Identité de genre et enfants expatriés : comment ça se passe dans votre pays ?

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Pourquoi parler d’identité de genre pour les expatriés et pour leurs enfants ? Je vous propose deux raisons. D’abord parce que sommes dans la saison des parades des fiertés. Mais aussi parce qu’il est au typique des tensions culturelles que nous rencontrons en vivant à l’étranger. En effet, nous partons en expatriation pour découvrir d’autres cultures, d’autres valeurs. Voilà un message tellement tendance… Cependant cette rencontre n’est pas simple lorsque les valeurs en question nous concernent en profondeur et notamment lorsqu’elles impliquent nos enfants. La question de l’identité de genre et la façon dont elle est transmise à nos enfants expatriés se situe au cœur de cette zone de turbulence. Comment l’aborder sereinement ? De quoi s’agit-il ? Quels sont les enjeux ? Comme nous ne sommes pas toutes des spécialistes du sujet, repartons des bases puis nous travaillerons le changement de lunettes.

Identité de genre : LGBTQIA+, ça veut dire quoi ?

Pour la plupart des expatriés, l’acronyme LGBT est limpide, la suite parfois plus floue. Pourtant, interrogez vos grands enfants, vous verrez que la plupart sont incollables, et il est important de les suivre dans ces précisions.
L comme lesbienne. Une femme qui a des relations sexuelles avec une femme.
G comme gay. Un homme qui a des relations sexuelles avec un homme.
B comme bi. Une personne qui a des relations sexuelles avec un homme ou avec une femme.
T comme trans. Une personne née homme ou femme qui ne se sent pas appartenir à ce genre. Le terme transsexuel-le est parfois utilisé pour désigner plus spécifiquement les personnes trans opéré-e-s. Les personnes non-opéré-e-s peuvent être appelé-e-s transgenres.
Q comme queer. Une personne se dit queer quand elle ne se reconnaît pas dans la sexualité hétérosexuelle ou ne se sent pas appartenir à un genre défini.
I comme intersexe. Les personnes intersexes ne sont nées ni homme ni femme.
A comme asexuel. Les personnes asexuelles revendiquent le droit à ne pas ressentir d’attirance physique.
+ comme : et tous les autres.

Sources : Libération, Drapeau-LGBT


Jusqu’ici, rien de spécifique pour les expatriés, rien qui justifie un article dans femmexpat. Alors continuons.

Des situations sur les questions de genre extrêmement variées d’un pays à l’autre

La carte des droits LGBT dans le monde montre bien les contrastes extrêmes où sur ce sujet, toutes les couleurs co-existent entre reconnaissance totale et rejet absolu.

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Par Various (Initial version by Silje) — Travail personnel Sources listed in table entries at LGBT rights by country or territoryOther sourcesNigerian Sharia states based on File:NG-Sharia.pngMerida (Venezuela) from Venezuela Merida State Location.svgWisconsin: Blank US Map.svgLaw in Russia restricting freedom of expression and assembly [1]US after DOMA decision [2]Syria: [3]Belarus: [4], CC BY-SA 3.0,

Cette carte pourrait laisser penser que les pays occidentaux sont homogènes en ce qui concerne la question de genre. Mais beaucoup d’entre vous pourront le confirmer, ce n’est pas le cas, et c’est logique puisque nous parlons d’un phénomène en construction avec des évolutions très rapides à l’échelle du temps des valeurs qui est un temps long. Ce mouvement naît essentiellement dans les pays anglo-saxons et s’étend ensuite dans d’autres. En chemin, comme tout changement, il rencontre des résistantes plus ou moins importantes selon les cultures.
Dans les pays du Sud de l’Europe vont co-exister des législations assez ouvertes et des communautés aux positions plus traditionnelles.
Certains pays comme la Chine restent neutres. Ils ne reconnaissent pas mais ne sanctionnent pas. En revanche, ces questions doivent être prises très au sérieux dans les législations comme en Iran qui punissent l’homosexualité, parfois jusqu’à la mort.

👉Premier enjeu culturel : connaître et comprendre les règles et les valeurs de chaque pays.

Les communautés expatriées elles-mêmes sont partagées sur les questions d’identité de genre

Les communautés expatriées professent l’ouverture et la tolérance. Beaucoup revendiquent un rôle d’ambassadeurs entre les cultures.
Néanmoins, au sein même de ces communautés, sur ce sujet profondément lié aux valeurs personnelles, des divergences existent.
La culture expatriée est fortement marquée par l’influence anglo-saxonne très progressiste sur les questions de genre. On la retrouvera notamment dans les écoles internationales.
Mais les expatriés restent marqués non seulement par leurs cultures nationales, et aussi les valeurs de leurs groupes sociaux et religieux au sein de leur pays d’origine.
On trouvera ainsi des Tchadiens de culture internationale en pointe sur les questions de genre pourtant réprouvées dans leur pays, et des Américains issus de milieux conservateurs plus réticents.

👉Deuxième enjeu culturel : connaître et comprendre les valeurs de chacun au niveau individuel.

Des divergences qui tiraillent voire meurtrissent

On touche là aux zones plus complexes de l’ouverture culturelle.
En général, les expatriés observent avec bienveillance ou agacement les valeurs de leur pays d’accueil, ou des communautés expatriées qui les entourent, mais avec une certaine distance car ces valeurs ont un impact relativement limité pour eux. Il en est autrement pour les questions de genre.

Premier impact crucial, pour les personnes LGBT, ces divergences peuvent avoir un impact radical. Hors de question pour un couple lesbien de s’établir dans de nombreux pays musulmans. Même s’ils parvenaient à contourner l’interdit et à obtenir un visa, des dénonciations locales peuvent les mettre en danger d’emprisonnement voire de mort. Il ne s’agit donc pas d’être d’accord ou pas d’accord mais de se plier aux règles locales, ou de ne pas partir.

👉Troisième enjeu culturel : ouverture et tolérance certes, mais la violence fait aussi partie du champ culturel.

Des influences divergentes mais fortes sur les enfants

L’autre impact direct concerne les enfants. Les positions sur ces questions répondent souvent à des valeurs très profondes que chaque famille transmet à ses enfants.

La construction de l’équilibre de jeunes LGBT sera bien sûr plus difficile dans les pays qui punissent ces orientations avec les mêmes risques pour les adultes. On est là dans un registre radical.
Sur un plan moins essentiel, ceux qui arrivent de cultures plus ouvertes où ils ont été encouragés dans leur réflexion sur les différentes facettes de leur identité de genre et sexuelle peuvent être déroutés par le refus de certaines écoles, cultures ou communautés de prendre en compte cette dimension.


Et à l’inverse, des enfants pourront être déstabilisés par des positions radicales qui s’éloignent des valeurs de leur famille. Car nous le disions en introduction, si la culture du genre est récente son développement est puissant. Et nous entendons de plus en plus de parents décontenancés par des positions qu’ils jugent extrêmes, comme en Angleterre cette maman d’une adolescente souhaitant devenir garçon, sommée par l’école de faire disparaître de la maison les photos qui montraient l’enfant encore bébé en robe.
Or dans un sens comme dans l’autre, ces influences ont un impact profond sur la construction des personnalités des enfants expatriés, enfants particulièrement sensibles à ces questions en raison de leur déracinement géographique, familial et culturel, auquel s’ajoute comme pour tous les jeunes, la fragilisation due au Covid.

👉Quatrième enjeu culturel : les enjeux culturels ne sont pas théoriques, ils impactent jusqu’au futur de nos enfants.


Alors concrètement, comment réagir ?


Nous expatriés avons l’habitude d’être confrontés à des valeurs différentes. Alors face à ces questions, même si elles nous concernent plus directement, nous pouvons appliquer la même méthode que face à toutes les questions culturelles. Nous savons qu’il faut alors rester respectueux, authentique et sage. A l’image de la tortue.

Respectueux, en écoutant, en faisant la part des faits, des émotions et des interprétations, sans chercher à imposer nos valeurs. Sachons changer de lunettes pour oser découvrir les points de vue des autres.

Authentique aussi, en osant dire à nos enfants et autour de nous, ce que nous ressentons. Sans peur des tabous ni des diktats. Au moins vis-à-vis de moi-même.

Sage, en mesurant ma marge de manœuvre. Suis-je capable de vivre avec ces valeurs opposées aux miennes ? Mon rôle est-il de m’impliquer pour faire comprendre mon point de vue ? Si le sujet est crucial pour moi, que je ne peux rien changer, alors ne faut-il pas changer de pays ? Sinon, accepter d’évoluer avec philosophie dans l’espace que j’ai défini.
Cinquième enjeu culturel : l’intelligence interculturelle va de la connaissance jusqu’à l’action.

Et en tant que maman expat ?

Quelques pistes, avec Béatrice de Carpentier, conseillère conjugale et familiale, spécialiste de l’expatriation.

Une écoute active face aux questions d’identité de genre

Comme pour tout sujet avec nos ados, commencer par allier écoute et présentation de ses propres convictions. Ecouter ce que eux ont à en dire avant de projeter nos idées, peurs, désirs, etc.. sur eux. Attention à bien être à l’écoute des questionnements du jeune, qui peuvent être très loin de ceux que le parent projette.
D’un autre côté, nos jeunes ont besoin de connaître nos motivations et celles d’autres jeunes et adultes autour d’eux pour choisir leur propre voie, leurs propres convictions. Les parents sont des balises importantes sur leur chemin, même quand leurs choix divergent des leurs. Apres avoir pris le temps d’écouter en profondeur ce que vos enfants ont à dire sur le sujet, vous pouvez leur dire de façon concise votre point de vue et/ou ce que vous ressentez. (N’hésitez pas à relire « Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent », de Faber et Mazlish).

Que faire ?

Faire le point sur nos propres valeurs et pourquoi nous croyons ce que nous croyons, pour pouvoir en parler avec eux en vérité et cohérence. Démarche du « Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? » Pour se questionner en profondeur (à chaque réponse qu’on se donne, reposer la question pour aller un cran plus loin dans la réflexion). Un exemple :

« par exemple, je ne me sens pas à l’aise avec ce sujet – pourquoi ? – parce que j’ai peur d’être intrusif avec mon enfant – pourquoi ? – parce que mes propres parents ne m’ont jamais parlé de sexualité et j’ai peur de ne pas avoir les bons mots.’ Et à ce moment-la on peut se demander par exemple ‘finalement, ce serait quoi pour moi, les bons mots ?’

Si la discussion vient d’eux, quelle est-leur question précise ? Qu’est-ce qui fait écho en eux, les choque ou les intrigue ? Pourquoi ? Comment/à quel niveau cela les rejoint-il ou touche-t-il ou leur fait peur, etc..?

Si c’est le parent qui voudrait en parler : Qui s’inquiète par exemple, pourquoi ? Sur quoi cette inquiétude s’appuie-t-elle ? Est-ce une peur générale devant un phénomène de société ? Des attitudes/paroles de son jeune ? Remettre le doigt sur ce qui déclenche le besoin d’en parler…
Dernier enjeu culturel : l’intelligence interculturelle commence par la connaissance de soi, et c’est un long chemin.

Alix Carnot

Alix CARNOT

Directrice Associée chez Expat Communication, l’éditeur de FemmExpat.
Auteur de Chéri(e) on s’expatrie, guide de survie à l’usage des couples expatriés.

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