Lost in translation – Quand l’expatriation coupe les ailes des « brave, brave girls »

Lost-in-translation-quand-expatriation-coupe-les-ailes-des-brave-girlsAvez-vous appris ce nursery rhym légèrement obsédant ? « I’m a brave, brave mouse, I go marching round the house, and I’m not afraid of anything. » J’y ai souvent pensé ces derniers temps en entendant des témoignages d’expatriées. Car dans ma mémoire d’enfant, ce poème était devenu « I’m a brave, brave girl… ».

Inconsciemment, il est donc devenu mon injonction secrète.

Ainsi, tout au long de mon parcours d’expat, quand les difficultés surgissaient et qu’il fallait faire face et serrer les poings, une petite voix me répétait « I’m a brave, brave girl… ». Sans doute est-ce aussi un reste de mes années australiennes, dans un pays où « good girl ! » constitue le compliment ultime.

 

Or aujourd’hui, je voudrais rendre hommage à toutes les brave, brave girls que je croise si souvent.

Et dévoiler l’un de leurs aspects les plus secrets. Car voici ce que taisent bien des femmes courageuses, joyeuses, positives qui animent nos communautés à l’étranger. Ces femmexpats que vous êtes peut-être et qui de l’extérieur semblent des rocs. Ces femmes à la fois si solides et si humaines.

 

Retour dans le temps

Lancement de l’un des premiers groupes de job booster cocoon. Plusieurs femmes m’impressionnent. De nombreuses expatriations au compteur, des débuts de carrière prestigieux, et de magnifiques réalisations professionnelles et bénévoles. Incontestablement élégantes et cultivées, elles semblent sûres d’elles. Peut-être pourraient-elles même paraître un peu imposantes si elles n’étaient si simples et amicales.

 

Jusqu’à ce que je leur demande de décrire leurs ambitions.

Et là, l’image se brouille. Les wonderwomen se liquéfient, au sens propre du terme. Le paquet de mouchoir oublié sur la table n’y suffira pas.

 

Quelle arme nucléaire ai-je déclenché sans le vouloir qui a pulvérisé en un instant la joie dont elles rayonnaient ?

Quelle blessure inattendue se cache donc derrière leur gaieté apparente ?

Avec le temps, j’ai appris à mieux comprendre cette faille que l’on retrouve chez tant d’expatriées aguerries. Je la vois souvent s’approcher sur les visages pendant des coachings ou au détour d’une conférence.

 

Alors je lui ai donné un nom : « lost in translation ». Désertion intérieure.

C’est un cousin germain du burn-out. Et comme son proche parent, il atteint surtout les gens courageux et dévoués.

 

Reprenons leur histoire…

Au début, il y avait une jeune brave, brave girl.

Mais oui, vous connaissez cette variante féminine du bon petit soldat. Une femme positive, confiante dans la vie et ravie de partir habiter à l’étranger. Une femme qui a fait avec joie son boulot de conjoint expatrié, ou d’expatriée en titre, installant la famille, recréant pour tous une bulle protectrice à la maison. Pour ce premier départ, la tristesse des arrachements était occultée par la joie des découvertes.

Puis elle s’est adaptée. Avec plaisir souvent. Elle a recréé une vie sociale et s’est ainsi attachée à de nouveaux horizons. Bien sûr, le quotidien n’était pas toujours facile, il y avait des sacrifices. Mais elle sait bien qu’on ne peut pas tout avoir dans la vie. Et elle est convaincue d’être déjà tellement gâtée !

 

Au bout de trois ans, il a fallu repartir.

Quitter les amis si chers, et ces lieux qui sont devenus familiers. Ce cocon construit dans l’effort, et que l’on a habillé de bonheur. Le cœur saigne, bien sûr, mais il faut encourager les enfants. Et puis, le nouveau pays sera sûrement très bien. Il y a des choses positives partout. Tu sais, il est inutile de se plaindre, ça fait fuir les potentiels amis. Brave, brave girl en action. Avance petit soldat, nous avons tellement de chance ! Et ça marche. Bon, moins en ce moment, évidemment, nous le savons bien.

La famille installée, on s’adapte. Ici, pas de boulot, mais du bénévolat. C’est intéressant aussi, et humainement si riche. On attrape les opportunités ; on n’est pas là pour longtemps alors on déroule la machine à accueillir, à visiter, à se réjouir. Même dans les temps d’incertitudes et de travel ban; plutôt que de se plaindre, on va aider les autres.

 

Adieu à tous, ça recommence. Nouvelle langue, nouvelle ville.

Les enfants s’envolent, emportant avec eux le cœur de leur mère, c’est la vie ! Tout va bien, il y a les amis et tant de choses à apprendre. Certaines ont des grandes responsabilités professionnelles ou associatives. Certains couples font envie. D’autres explosent. On se serre les coudes. Jusqu’à cette question venue par hasard au détour d’un accompagnement professionnel, ou sortie de la bouche d’un vieux copain :

 

« Et toi, que voudrais-tu faire dans cinq ans ? »

Question banale, question fatale, pour bien des brave, brave girls. Qu’est-ce qu’elle voudrait faire ? Pas la moindre idée.

 

Pourquoi cette question si simple la plonge-t-elle dans un gouffre si amer ?

Elle si adaptable et positive, pourquoi s’effondre-t-elle ainsi ?

« J’ai toujours réussi à m’adapter. Mais ne me demande pas de rêver, ni de me projeter, et encore moins de me vendre. On me dit, je fais ! »

La brave, brave girl a appris à se conformer à ce que la vie lui apportait. Elle a effectué d’énormes efforts dans ces transitions pour apprivoiser la tristesse du départ et construire une nouvelle vie. Elle a rarement pris le temps de mesurer les renoncements consentis. Quel intérêt de se regarder le nombril ? On pourrait s’y noyer.

 

Dans cet immense effort pour se plier à son sort, elle a abandonné sa capacité à désirer son futur.

Son ambition et l’image qu’elle se faisait de sa réussite se sont estompées. Et comme autour d’elle, beaucoup d’autres femmes ont des parcours similaires, cela lui semble normal. D’autant plus que, ne nous méprenons pas, elle est globalement satisfaite de son sort et ne regrette pas ses choix.

Jusqu’à cette question qui maintenant ne l’abandonne plus. « Que voudrais-tu faire de ta vie ? ». En un instant, tous les efforts pour soutenir la famille, pour s’adapter, pour partager, s’évanouissent. Si on la compare à tant d’autres, cette vie nomade n’est-elle pas complètement futile ? Au retour, qui va en reconnaître la valeur ? Alors le doute si longtemps refoulé se déchaîne, révélant la fragilité de celle qui s’est oublié en donnant. Mais où est donc passée la brave, brave girl ? A force de s’adapter, elle a disparu !

 

Sous ses dehors pimpants, cette femme expat s’était perdue dans la transition

La prise de conscience est douloureuse, mais décisive. Et c’est là que l’accompagnement du job booster cocoon est irremplaçable. Le travail sur ses réalisations, la reconnaissance des autres membres du groupe, la confrontation positive avec le marché, un solide mélange de réalisme et de bienveillance, permettent de retrouver confiance et une vision plus claire de son futur. Un magnifique chemin pour se réconcilier avec ses choix, et renouer avec son potentiel.

Avec toute mon admiration pour les brave, brave expats girls et leurs magnifiques trajectoires !

Alix Carnot

 

Parce que FemmExpat est aussi un lieu d’échange

Nous partageons  avec vous le message que nous avons reçu en réaction à cet article :

« Merci pour ce superbe article qui résume si bien la vie de “serial expat”.  Après déjà trois expatriations, je suis entrain de refaire mes valises (mon conteneur) pour Münster en Allemagne. Cet article me permet de mettre des mots sur une situation très difficile à expliquer. Pas seulement à ma famille en France, ou mes amis, mais aussi aux autres expats de mon entourage. 

On rencontre souvent des femmes/hommes qui font leurs premières expériences d’expat. Ils se sentent si chanceux, ils vivent une expérience irréelle. Je comprends. Je l’ai vécu. Mais lorsqu’on en est à sa 4ème expatriation, on sait ce qui nous attends : des valises, 1 mois de galère avant que le conteneur arrive, la difficulté de trouver une crèche, la recherche d’emploi et les mois de solitude et d’ennuis jusqu’à ce que tout rentre dans l’ordre.

Alors après cette phase d’adaptation où on aura serré les dents, reconstruit sa famille, retrouvé un semblant d’équilibre, après tout ça, là on se sentira mieux, même bien. On se fera des amis, on aura trouvé sa place dans la société et il sera temps de repartir. Dans ce contexte, rêver, se projeter, avoir de l’ambition… c’est impossible. Et lorsque l’on perd ça, on se perd nous même, comme vous l’avez si bien écrit.

Être femme expat, ce n’est pas simple, c’est même des fois extrêmement dur.

Alors avoir un peu d’aide pour trouver les mots, expliquer ses sentiments, c’est un vrai bonheur : Merci. »

Portrait Alix Carnot

Alix Carnot est Directrice Associée chez Expat Communication, l’éditeur de femmexpat  Auteur de Chéri(e) on s’expatrie.

Depuis 2014, Alix accompagne les couples expatriés dans leurs défis personnels et professionnels. Avec les experts de la Coach Academy d’Expat Communication, elle a construit des programmes spécialisés pour faciliter la réinvention professionnelle les des conjoints expatriés.

 

Si cela vous paraît plus facile à dire qu’à faire, n’hésitez pas à vous faire accompagner par un coach spécialisé qui saura vous écouter et vous accompagner en toute bienveillance dans cette période délicate de transition 👇

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