Dévaluation en expatriation : comment limiter les pertes ?

Avant de partir en expatriation, il est normal de négocier son package de rémunération en fonction de ses attentes, mais aussi du coût de la vie dans le pays d’accueil. Or, peu d’expatriés pensent à anticiper une éventuelle dévaluation monétaire. Quels sont les risques d’une dévaluation en expatriation ? Quelles sont les précautions à prendre avant son départ ? Comment réagir face à une dévaluation monétaire lors de votre expatriation ? Nos conseils.

La dévaluation monétaire : explications

Il existe deux sortes de dévaluation :

  • Lorsque les autorités monétaires décident d’abaisser leur taux de change par rapport à une référence (une monnaie étrangère par exemple) pour redonner de la compétitivité à l’économie du pays. La dernière, en France, date de 1983.
  • Lorsque la valeur de la monnaie baisse sur le marché des changes, sans décision officielle, du fait d’une récession ou d’un déficit commercial par exemple. On parle alors plutôt de dépréciation.

À l’heure actuelle, les monnaies les plus touchées par les risques de dévaluation sont celles qui sont corrélées avec le Dollar. Cette monnaie connaît, en effet, une fluctuation souvent importante. La valeur de la Livre Sterling a fortement baissé du fait des incertitudes liées au Brexit.

Quels sont les risques d’une dévaluation pour le salarié expatrié ?

La dévaluation engendre une forte dépréciation de la valeur de la monnaie locale par rapport aux monnaies étrangères. En valeur réelle, le salaire perçu par l’expatrié en monnaie locale est donc plus faible. Le risque principal réside dans l’existence d’engagements en euros ou en dollars à la charge du salarié :

  • les études de ses enfants à l’étranger ;
  • le remboursement d’un emprunt en France ;
  • le coût de ses cotisations sociales à la Caisse des Français de l’étranger ;
  • la prise en charge d’un parent dépendant en France (paiement d’une maison de retraite par exemple).

L’épargne du salarié expatrié, constituée en devise locale, va également fortement être impactée par une dévaluation. Son patrimoine global se trouve alors dévalué. Magali, qui a connu une dévaluation lors d’une expatriation au Brésil ajoute : « le risque est encore plus fort si le retour en France est proche et que l’on souhaite rentrer avec ses économies. »

Quelles précautions prendre pour réduire l’impact d’une dévaluation en expatriation ?

Eric a vécu trois dévaluations. D’abord lors de la crise financière en Argentine, puis en Hongrie et enfin en Turquie, où la monnaie a dévalué de 200 % en 6 ans. Pour lui, « anticiper est indispensable ! Surtout lorsque l’on part vers certains types de pays ! ».

Juan conseille ainsi de « vérifier la volatilité historique de la monnaie du pays où l’on va résider, ou bien s’il y a des événements qui augmentent le risque de dévaluation. Le Brexit, par exemple, est clairement un événement à risque. Ensuite, il faut vérifier dans quelle monnaie notre salaire nous sera versé. Si, par exemple, on continue à être payé en euros, alors l’impact d’une dévaluation est positif : notre pouvoir d’achat augmente. Si on est payé en monnaie locale, les conséquences d’une dévaluation peuvent être catastrophiques. »

La prudence est de mise

Il faut tout d’abord faire preuve de prudence, en évitant notamment de rapatrier toutes ses économies dans son nouveau pays d’expatriation. Surtout, si ce dernier est réputé instable financièrement. Magali recommande aussi « de limiter l’exposition au maximum, en remboursant le plus vite possible les crédits et autres obligations en monnaie du pays d’origine. »

Il est, par ailleurs, toujours préférable pour le salarié en situation de mobilité internationale d’investir et de placer son épargne dans des véhicules d’investissement basés sur une monnaie au cours stable (ou directement dans leur pays d’origine et non d’accueil). Pour ses besoins locaux, il pourra toujours épargner sur des supports locaux de façon à avoir des sommes disponibles.

Anticiper la question de la dévaluation dans son contrat d’expatriation

Sylvie Collignon, Head France Global Mobility Services chez Mazars, donne 3 solutions à intégrer dans sa négociation pour anticiper l’écueil d’une dévaluation dans la monnaie locale :

Le split-paiement.

On insère une clause au document contractuel répartissant le versement de la rémunération du salarié en situation de mobilité entre le pays d’origine (libellé en euros) et le pays d’accueil (libellé en monnaie locale).

« Ce versement de la rémunération permet de couvrir les dépenses de la vie courante dans le pays d’accueil. Seule cette partie devra être indexée en cas de variation importante du cours de change entre les devises respectives des pays d’origine et d’accueil. »

La réévaluation annuelle.

On peut prévoir, dans le document contractuel, une réévaluation annuelle du salaire en fonction d’un index de taux de change pré-défini dans l’avenant de mobilité internationale.

La garantie d’un salaire net.

Ce fameux « salaire net de référence », déterminé après un calcul en « U », « et ce, quelque soit la devise de versement ».

Des solutions à adapter au cas par cas…

Sylvie Collignon ajoute : « Toutes ces solutions devront être adaptées en fonction du lieu de la mobilité internationale et des exigences du salarié, mais également des contraintes budgétaires de l’employeur. À noter que lorsque le contrat est un contrat local, l’employeur acceptera difficilement d’appliquer le « split payment » à la rémunération du salarié, ou encore de garantir un salaire dit de référence en euro, du fait des contraintes liées à la sortie de devises imposées par les banques centrales des pays d’accueil ».

Eric le confirme : « en pratique, c’est assez rare d’obtenir le versement de 100 % du salaire en euros. Généralement, les entreprises acceptent du 50/50, voire même 70 % en monnaie locale pour seulement 30 % en devise étrangère. »

Magali rêve, quant à elle, d’une alternative : « Pourquoi ne pas prévoir un versement 100% en monnaie locale, mais avec un taux garanti au moment de transférer les fonds en France. La différence entre le taux réel et le taux garanti serait remboursée par l’entreprise en cas de dévaluation. Encore faut-il que l’employeur y consente… »

Comment réagir quand la dévaluation monétaire se produit ?

Pour Magali, « cela dépend d’abord du projet de vie. A-t-on envie ou besoin de rentrer en France ? À court terme ou long terme ? Tant qu’on ne rentre pas et que l’on n’a pas d’engagement dans une devise étrangère, cela ne pose pas vraiment de problème. On continue à dépenser dans son pays d’accueil. Les vacances en France deviennent certes un peu plus chères, voire sont rendues impossibles. C’est peut-être un point à négocier aussi avec l’employeur. »

Pour Sylvie Collignon, une des solutions est de « rapatrier une partie des sommes épargnées. La solution est de transférer la moitié de son épargne vers le pays d’origine lorsque l’on se rend compte de la dévaluation et de conserver une partie en monnaie locale, dans l’attente d’une réévaluation du cours de la monnaie, de façon à minimiser la perte et de sécuriser une éventuelle dévaluation plus importante encore. »

Bon à savoir

Il est préférable de faire appel à un conseil pour procéder aux rapatriements de votre épargne. Il est, en effet, nécessaire de certifier l’origine des fonds afin d’éviter toute requalification de blanchiment d’argent. Cet accompagnement est d’autant plus important que les devises étrangères ne peuvent pas toujours être converties en monnaie locale pour être ensuite placées sur des véhicules d’investissement.

Eric conseille aux expatriés qui se retrouvent dans cette situation « de renégocier immédiatement avec leur employeur et ne surtout pas attendre. Il faut absolument obtenir quelque chose pour compenser cette situation ». Et il ajoute : « tactiquement, il faut commencer par demander de basculer 100 % du salaire dans la devise étrangère, en euros par exemple. Et partir sur cette base pour négocier. »

Pour Magali, si rien n’a été prévu dans le contrat, la marge de manœuvre de l’expatrié est mince. « Cela ne va pas être simple. Pour ma part, je n’ai rien négocié, car je devais être localisée au même moment »

La Rédaction remercie le Cabinet Mazars pour sa contribution à cet article et son expertise dans ce domaine.

 

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