Carrière et retour en France. Souligner son atypisme, le témoignage de Lorraine

carrière et retour en franceCarrière et retour en France, l’équation impossible ? Lorraine, c’était cette jeune mère au Vietnam qui nous avait écrit un excellent article sur Vivre à Hanoi fin 2018. Une belle plume, un joli blog bien documenté, des photos dignes de National Geographic. Aux dernières nouvelles, elle suivait son conjoint à Yangon. 3 ans plus tard, c’est une Lorraine tout de même un peu transformée que l’on rencontre sur Teams. De retour à Paris, rapatriée en urgence de Birmanie à cause du coup d’état, elle est à présent directrice juridique et ESG d’un fonds d’investissement français.

Pour toutes les lectrices de FemmExpat qui galèrent, pour toutes les avocates d’affaire qui ont eu l’impression sacrifier leur carrière en suivant leur conjoint, pour toutes celles pour qui la recherche d’emploi en expatriation ressemble à un parcours du combattant, Lorraine a voulu témoigner, partager ses conseils.

Comment j’ai pris en main ma carrière en expatriation

Dépasser le choc de l’inactivité en expatriation…

2014, je quitte tout : famille, amis, 2 pièces balcon sans vis-à-vis (le graal parisien) et CDI (le graal parisien bis) pour suivre mon mari à Hanoi. Ne pas travailler a été un véritable choc pour moi. En France, je travaillais depuis 10 ans, en tant qu’avocate d’affaires. J’étais indépendante, j’avais une vision assez claire de mon équilibre de vie et de ma carrière.

Arrivée à Hanoi, je me retrouve dans l’incapacité de travailler malgré tous mes efforts, avec une impression d’être piégée économiquement. Et je réalise que c’est une impression partagée autour de moi. Certains assument et en profitent, soit parce que ce mode de vie leur convient, parce qu’elles ont conscience qu’elles n’auraient jamais eu et n’auront jamais ce train de vie en France (lorsque leur conjoint est bien rémunéré), soit parce qu’elles savent que leur expatriation est de courte durée et leur retour est déjà prévu. Mais de nombreuses d’autres, souffrent plus ou moins en silence, d’un retour économiquement difficile et de l’éloignement de leurs proches : parents vieillissants, amis qui avancent dans la vie sans vous et enfants devenus grands qui vont faire leurs études en France ou dans des pays développés.

… Et le dépasser !

La première épreuve a donc été de dépasser cet électrochoc. La deuxième a été d’essayer de sortir de cette situation. J’ai proposé mon expertise d’avocate d’affaires à des dizaines de collègues de mon mari, j’ai contacté les CCI, les CCE, des réseaux professionnels. En 6 mois, on m’a proposé un stage non rémunéré et poste en contrat local à 400 euros/ mois pour 6 jours de travail hebdomadaire. C’est dire. Personne ne veut employer une épouse d’expatriée. Quelle déception, quel gâchis ! Mon mari est un des rares à avoir osé employer une femme d’expat mère de 3 enfants , bien qu’elle eu été hors poste pendant 10 ans. Elle était trilingue français, anglais ; vietnamien et il a vite su mettre à profit tous ses talents ou « compétences transférables » de femme d’expat !

Au début je culpabilisais, en me disant que je m’y prenais mal. Découvrir les réseaux FemmExpat et Expat Communication et de nombreux groupes sur Facebook m’ont permis de réaliser que je n’étais pas la seule à faire face à ce problème. Et que c’était à moi de créer mon activité et de me rapprocher de celles qui voulaient travailler.

Et personne ne s’empare du sujet ! J’ai donc entrepris de créer un petite activité de traduction juridique français-anglais, pour garder un lien avec le monde juridique. Et je me suis astreint à aller tous les jours dans un espace de coworking, comme si j’allais au bureau. J’ai commencé par traduire pour des agences (avec un gros syndrome de l’imposteur). A la fin de cette expérience, j’avais mes propres clients et je gérais des projets avec plusieurs traducteurs.

Challenger professionnellement sa prochaine expatriation

Le courage de foncer…

Pour la rentrée 2018, deux propositions s’offrent alors à mon mari. Un retour à Paris ou une expatriation en Birmanie. Pour moi, c’est une évidence, jamais je ne retrouverai de travail dans cette nouvelle expatriation. Passer 8 ans sans travailler dans une entreprise à un poste classique, c’est sûr, je serai totalement inembauchable. Donc, ma décision est limpide, ce sera Paris, tout de suite.

Face à son insistance, et pour lui prouver qu’il n’y aura pas de travail pour moi à Rangoon, je contacte alors, un cabinet de recrutement basé à Singapour qui avait publié quelques annonces en Birmanie. L’appel d’un quart d’heure se transforme inopinément en vrai entretien d’une heure trente pour un poste ouvert. « When are you landing in Yangon ? I think I have a job for you ». Notre voyage de reconnaissance se transforma pour moi en voyage pour passer des entretiens. C’est ainsi que je décrochais non pas une mais deux offres d’emploi avant même de m’installer en Birmanie. La proposition : un job et un salaire plus junior que ce que j’aurais eu en France, mais des perspectives. Et la découverte d’un domaine à la mode :  l’ESG (Environnement, Social et Gouvernance) qui était la spécialité de ce fonds d’investissement.

…Malgré les aléas de la vie !

La suite de l’aventure, beaucoup d’entre vous la connaissent : 2 ans à découvrir le pays au mille pagodes, mais aussi le monde de la finance de développement, puis un retour en urgence pendant le confinement, du travail à distance depuis la France. Pour nous, le parcours covid s’est enrichi d’un projet de 2e enfant, et bien sûr, d’une grossesse alitée. Mais passons, nous voici fin janvier 2021 de retour à Rangoon pour de bon pensons-nous. 2 jours après notre atterrissage, coup d’Etat de la junte birmane. Nous tenons deux mois, jusqu’à ce que notre quartier brûle…littéralement. Evacués par l’ambassade de France, nous rentrons en urgence à nouveau. Cette fois-ci, définitivement.

Carrière et retour en France : assumer son atypisme

Ne pas subir professionnellement son retour en France

Mars 2021. Ce retour en France, je veux le réussir. J’ai envie de le mener et ne pas le subir. Une certitude : je suis un profil atypique ; je vais faire peur, et comme me le confirme un ami chasseur de tête « 90% des employeurs ne sauront pas quoi faire de moi ». Donc, facilitons leur la tâche : je vais chercher le même poste dans le même secteur. Et ça tombe bien, je veux rester dans le domaine des investissements ESG qui me passionne.

Ne pas rester seule

Pour cela, ne pas rester seule, et bien me faire accompagner : mentorat d’un ancien élève de mon école (merci Alain), contacts avec le Job Booster Cocon d’Expat Communication (merci Alix), soutien moral et réflexion stratégique de mes proches (merci oncle Vincent ; merci Thibaud). Et bien sûr soutien total de mon conjoint. J’ai totalement en tête que le marché du travail est … un marché, et que je suis un produit que je dois vendre. Je passe un mois à peaufiner mon CV et mon pitch, en français et en anglais.

Networker

Puis je réseaute. Je passe mes journées sur Linkedin, à recontacter famille, amis, ex-collègues et autres relations. Je démarche les chasseurs de tête. Je mène alors une stratégie que certains spécialistes appellent la « modélisation ». J’ai commencé par visualiser mon job, et j’ai cherché à rencontrer des spécialistes de ce domaine. J’ai cherché des role models. Alors j’ai pris une liste des « 10 femmes qui font bouger la finance en 2021 ». J’ai pu en rencontrer quelques-unes, explorer les projets d’autres. J’ai eu 3 propositions d’emploi.

Valoriser son profil multi compétences

Pendant toute cette période, une certitude : si j’essaie de rentrer dans une case de quelqu’un qui n’a jamais bougé pendant sa carrière, cela ne marchera pas. Le critère du profil atypique du manager, ainsi que du format de job à plusieurs rôles s’est très vite imposé à moi. D’experte classique, je suis devenue un profil couteau suisse. Et cela me va très bien.

Aujourd’hui en matière de carrière et retour en France, j’ai à cœur de partager que les femmes d’expat sont des profils multi compétences à valoriser. Leur expertise et expérience initiales se doublent d’une capacité hors norme à s’organiser en zone d’inconfort (le fameux DIY ou système D), à prendre sur elles et jouer collectif, à identifier et s’appuyer sur les ressources existantes ; à penser logistique, approvisionnement, réseau, planification à moyen terme, recrutement local, à dépasser le « culture gap », à faire soutien moral et psy pour le conjoint et les enfants… Sans compter toutes celles qui montent leur petite entreprise locale.

Elles n’attireront sans doute pas les recruteurs des grosses entreprises qui identifient un profil en fonction d’un poste précis. Avec des stratégies d’évolution de carrière malheureusement trop souvent linéaires, mais là n’est pas la question. En revanche, leur profil couteau suisse peut plaire et mis à profit par une boîte de type start-up, qui fonctionne en mode agile, flexible, qui n’a pas les moyens de recruter un profil différent par fonction. C’est sans doute là qu’il y a une place pour nos carrières non linéaires. C’est ce que j’ai trouvé dans mon nouveau job.

A vous de jouer !

Pour consulter le profil LinkedIn de Lorraine, rendez-vous ici.

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