« Je n’en peux plus » « C’est moi qui fais tout. ». Le thème de la charge mentale en expatriation appartient à la liste des sujets chauds, voire explosifs. Le stress des expatriés est un sujet difficile à mesurer, mais les résultats de notre dernière enquête nous apportent quelques pistes. On en parle.
Une charge mentale des expatriés qui augmente pour tous
Selon les 3232 personnes qui ont répondu à l’enquête cet été, sur une échelle de -10 à +10, la charge mentale augmente en moyenne de 2 en expatriation. Cette augmentation du stress concerne toutes les catégories étudiées y compris les retraités (+1,5).
L’expatriation : une aventure pas si légère que cela
Rappelez-vous des chiffres de notre première enquête de l’année : les expatriés plébiscitent l’expatriation (vous êtes encore près de 91% à recommander cette expérience), mais n’hésitent pas à en souligner la complexité et le prix à payer. L’expatriation est donc bonne mais pas si facile, et stressante. Voyons cela de plus près.
L’augmentation la plus importante de charge mentale concerne les collaborateurs expatriés par leur entreprise (+2,2), pourtant ceux qui sont le plus dégagés des tâches dites « ménagères ».
La pression serait donc plus grande pour celui (ou celle…) qui est à l’initiative du départ ? Marie-Florence Astoin, Expat Coach chez Expat Communication le constate dans ses accompagnements :
« Oui, la charge mentale, ce poids qui vient s’ajouter aux responsabilités professionnelles, est présente chez un bon nombre de collaborateurs. En cause ? Le poids psychologique de porter principalement un projet qui bouscule toute une famille : la réalisation professionnelle du conjoint mais aussi les enfants, surtout à l’adolescence, et le vieillissement de ses propres parents. »
Un contexte pesant qui alourdit la charge mentale des expatriés
Mais ce n’est pas tout. En effet, d’autres items se dégradent en 2023 ou restent à des niveaux extrêmement bas. Le coût de la vie est l’élément qui récolte la plus faible satisfaction parmi tous ceux qui sont mesurés (3,15 sur 5). 84% des expatriés estiment que l’inflation a érodé leur pouvoir d’achat en 2023 et la moitié de ceux-ci notent une érosion conséquente.
Marie-Florence Astoin abonde dans ce sens avec une autre explication :
« Avec le temps, la carrière du conjoint ne progressant pas aussi vite que celle du collaborateur, le poids financier repose davantage sur le collaborateur expatrié. S’en suivent d’autres sources de stress pour lui… Notamment, la préparation du « coup d’après » : le poste suivant est une étape qui devient de plus en plus décisive… des paramètres différents rentrent en compte : scolarisation de lycéens, éloignement d’enfants étudiants, carrière du conjoint,… Le poids qui repose sur celui qui mène la famille devient de plus en plus lourd de conséquences. On comprend donc bien ces chiffres ! ».
A noter que certains items sont constants et illustrent la complexité de la situation des expatriés : les démarches administratives bien sûr, les relations avec la famille élargie qui se dégradent pour 28% des expatriés.
Résultat, le niveau de moral des expatriés atteint son niveau de moral le plus faible depuis avril 2021, à 65 points, loin de l’embellie de l’été 2022 à 72 points.
Et la charge mentale du conjoint expatrié, on en parle ou pas ?
Eh oui. Pas de miracle sur ce point : parmi toutes les catégories étudiées, ce sont toujours les conjoints expatriés qui ont le niveau de moral le plus bas (61 points).
Pourtant, en lissant les réponses des hommes et des femmes sur le partage des tâches, pas de déséquilibre visible : éducation des enfants, tâches ménagères, santé etc. Le partage en soi, est bien là. Non, la mauvaise nouvelle vient plutôt du décalage de perception entre les hommes et les femmes sur cette répartition des tâches domestiques.
Pour les 15 tâches étudiées par le baromètre, la perception des hommes et des femmes sur la part des tâches accomplies par les femmes différait de la même façon : les femmes ont l’impression d’en faire largement plus que ce que les hommes pensent.
Si l’on rajoute à ces résultats, les données de mai dernier sur le sentiment de sacrifice ressenti par les conjoints expatriés (A la question « Vous diriez que ne pas travailler ou mettre votre carrière entre parenthèse le temps de l’expatriation représente un sacrifice ou une chance? » l’ensemble des répondants (tous panels confondus !) répond à 65 % qu’il s’agit d’un sacrifice.), on comprend la difficulté de nombreux conjoints expatriés et le sentiment de divergence que ressentent de nombreux couples à l’étranger.
Et le couple dans tout ça ?
Pourtant, comme toujours depuis qu’on les étudie, les couples expatriés vont bien. Un tiers estime que l’expatriation les a beaucoup rapprochés.
Le risque, on le connaît, et Alix Carnot, directrice associée d’Expat Communication et auteure de « Chéri(e) on s’expatrie, guide de survie à l’usage des couples aventuriers » nous le redit : « le risque en expatriation, c’est la divergence. Ces chiffres en sont la manifestation. Une divergence de vues, c’est un risque de frustration et des tensions. »
Alors un dernier conseil… Sur ce sujet de la charge mentale faites un exercice simple. Dressez ensemble la liste des 15 tâches les plus prenantes dans votre couple (courses, impôts, devoirs des enfants…). Inscrivez les dans un tableau avec trois colonnes : moi, toi, autre. Puis séparément, indiquez le pourcentage réalisé par chacun pour cette tâche. Ensuite, comparez vos réponses et surtout, parlez-en. Le but consiste à s’accorder sur la vision de ce qui est, mais surtout de ce qui pourrait être.
Sur le sacrifice, il est possible de faire cette même liste… d’un côté les pertes, de l’autre les gains. Les compensations existent sans doute, mais nécessitent parfois d’être explorées avec créativité, et à deux.
Une matière dense pour une ou des soirées à ne pas repousser trop longtemps…
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