Habitat intergénérationnel, mode d’emploi

habitat intergénérationnel

Tous les ans, en fin d’année, la même effervescence sur les groupes de parents expats au sujet du thème : le logement des jeunes enfants expats. Difficulté de trouver des logements disponibles à des prix raisonnables, de monter un dossier avec des pièces justificatives valables non disponibles à l’étranger, prix des meubles qui atteignent des sommets… Et puis, cette petite voix que l’on entend chez certaines : mon bébé qui entame cette nouvelle indépendance et moi à l’autre bout du monde. Depuis quelques années déjà, on parle d’habitat intergénérationnel dans les grandes villes de France. De quoi s’agit-il ? FemmExpat a tenté d’y voir plus clair. Cerise sur le gâteau, cette solution pourrait même arranger certains expats aux parents de plus en plus dépendants…

Habitat intergénérationnel : le principe en France

Techniquement, le principe est encadré par la loi :

« La cohabitation intergénérationnelle solidaire permet à des personnes de plus de 60 ans de louer ou de sous-louer une partie de leur logement à un jeune (moins de 30 ans), dans l’objectif de renforcer le lien social et de faciliter l’accès au logement à un jeune. »

Source : legifrance.

L’objectif, on l’a compris : d’un côté, proposer des logements disponibles rapidement dans des grandes villes à des étudiants ou jeunes actifs, de l’autre, permettre à des jeunes seniors disposant d’une chambre libre chez eux de bénéficier d’un complément de revenu et d’une présence.

Dans les faits, plusieurs solutions sont possibles :

  • La première est de mettre en place ce système au sein de votre cellule familiale ou de vos connaissances. Il est alors recommandé d’établir un contrat écrit, mentionnant les pièces mises à la disposition du jeune, la désignation des lieux partagés, la durée du contrat, le montant de la contrepartie financière, et/ou l’organisation de menus services, les obligations de chacun, et les modalités de fin de contrat. (Source)
  • La deuxième est de passer par un tiers, association ou société privée, qui facilite la mise en relation entre jeunes et personnes âgées. Ces structures utilisent une charte qui présente les principes pour vivre ensemble au quotidien et qui sert de support « moral » pour une bonne cohabitation.

Concrètement, comment cela se passe ?

Les procédures varient selon les acteurs de mise en relation. Chez Colette, une start-up qui revendique près de 900 collocations depuis 2020, la procédure est la suivante :
1) Le jeune s’inscrit gratuitement sur le site – pour être validé, le profil doit être renseigné au maximum.

2) L’équipe prend contact avec le jeune, pour valider ses attentes, essayer de comprendre sa personnalité, son profil, son besoin. On vérifie aussi qu’il adhère aux valeurs de la communauté. On lui attribue un accès à la plateforme de mise en relation et surtout, on lui demande de compléter un peu plus finement encore son profil.

3) Le jeune a ensuite accès à l’ensemble de la base des logements disponibles. Il est donc libre de rentrer en contact avec l’hôte. Si tout le monde est d’accord, la réservation se fait en ligne. À noter qu’ici, pas de frais de dossier ni pas de dossier de garantie exigé. Le prix (moyenne de 590 €/mois à Paris) comprend les charges. Il n’est donc pas nécessaire d’attendre l’ouverture d’une ligne Internet, ni EDF.

Justine Renaudet co-fondatrice de la start-up explique :

« la procédure est très rapide – il arrive qu’un jeune se connecte un jour et que le lendemain il trouve un logement ».

Une charte de cohabitation est tout de même proposée, dans laquelle par exemple, l’hôte va donner des règles en matière d’invitations, etc. Contrairement à certaines associations, Colette n’impose pas l’obligation de rendre des services au senior. Mais cela peut tout à fait se faire au fil du temps…

4) L’équipe Colette est présente pendant tout le processus de recherche pour mener à bien chaque cohabitation. Juliette Renaudet poursuit :

« Notre chargée de l’accompagnement des binômes passe des appels réguliers. Aux deux parties : jeune et senior. Au bout de quelques jours, puis à la fin de la première semaine, et à la fin du 1er mois. Si on sent la moindre incompatibilité d’un côté ou de l’autre, on propose de trouver d’autres candidats. Il peut nous arriver de mettre fin à une collocation pour incompatibilité d’humeur d’un côté ou de l’autre. Notre rôle est de faire en sorte que la situation ne dégénère pas, c’est pourquoi on intervient tôt ! ».

Combien ça coûte ?

Chez Colette, chaque locataire s’engage à régler mensuellement à la plateforme la contribution financière due ainsi que des frais de services de 38€ / mois comprenant la qualité de service, l’accompagnement mais aussi l’assistance aux questions administratives (contrats, chartes, assurances, etc.). Côté propriétaire, Colette prélève 15% sur les revenus perçus par les hôtes et leur assure en contrepartie la solvabilité des locataires.

Et s’il ne paie pas ?

« On cherche des solutions », explique Justine Renaudet, « mais sur 900 dossiers en 2 ans, nous n’avons eu que 2 dossiers présentant des retards de paiement. Ce n’est pas dans l’esprit de la collocation intergénérationnelle. C’est pour cela aussi que nous insistons beaucoup sur l’importance du dossier de profilage. Plus les membres de la plateforme seront précis sur leurs besoins et envies, plus la collocation se passera bien. »

Une solution pour les parents ?

Cette solution peut également vous intéresser pour vos parents. En effet, si ceux-ci possèdent une pièce de libre et sont d’accord de partager une partie de son logement avec un jeune, cela peut permettre d’avoir des revenus supplémentaires d’une part, et/ou de bénéficier d’une présence ou d’une aide (cela dépend des structures et des associations).

Le cadre légal et fiscal

En France, la cohabitation intergénérationnelle solidaire peut être réalisée chez un propriétaire ou chez un locataire (du parc privé ou du parc social). Lorsque le sénior est locataire de son logement, il doit informer préalablement le bailleur de son intention de sous-louer une partie de son logement à un jeune de moins 30 ans dans le cadre d’un contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire. Le bailleur ne peut s’y opposer.

Les personnes qui louent ou sous-louent en meublé une ou plusieurs pièces de leur habitation principale sont exonérées de l’impôt sur le revenu pour les produits de cette location sous réserve que :

  • Les pièces louées constituent pour le locataire ou le sous-locataire en meublé sa résidence principale (ou sa résidence temporaire dès lors qu’il justifie d’un contrat de travailleur saisonnier) ;
  • Et que le prix de location demeure fixé dans des limites raisonnables. Les prix (pour 2020) sont les suivants : 190 €/ m²/ an en Ile-de-France, 140 €/ m²/ an dans les autres régions.

Sites utiles
https://www.colette.club/
https://www.cohabilis.org/
Autres associations : https://ensemble2generations.fr/
https://www.logement-solidaire.org/decouvrez-lhebergement-intergenerationnel-et-solidaire

Zoom sur la Belgique et 1Toit2Ages

habitat intergénérationnel

Nous avons rencontré Claire de Kerautem, fondatrice de l’Association 1Toit2Ages en Belgique, et récemment lauréate du Trophée Impact social 2022 des Français de l’étranger, organisés par lepetitjournal.com.

Comment est née l’idée d’1Toit2Ages ?

C’était un vrai pari au départ. A mon arrivée en Belgique en suivant mon conjoint il y a 14 ans, l’habitat intergénérationnel commençait à se développer en France. De mon côté, j’avais très envie de m’investir auprès des personnes âgées, et, étant enseignante à l’origine, j’étais très heureuse de garder un lien avec les jeunes. J’ai démarré totalement bénévolement en Belgique, et très rapidement, le concept a pris. Il faut dire qu’à l’époque, les maisons de retraite manquaient de place, les étudiants avaient aussi du mal à trouver des logements. Nous apportions une solution concrète de désengorgement… J’ai commencé par démarcher le bourgmestre (le maire) de la commune d’Etterbeek et de fil en aiguille, l’Etat, la Région se sont intéressés à nous.

« 1Toit2Ages » voit le jour en juillet 2009. À partir de 2012, l’association obtient de nouvelles aides de la ville de Bruxelles puis de la Wallonie et d’autres régions ou villes ont suivi. Aujourd’hui, 13 ans plus tard, nous sommes 11 salariés et 4 bénévoles. Nous avons créé plus de 4000 binômes (520 en 2021). À noter que 25% de nos étudiants sont Français et que nous accueillons également des étudiants en Erasmus.

Comment fonctionne 1Toit2Ages ?

L’objectif de l’Association est de mettre en relation des jeunes à la recherche d’un logement et des seniors à partir de 50 ans disposant d’une chambre libre pour la période universitaire. Nous avons des partenariats avec les universités et les écoles du pays, et le bouche à oreille est important, mais c’est à l’étudiant de faire la démarche de nous contacter. Ensuite, nous organisons deux rencontres pour valider le profil et surtout confirmer sa motivation. Nous accordons beaucoup d’importance à cette sélection, car c’est la garantie d’une cohabitation réussie. Côté sénior, nous sommes vigilants aussi à ce que l’on nous demande comme services. Nous tenons à ce que les étudiants ne soient pas considérés comme des garde-malades. Nous visitons les logements avec un regard de mère de famille (est-ce que je voudrais que ma fille ou mon fils habite ici ?). Comme pour d’autres structures, nous recherchons ensuite l’accueillant qui « matche » avec le candidat étudiant.

Leur première rencontre se fait sans nous, et nous signons ensuite ce qui constitue le cadre légal en Belgique : une « convention d’hébergement provisoire et précaire ». Spécificité 1Toit2Ages : chaque visiteur de l’étudiant doit faire l’objet d’une autorisation préalable, ce qui veut dire que les invitations et fêtes sont exclues par principe.

Vous intervenez ensuite dans le suivi ?

Notre suivi est continu. Nous passons des appels aux accueillants et aux jeunes, et nous organisons aussi des activités, comme nos dîners intergénérationnels : nos séniors se rencontrent entre eux, et les jeunes également. Nous organisons aussi des activités pour les séniors uniquement. Notre vocation est de réduire leur isolement au maximum. Les résultats sont d’ailleurs très émouvants : certains seniors retrouvent le goût de la vie, reprennent des forces en partageant des repas avec leurs jeunes. Et les étudiants bénéficient d’un cadre rassurant, bienveillant, confortable et parfois même une aide pour leurs études !

Est-ce que la notion de service est obligatoire quand on habite chez un sénior grâce à 1Toit2Ages ?

Aujourd’hui, nous avons deux formules payantes :

  • L’une inclut un service : le jeune paie son logement 180€ par mois en échange de 5 heures de service par semaine
  • La deuxième ne comprend pas de service, le loyer oscille entre 350 € voire 400 € pour l’étudiant.

En revanche, nous insistons pour que la cuisine reste partagée, pour que le lien se fasse et qu’ait lieu cet échange implicite entre les deux générations. À noter que le revenu n’est pas imposable en Belgique dans le cadre de cette convention.

Quels sont vos projets pour les années à venir ?

Nous sommes portés et inspirés par tout ce qui se fait en matière d’habitat intergénérationnel dans les pays nordiques. Nous allons continuer nos efforts en Belgique, mais en allant plus loin encore, par exemple, en proposant à des étudiants des chambres dans des maisons de repos. Belles histoires à venir aussi, par exemple, nous avons une étudiante en musique qui bénéficie du piano du foyer pour s’entraîner après ses cours. Et redonne ainsi vie à la maison tout entière !

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