Créatrices : exporter ses produits, ou pas…

exporter créations

Expat au Brésil, Vanessa Pol a créé PONTO DECO, une fabrique de paniers tissés à la main par des artisans locaux. Chaque année, pendant 7 ans, elle s’est posée la question : devrais-je envisager d’exporter en France mes petits paniers que tout le monde adore par ici ? A son retour en juin dernier, Vanessa a tranché. Elle nous explique son cheminement, en remettant dans une perspective plus large l’idée d’exporter ses créations. Un témoignage qui intéressera sans doute plus d’une créatrice autour de nous…

Vivre à l’étranger c’est exotique ! Lorsque c’est la saison, pour nous expats’ de rentrer au pays, notre entourage nous demande toujours de rapporter des produits locaux. Tout cela est bien naturel et facile !

Lorsque vous créez une entreprise dans votre pays d’expatriation, ce qui est mon cas et que vous fabriquez un produit local, la question d’exporter votre travail se pose. On ne parle plus d’apporter des souvenirs dans des valises.

Être créatrice et exporter son travail

exporter ses créations

J’ai essayé d’exporter, je n’ai pas réussi. Aujourd’hui, je sais pourquoi !

Durant 7 années au Brésil, avec ma marque PONTO DECO, une fabrique de paniers fait à la main, j’ai pris les devants sur la tendance.

  • J’ai travaillé avec une vingtaine d’artisans. J’ai créé plus de 250 modèles d’objets et plus de 1200 références.
  • J’ai vendu de Salvador de Bahia dans le nord du Brésil à Santa Catarina dans le sud du pays.
  • J’ai vendu via mon e-shop, j’ai travaillé avec 27 boutiques indépendantes dans le triangle São Paulo, Rio de Janeiro, Belo Horizonte.
  • J’ai signé des collaborations avec Granado Pharmácias et Westwing Brasil parmi tant d’autres.

Alors, fallait-il aller plus loin que le marché brésilien ?

Dans mon entourage, on m’incitait à proposer mes produits au marché français : « Ça va cartonner ! ». Cette remarque de soi-disant succès garanti revient toujours. Nombre de créatrices le savent.

Exporter des créations locales en France reste une superbe opportunité…

Quand vous travaillez 2 à 3 années sur un projet pour ensuite devoir le laisser tomber parce que votre conjoint est muté, ce n’est ni agréable, ni encourageant. C’est pourquoi exporter ses créations, s’entourer dans le pays de fabrication pour conserver le projet, c’est une aubaine. C’est une démarche ambitieuse de développement de carrière et d’entreprise. Cela règle le problème de la conjointe qui n’a plus besoin de se réinventer à chaque expatriation.

Je pense à des marques comme Boks & Baum et l’atelier Ygape qui ont réussi ce pari.

Pour ma part, je ne vois pas l’intérêt. Le travail de Ponto Deco est artisanal. Le marché brésilien est à lui seul énorme, j’ai déjà tous les clients possibles sur place.

Exporter et devenir créateur d’emplois équitables ?

Effectivement, à priori, exporter signifie création d’emplois. Vous permettez à l’équipe locale de garder son job ! A l’inverse, quand vous fermez, c’est autant de personnes que vous laissez sans ressources.

Mais attention, pour que ce soit viable, il faut apporter aux ouvriers et aux ouvrières de la sécurité : un plan de santé, une aide à l’éducation pour les enfants, des tickets repas …. Des actions concrètes !

Personnellement je ne voyais pas comment gérer l’économie de ce système. L’idée de fabriquer un produit « pas si cher » et de le revendre « très cher » ailleurs, m’a toujours posé un problème. Comment expliquer à mes équipes que nos paniers valent de l’or, mais pas leur salaire ?

Aujourd’hui pour que des créations locales soient vendues à l’étranger de manière éthique, il faut être totalement transparent. Publier ses chiffres est la seule manière de faire du commerce équitable. Sans cela, on ne va pas se mentir ! Cela n’a rien d’équitable.

Est-ce forcément une source de croissance ?

Lorsqu’une créatrice française expatriée lance un produit made in local, toute la communauté française se jette dessus. Rappelons les très bonnes raisons à à cela :

  • C’est très souvent de qualité.
  • Ce sont des articles qui combinent touche locale avec le bon goût français.
  • Les ventes se passent généralement en privé, moment propice et privilégié pour se faire plaisir et acheter des articles que nous ne trouvons pas sur place.
  • Le manque de boutiques et de créations sympas à acheter dans le pays d’accueil.

Pour autant une fois posé dans une vitrine en France est-ce que le produit plaira autant ? Rien de sûr ! Je n’ai pas la réponse à cette question… mais je sais que :

  • La concurrence est imposante.
  • Le produit peut être moins beau, vu de la France.
  • L’offre d’articles divers et variés est vaste.
  • Le prix trop élevé une fois exposé en France.

Il est préférable de tester avant de faire le grand pas. Et ne pas crier victoire parce que vous avez vendu 50 articles dans la semaine dans une vente privée à Singapour.

Alors… ne pas exporter ses créations, est-ce envisageable ?

Nous sommes au XXI siècle, nous avons connaissance des actions humaines sur l’environnement. Je pars du principe que tout le monde souhaite un monde plus juste.

Du coté créatrice, vous êtes organisée et commencez l’aventure en France. Vous devez faire preuve d’initiatives pour organiser votre commerce équitable et pour répondre au défi climatique. Posez-vous la question :

  • Vos produits sont beaucoup plus chers à la vente. Avez-vous pour autant augmenté le salaire de vos équipes ?
  • Vous devez fournir plus et vite. Avez-vous recruté pour agrandir votre équipe ? Les emplois sont-ils sécurisés ? Les ouvriers et ouvrières travaillent-ils avec des garanties viables ?
  • Êtes-vous prêtes à délivrer tous vos chiffres ? À documenter votre travail, vos ateliers avec des vidéos ?
  • La marchandise arrive en France par avion ? Envisagez-vous une contribution carbone volontaire ?

Ma conclusion…

1- Un produit fabriqué dans un pays est très beau parce qu’il est fabriqué avec un design et une technique locale. Et à mon avis, il est encore plus beau lorsqu’il n’est en vente que dans le pays fabricant. Ce qui accentue le désir d’acquisition.

2- En expatriation, soyez lucides : vos clients auront envie d’acheter local. Comme vous. Suivez vos envies, mais en ayant conscience qu’un jour peut-être votre souhait d’acquérir mes paniers par exemple se déposera sur des bols japonais.

3- A votre retour, et si vous mettiez vos compétences acquises en expatriation au service du local bleu blanc rouge ? L’artisanat, le design, l’architecture, le stylisme… français sont beaux. Le pays est gorgé de talents. Arrêtons de voir ce qui est beau ailleurs. La France est, parait-il, le royaume du bon goût ! En achetant local le monde est juste, et tout le monde gagne ! Vraiment !

vanessa pol

Vanessa Pol – Vanessa s’est depuis installée à Marseille. Elle est concepteur-redacteur web, spécialisée  dans la rédaction de newsletters.

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