossesse.

Pour celles dont le suivi est assuré par un médecin japonais, les autres recommandations peuvent parfois paraître exotiques. Si le poisson cru (de bonne qualité) n’est pas interdit, il faut par contre éviter tout exercice. Les relations sexuelles ne sont pas non plus « conseillées » (sic). Il faut bien se couvrir le ventre et les extrémités, même par 38°C en plein été, c’est important pour la circulation.grossesseJapon

Beaucoup de futures-mères étrangères confient avoir gardé leur gynéco en France qu’elles ont bombardé de mails et de coups de fils durant toute la grossesse. Néanmoins, elles insistent beaucoup sur la nécessité de trouver un médecin local de confiance, à qui on pourra poser plus directement les questions durant les examens. Selon plusieurs retours d’expérience, les gynéco japonais ne semblent pas très habitués à être interrogés de la sorte. Etre un « sensei » (professeur) au Japon donne un statut de supériorité que tous respectent, voire révèrent. Aussi, quand le « sensei » a fini d’expliquer, c’est qu’il a donné toute l’information nécessaire et que cela suffit à la patiente, pas besoin d’insister. Néanmoins, la plupart fait un effort avec les étrangères.

Les hôpitaux japonais prévoient généralement une préparation à l’accouchement, principalement pour les mamans, où les femmes peuvent se rencontrer et échanger. Il faut évidemment maîtriser la langue pour y participer, car c’est rarement traduit. Pour beaucoup de mères étrangères, ces séances sont précieuses car elles permettent d’avoir un point de vue « local » sur leur expérience et d’obtenir  des trucs et astuces. Cependant, beaucoup regrettent le manque d’approche psychologique de la grossesse. Les mamans parlent de poussettes, du début de la vie avec un jeune enfant, d’allaitement mais peu de ce qu’elles vivent enceintes. Toute la partie émotionnelle, le bouleversement hormonal, les peurs, tout cela semble un peu évacué, comme si cela allait de soi et n’avait pas besoin d’être partagé. Cela tient en partie à la culture japonaise qui privilégie la retenue et la dissimulation des émotions. Il faut ajouter que la plupart des Japonaise communique beaucoup avec leur mère, et c’est avec elles qu’elles partagent souvent leurs angoisses.

Trouver des vêtements de grossesse peut également s’avérer difficile quand on ne rentre pas dans les standards japonais. Les sous-vêtements sont plus petits même dans les marques occidentales, car adaptés à la morphologie menue des asiatiques. Selon plusieurs jeunes mères, la grossesse japonaise rime avec zéro glamour : les vêtements vendus pour femmes enceintes sont larges, informes et décorés de façon assez niaise (couleurs pastelles, petits animaux, dentelle…). On cherche plutôt à dissimuler le ventre rond qu’à le mettre en avant. A tel point que les municipalités distribuent un badge aux futures mamans qu’elles peuvent accrocher à leur sac pour informer de leur état. Il est censé inciter les gens à se lever dans le métro pour les laisser s’asseoir.

Heureusement pour les non-japanophones, le réseau de solidarité expat est extrêmement soudé et efficace. Des groupes comme Tokyo Mothers Group, Tokyo Pregnancy Group, organisent des réunions régulières. Des sites spécialisés fourmillent également d’informations et de ventes de seconde main. Plusieurs doulas, comme la Française Célia Hughes, propose une préparation professionnelle complète et, ce qui manque peut-être au système japonais, empathique.

L’accouchement se déroule principalement en milieu médicalisé de façon très encadrée. Pour rejoindre la maternité, il existe un service spécial de taxi dispo 24/7, réservable à l’avance. Le chauffeur sait exactement où venir vous chercher et à quel hôpital il doit vous déposer. Malin !

Le papa a le droit d’assister à l’accouchement, sauf en cas de complications. Comme dans beaucoup de pays, le Japon a tendance à recourir de plus en plus à des césariennes. C’est souvent pour faciliter la vie du médecin accoucheur et du personnel hospitalier, mais aussi parfois pour éviter un accouchement trop long et épuisant.

Maman et bébé restent un peu plus longtemps à l’hôpital qu’en France 

5 jour en moyenne, 7 pour une césarienne. Si beaucoup de femmes étrangères redoutent d’abord ce séjour prolongé, elles en ressortent souvent enchantées. Les infirmières et les sages-femmes sont « zen » (au sens japonais), très présentes car bien plus nombreuses et disponibles qu’en France, la cuisine est appétissante et l’environnement agréable. Pendant ce séjour, elles montrent les gestes de soins et les aident à enclencher l’allaitement. Malgré ces conditions favorables, plusieurs femmes soulignent que l’état d’épuisement qui suit la naissance n’incite pas à la patience et à l’effort linguistique. Toutes ces barrières culturelles qu’on a pu surmonter la fleur au fusil pendant la grossesse deviennent juste insupportables quand on vient de mettre au monde un bébé et qu’il vous empêche de dormir plus de deux heures par nuit.

Le retour à la maison de la mère japonaise se fait souvent accompagné de belle-maman

Dernière grande divergence avec notre modèle de parentalité à l’occidentale.  Traditionnellement, le père japonais est complètement exclu de la maternité. Les Japonaises ont longtemps eu l’habitude de rentrer chez leurs parents ou de faire venir leur mère pendant plusieurs semaines avant et après la naissance, pour les aider avec le bébé. Il est habituel que la jeune maman ne sorte pas son enfant avant un mois. Sa mère va donc faire les courses à sa place, s’occuper du ménage et des autres tâches ménagères pendant qu’elle allaite et prend soin du nouveau-né. Le papa reste seul à la maison ou s’arrange pour rentrer moins souvent. L’objectif est de soulager sa femme des repas, mais aussi d’être le moins possible perturbé dans son travail. Il n’est d’ailleurs pas plus impliqué dans les années qui suivent, son épouse étant seule responsable du foyer. Heureusement, ces habitudes disparaissent peu et à peu et on voit de plus en plus de papas investis dans l’éducation des petits.

Pour les étrangères, le retour à la maison est au contraire souvent synonyme de solitude.

Beaucoup d’expats signalent cet aspect qu’elles avaient elles-mêmes mal anticipé. Trouver son équilibre avec un nourrisson n’est jamais chose facile, mais quand on est seule à faire face, c’est parfois trop d’un coup. Le conjoint travaille, la famille est loin ou ne vient que pour quelques jours, il est difficile de sortir longtemps avec un petit bébé… bref, on se sent isolée, et parfois un peu désespérée. Plusieurs mamans confient que le papa a alors joué héroïquement le rôle de défouloir. A lui, on peut balancer tout de go et dans sa langue toutes ses angoisses et ses frustrations. Messieurs, soyez prévenus ! C’est pourquoi, de nombreuses mères recommandent de ne pas chercher à jouer les wonder women. Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide, pas de fierté qui tienne. Bien s’entourer est fondamental et il faut faire jouer à fond la solidarité expatriée.

Une grossesse au Japon est donc comme toutes les grossesses, une aventure. Elle est certes rendue un peu plus tortueuse par la langue et la culture, mais elle n’est pas insurmontable. De bons réseaux, un médecin de confiance et un soutien local, sont les clefs d’une grossesse sereine. Passée cette étape, le Japon se révèle un pays fantastique pour élever de jeunes enfants. Pensez que même les toilettes pour hommes ont des tables à langer…

Par Pauline

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