Brexit vu de Londres : « la fête est finie »


A l’été 2005, lorsqu’Adélaïde (et celui qui deviendra ensuite son époux) prend ses quartiers à Londres, la fête bat son plein. La ville célèbre sa sélection pour l’organisation des JO 2012. 

Quatorze ans plus tard, trois filles et un passage aux Pays-Bas dans l’intervalle, la famille continue de s’épanouir dans la capitale anglaise. Pourtant, aujourd’hui, la question du « pour combien de temps » se fait de plus en plus sentir.

Retrouvez le touchant témoignage d’Adélaïde qui met des mots sur les parcours de ces Londoniens de coeur qui se préparent avec incertitude au Brexit, lorsque le Royaume-Uni sortira de l’Union Européenne. Avec ou sans accord.

 

Londres a l’avantage (ou le désavantage) d’être une ville française installée à l’étranger

Cela permet une intégration facile et rapide. Très vite nos amis sont devenus une deuxième famille et nous avons profité à fond de cette ville durant nos premières années de jeune couple sans enfant.

En 2007 mon mari a changé d’entreprise et nous sommes partis à Amsterdam où nous avons eu notre premier enfant.

En 2010, lorsque l’on propose à mon mari de revenir à Londres, nous ne nous posons même pas la question, Londres nous manque trop et nous déménageons juste avant la naissance de notre deuxième fille. Le retour se fait encore plus facilement, nous avons maintenant deux enfants et un autre rythme de vie mais nous retrouvons notre « famille » Londonienne comme si nousl’avions quitté la veille.

 

Pendant toutes ces années nous avons vécu au rythme des fêtes de chacun

Les 30, 35 ans, puis les 40 ans, les anniversaires de mariage ou les pendaisons de crémaillère… Jusqu’à ce jour de Juin 2016 qui a marqué un changement dans nos vies d’expatriés Londoniens.

Pour être honnête, comme la plupart des anglais, nous n’avions pas vu le LEAVE venir, après le referendum en Ecosse celui la devait passer aussi facilement… C’est quand les premiers résultats sont tombés dans la nuit du 23 au 24 juin que nous avons commencé à réaliser.

 

Nombreux sont ceux qui ne pouvant plus dormir sont partis au bureau dès 4h du matin pour regarder les résultats arriver.

Ce jour là, c’était la fête de l’école au Lycée Français, nous nous sommes tous retrouvés avec une sensation de gueule de bois, abasourdis et incrédules. Ce jour là, j’ai eu pour la première fois la sensation de ne pas appartenir à ce pays, en tout cas que ce pays n’avait pas l’intention que j’y reste.

Cela va bientôt faire 3 ans, le 29 mars jour de la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne approche et jour après jour les points d’interrogation se font de plus en plus nombreux.

Ce 23 Juin 2016 nous sommes rentrés dans une zone de brouillard et plus les jours passent, plus le divorce approche et plus le brouillard s’épaissit.

 

L’ambiance a changé, des fêtes d’anniversaires nous sommes passés aux pots de départ 

Jusqu’à aujourd’hui la majorité des départs que nous connaissons n’étaient pas directement liés au Brexit mais les conséquences indirectes. Beaucoup ont saisi les opportunités ou occasions qui se présentaient à eux pour quitter l’Angleterre à un moment où notre avenir était trop incertain.

C’est maintenant seulement que les entreprises commencent à se réorganiser, à tenir compte de l’éventualité d’un no deal et à envoyer leurs salariés dans les différents pays d’Europe. C’est je pense au printemps que nous verrons le plus de départs liés directement au Brexit.

Les conversations entre amis tournent autour des diverses questions qui se posent à chacun de nous: qui seront les prochains à partir, seront-ils envoyés en Europe en cas de Brexit ou de hard Brexit, doit on prendre la nationalité anglaise ou la « permanent residency », quelle sera notre protection sociale après la sortie, nos trajets entre la GB et la France risquent-ils d’être plus compliqués, nos enfants pourront ils faire leurs études dans les universités anglaises et à quel coût…?

 

A l’école aussi, cela change

Le Lycée Français a du mal à y voir clair et boucler son budget. L’avenir étant incertain pour beaucoup, les départs sont généralement annoncés à l’école au dernier moment libérant des places si chères il y a quelques années mais qui semblent avoir plus de mal à trouver preneur en ces temps de Brexit.

On parle d’augmenter une nouvelle fois les frais de scolarité pour faire face à ces départs et pour la première fois l’école de nos enfants organise des journées portes ouvertes quand hier nous croisions tous les doigts pour y obtenir une place.

 

London BridgePour nos enfants, le Brexit reste un concept flou

Nos enfants entendent souvent parler du Brexit, cela reste pour eux un concept flou, ils ne comprennent pas pourquoi ils ne pourraient pas rester dans le pays où ils ont toujours vécu et pourquoi les anglais veulent cette séparation alors que nous vivons sans problème avec eux.

Mais elles ont compris que Brexit signifiait changement et commencent parfois leurs questions par « et quand il y aura le Brexit on habitera où, quand ca sera le Brexit on peut aller dans telle école? ».

 

Nos amis anglais ont de leur côté une grande sensation de gâchis

Certains avaient voté pour le LEAVE pensant seulement donner un avertissement mais que cela ne passerait pas. Ceux là regrettent amèrement aujourd’hui, reconnaissent qu’ils ont été trompés pendant la campagne.

Les autres ont du mal a comprendre de quoi leur avenir sera fait et sont tellement déçus. Il faut dire que depuis bientôt 3 ans le pays s’est arrêté et vit au rythme des négociations. Heureusement qu’il y a mariage et naissances dans la famille Royale pour changer de sujet dans les medias. La politique tourne uniquement autour du Brexit, on ne parle plus santé, sécurité, c’est comme si tout était mis en attente de la décision finale.

Bien sûr depuis le temps que nous sommes à Londres nous pourrions faire comme beaucoup de Français et demander la nationalité Britannique pour toute la famille. Pour l’instant nous n’avons pas choisi cette option. Nous sommes avant tout Français et si la seule façon de rester sur cette île est d’en avoir le passeport cela signifie que ce pays a définitivement perdu tout son sens de l’ouverture et ce multiculturalisme qui nous plaisait tant.

 

Aujourd’hui se pose donc la fameuse question « should I stay or should I go now ? »

Ce serait pour nous un déchirement de quitter cette ville qui a vu grandir nos enfants, ou nous sommes heureux et avons trouvé l’équilibre pour notre vie de famille. Nous sommes conscients que nous sommes Français, que nos familles et nos racines sont en France et que nous finirons surement par y retourner un jour. Cette question arrive malheureusement plus tôt que prévu.

Même si un retour n’est pas aussi simple qu’il n y parait, ce ne sont pas les démarches administratives ou l’acclimatation qui m’inquiètent mais plutôt les écoles des enfants à notre retour. Bien que ce soit un Lycée Français, nos filles évoluent dans un environnement multiculturel, dans leurs classes plus de la moitié des élèves ont au moins un parent étranger, tous nos enfants sont bilingues.

 

Je m’inquiète de perdre cette ouverture et ce bilinguisme

Les écoles internationales en France sont prises d’assaut et cela devient quasi-impossible de trouver des places. Les Français rentrent en nombre et il va falloir trouver de la place pour tout le monde, même les écoles non bilingues ne sont pas faciles d accès.

 

Vivre à l’étranger c’est sortir de la vie ordinaire à laquelle nous nous étions habitués

J’ai eu, toutes ces dernières années, une sensation de vacances entourée d’une famille de substitution. Aujourd’hui j’ai le sentiment que la fête est finie, les vacances se terminent doucement.

La question pour nous est donc: voulons nous partir les premiers avec regret et plein de bons souvenirs ou souhaitons nous rester jusqu’au bout, voir les autres partir et notre vie jusqu’à présent si agréable prendre le risque de se compliquer de plus en plus…?

 

Adélaïde

 

 

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